Algérie : le théâtre amazighe à l’honneur


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La maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou a abrité, du 1er au 5 février, la 8ème édition des journées théâtrales d’expression amazighe. Cette festivité a permis d’exposer les atouts culturels, artistiques et dramaturgiques de la langue amazighe qui a su garder son authenticité au cours des siècles.

Notre correspondant en Algérie

L’association Amezgun N’Djerdjer a organisé du 1er au 5 février courant la 8ème édition des journées théâtrales d’expression amazighe sous le haut patronage de madame la ministre de la culture et l’égide du wali de la wilaya de Tizi-Ouzou. Un événement auquel ont contribué également la direction de la culture de Tizi-Ouzou, le théâtre Kateb Yacine de la même ville et le théâtre régional de Bejaia est dédié à Kateb Yacine et Ali Zammoum, deux figures de proue dans la culture algérienne.

Pas moins de 11 troupes théâtrales ont pris part à ce rendez-vous qui a drainé beaucoup de monde. Les troupes de Ghardaïa, de Bouira, d’Alger de Boumerdes, de Tizi-Ouzou et de Bejaia, sans compter les troupes locales, n’ont pas manqué à l’appel. Cette série de festivités a permis d’exposer les atouts culturels, artistiques et dramaturgiques d’une langue millénaire qui garde son authenticité malgré le torrent ininterrompu d’invasions culturelles qu’a connu l’Afrique du nord.

Après l’ouverture officielle, le 1er février, en présence des autorités locales, c’est à la troupe théâtrale de Bejaia d’ouvrir le bal avec sa pièce intitulée » Uzzu N’tayri (le mal de l’amour). « Idh Aneggarou » (la dernière nuit) de la troupe de Bejaia a été impressionnante tout comme celle de la troupe d’Iferhounéne (wilaya de Tizi-Ouzou) intitulée « Ulac Lharga Ulac » (pas de d’émigration clandestine).

Hocine Kessi, président de l’association Amezgun N’Djerdjer des Ait Bouaddou et principal organisateur de la manifestation laisse entendre que « la langue amazighe est un outil non négligeable dans la création artistique. Sa richesse et sa diversité lui prédestinent un rôle catalyseur dans l’exportation de nos valeurs culturelles ». Notre interlocuteur ajoute « l’encouragement de la production artistique et dramaturgique en langue amazighe est notre objectif que nous nous sommes assignés ».

Dans la même optique, Meziane Terrak de la troupe Numidia N’Wahrân préconise « l’encouragement des jeunes talents à s’investir davantage dans la production théâtrale en langue amazighe » non sans se féliciter du « succès de cette événement qui permet aux différents acteurs de montrer leur talents ». L’écriture dramaturgique doit, selon Omar Fetmouche, directeur du théâtre régional de Bejaia « faire s’impliquer encore davantage les jeunes auxquels il faut donner des supports nécessaires pour permettre au théâtre d’expression amazighe de se développer ».

La production dramaturgique en langue amazighe est possible grâce au génie existant et à la sonorité de cette langue millénaire. Y croit dur comme fer, Moulfra Aissa d’Alger et membre du jury qui loue les vertus linguistiques de la langue amazighe souhaite vraiment maîtriser. « La limpidité de la langue amazighe me donne de l’aisance et sa richesse linguistique lui prédestine un rôle important dans la production des œuvres littéraires et artistiques » nous fait remarquer Moulfra Aissa qui a embrassé le monde du théâtre dès le jeune age.

La présidente de l’association Irada de Kabylie, Melle Beknoune Aldjia en saluant le succès de ces 8èmes journées théâtrales invite « les jeunes talents à ne pas rechigner devant l’effort pour produire des œuvres en langue amazighe et œuvrer pour l’enrichissement et l’internationalisation de cette langue qui véhicule nos valeurs ancestrales ».

La troupe d’Iferhounéne raffle le premier prix

La clôture de cette manifestation s’est déroulée dans de meilleures conditions et en présence des responsables locaux. Le monologue de Merzouk Debza, intitulé « l’accusé » a précédé la baisse du rideau qui a vu plusieurs prix être décernés aux meilleures troupes.

Un jury composé de 6 personnes était chargé de sélectionner les principaux acteurs auxquels des prix ont été décernés. La troupe d’Iferhounéne a raflé la mise en s’adjugeant le prix de la meilleure troupe. « Nous ne pouvons cacher notre joie quant à notre participation honorifique illustrée par une meilleure récompense ce qui est encourageant à plus d’un titre », a déclaré le responsable de la troupe, Ammi Salah. Le deuxième prix est revenu à la troupe Numidia d’Oran, qui a convaincu l’assistance avec sa pièce intitulée « Vuthchachith Ulacith » (l’homme à la chéchia est absent » alors que le troisième prix est revenu de fait à la troupe de Maatkas.

Le directeur de la culture de Tizi-Ouzou, El Hadi Ould Ali s’est félicité du succès de l’événement non sans manifester sa « disponibilité à œuvrer dans le sens de l’épanouissement et du développement du théâtre d’expression amazigh » en « encourageant les acteurs engagés ». Cette importante manifestation ne s’est pas achevée sans avoir marqué aussi bien les participants que les invités. La spécificité de cette édition réside selon le principal organisateur, Hocine Kessi dans « l’organisation de conférences, tenues par des professionnels de la trempe de Omar Fetmouche en qualité de directeur régional du théâtre de Bejaia et de Sid Ahmed Benaissa et qui sont assimilables à des cours de formation pour les jeunes comédiens tenues de rehausser le niveau de la langue amazighe ».

Mohand Ouaneche, journaliste à la radio Tamanrasset et spécialiste en la matière retiendra de cette édition « la volonté de la création de coopératives théâtrales manifestée par les organisateurs et qui seront un appui non négligeable à la formation d’acteurs et de comédiens professionnels en mesure de donner un bond qualitatif à la langue amazighe en tant qu’outil de la réalisation d’œuvres dramaturgiques ».
Notre interlocuteur estime que « les textes régissant la création de coopératives théâtrales sont révolus puisqu’ ils datent de 1973 et nécessitent une révision dans le sens de promouvoir le théâtre d’expression amazighe ».

Un autre cadre de l’association Amezgun N’Djerdjer, Madjid Brahimi estime que cette édition est de nature à « pouvoir apporter aux différents acteurs engagés dans le monde du théâtre de nouveaux supports comme la création de structures pouvant réunir les dramaturges et leur assurer une formation conséquente ».

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