Algérie : l’arnaque des « faux moudjahidines » dénoncée


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L’affaire fait grand bruit en Algérie. Un député de l’opposition, Nouredine Ait Hamouda a révélé le scandale « des faux moudjahidines ». Ils seraient aujourd’hui 20 000 anciens faux combattants à toucher des pensions. Cette somme allouée par l’Etat servirait, selon M. Ait Hamouda, à entretenir le clientélisme. Une déclaration qui ne fait pas l’unanimité, notamment chez l’association des grands invalides de Libération nationale, qui considère les propos du député comme « une atteinte à la famille révolutionnaire ».

Alors que l’Algérie commémore le 54e anniversaire du déclenchement de la guerre pour l’indépendance, une polémique déclenche de vifs débats dans le pays. Un député de l’opposition du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Nouredine Ait Hamouda –fils du colonel Amirouche, héros de la guerre d’Algérie-, a créé un esclandre en octobre dernier en pleine séance plénière du Parlement.

Il a révélé le scandale des « faux moudjahidines » qui touchent des pensions des combattants de la guerre de libération. « Il y a 20 000 faux moudjahidines qui touchent de l’argent pour cause d’invalidité depuis de nombreuses années », déclare M. Ait Hamouda à Afrik. Pour le député, le budget alloué pour les anciens combattants – le 4ème de l’Etat – est trop élevé pour être honnête. Il se base sur le chiffre d’un million et demi de morts durant la guerre, ce qui est, de l’avis de M. Ait Hamouda, un chiffre qui n’est pas crédible. Outre les anciens combattants, « les fils des moudjahidines et des chouhada (martyrs, ndlr) perçoivent aussi cette indemnité, beaucoup de gens en abusent, c’est tout le problème en Algérie », explique un journaliste d’El Watan, Madjid Makedhi.

Le gouvernement pour cible

Le député est plus véhément. Pour lui, un seul coupable, le gouvernement du chef de l’Etat algérien Abdelaziz Bouteflika. « Cet argent sert à payer un réseau, le pouvoir donne des pensions à vie aux faux anciens combattants en échange de leurs voix », confie le député. « Tous les chiffres sont faux, on nous ment, ce n’est pas un fait nouveau », ajoute-t-il, agacé. Cette déclaration du député de l’opposition n’a pas été du goût du président de l’association des grands invalides de guerre de Libération nationale (Angig), Mohamed Bouhafsi qui a demandé la déchéance des mandats des députés de la RCD pour « atteinte à la famille révolutionnaire ».

Cette polémique autour des faux anciens combattants existe depuis de nombreuses années. En Algérie, dans les communes, les gens connaissent la tactique des faux anciens combattants. Le procédé de falsification est simple. Il suffit de demander un certificat de nationalité dans sa ville ou dans son village et de présenter deux témoins pouvant attester de la bravoure du prétendant au titre.

12 000 faux moudjahidines démasqués

Pour faire la clarté sur cette affaire, Mohamed Chérif Abbas, le ministre algérien des Anciens Combattants a chargé un inspecteur d’analyser tous les dossiers des anciens combattants. Il a suspendu 12 000 dossiers de faux moudjahidines. Selon Mohamed Bouhafsi, près de 85 000 dossiers de demande de reconnaissance de la qualité de moudjahid sont bloqués au niveau de la commission ministérielle.

L’historien français, Benjamin Stora, ne s’étonne pas de voir un tel scandale au devant de la scène politique et médiatique. Interrogé par France 24, le chercheur révèle que le système algérien n’est pas parvenu à faire de l’histoire un objet du passé. « Il y a des pans entiers de l’histoire algérienne qui ne trouvent pas d’épilogue. Je peux citer, entre autres, l’assassinat du colonel Amirouche ou encore les rapports entretenus entre les maquis de l’intérieur et les forces militaires postées aux frontières vers la fin de la guerre. La vérité est que tous les scandales sur l’histoire sont liés à des enjeux d’Etat opaques », analyse Benjamin Stora.

Cette histoire remet en cause le gouvernement algérien et le chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, qui, malgré les critiques, résiste. Il a d’ailleurs révisé la constitution pour pouvoir briguer son troisième mandat.

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