Algérie : comment va Abdelaziz Bouteflika ?


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Un black-out total entoure l’évolution de l’état de santé de Abdelaziz Bouteflika, une semaine après son admission à l’hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce suite à «un accident ischémique transitoire».

Le Président a-t-il quitté l’hôpital ? Son retour au pays, bruissé par des canaux officieux, est ajourné. La communication officielle – et même officieuse – s’est subitement éteinte. Après les communiqués laconiques informant de son hospitalisation, suivis d’autres rassurant sur son état de santé, les autorités politiques du pays ont brusquement décidé de verrouiller les canaux de la communication. A quel dessein ? Pourtant, les Algériens ont le droit de savoir, d’autant que le Président concentre de larges pouvoirs. L’état de santé du Président ne relève pas de la sphère privée. Mais le secret est jalousement gardé, alors que l’opinion publique et la classe politique s’interrogent sur les implications d’une longue absence du Président sur le fonctionnement des institutions de l’Etat. Constitutionnellement, le Président est au cœur de l’architecture institutionnelle du pays. Son hospitalisation, suivie d’une longue période de convalescence, paralyserait le fonctionnement du pays. Même si certains observateurs avisés estiment que dans le cas du régime algérien, « la présence ou l’absence du chef de l’Etat n’a pas d’incidence sur la routine bureaucratique et sur le flou des politiques publiques ». C’est en tout cas l’avis de Abdessalam Ali Rachedi, qui considère que « l’absence du Président ne crée pas de vide dès lors qu’en réalité, il existe un pouvoir occulte qui exerce le pouvoir réel ».

Par ailleurs, Ali Rachedi, qui est aussi professeur de médecine (histologie), relève des contradictions « flagrantes » dans la communication officielle sur la maladie de Bouteflika : « S’il s’agit, comme déclaré initialement, d’un accident ischémique transitoire, sans gravité et sans séquelles irréversibles, le transfert au Val-de-Grâce n’est nullement justifié. Par ailleurs, on nous assure qu’il ne s’agit pas d’un accident hémorragique. Dans ce cas, pourquoi évoque-t-on l’hypothèse d’une embolisation, c’est-à-dire une intervention destinée à obturer une artère, puisqu’il n’y a pas d’hémorragie ? La seule hypothèse qui reste est celle d’un cancer du cerveau, l’embolisation étant destinée à boucher l’artère qui nourrit la tumeur. Or, on sait, d’après les révélations de WikiLeaks, que Bouteflika souffrait bien d’un cancer et non d’un simple « ulcère hémorragique » comme annoncé officiellement. La maladie actuelle de Bouteflika serait donc beaucoup plus grave que ce que l’on veut bien nous faire croire et le soi-disant exercice de transparence n’aurait pas d’autre but que de cacher cette gravité. »

Cependant, d’autres pensent paradoxalement qu’un chef d’Etat diminué physiquement pèse lourdement sur le fonctionnement des institutions et du pays de manière générale. Cela s’est ressenti de manière éclatante depuis la réélection de Bouteflika en 2009 pour un troisième mandat présidentiel. Depuis ses ennuis de santé apparus en 2005, des voix s’élevaient pour exiger un bilan de santé de Bouteflika établi par une commission médicale indépendante. « La présence du chef de l’Etat est indispensable au fonctionnement et la gestion quotidienne des affaires, des documents à signer, des décisions à prendre qui nécessitent l’accord du Président», commente le politologue Mohamed Hennad. L’impact est encore plus grave dès lors que le mystère entoure la vraie maladie du Président. «Le silence qui entoure l’évolution de son état de santé, son hospitalisation, plonge l’opinion dans le flou et dans l’incertitude. Et ce n’est pas bien pour le pays », ajoute encore M. Hennad.

Il est utile de rappeler que depuis sa réélection en 2009, l’action de Bouteflika s’est limitée au strict minimum. Plus de déplacement ni à l’étranger ni à l’intérieur du pays, les Conseils des ministres ne se tiennent plus et s’ils se tiennent c’est à intervalles éloignés. La dernière apparition politique de Bouteflika remonte au 8 mai 2012 à Sétif, d’où il avait asséné la fameuse phrase « tab djenanna » (notre génération a passé l’âge) !

Le périlleux blocage multiforme dans lequel se trouve l’Algérie est aggravé par une énième absence du Président. « Dans un pays comme l’Algérie où rien ne se fait sans l’accord du Président, son absence aura un impact sur le fonctionnement des institutions », appuie l’avocat Mokrane Aït Larbi, qui juge qu’un bulletin de santé quotidien « doit être rendu public ». Le politologue Rachid Grim, qui est aussi du même avis, professe qu’avec cette nouvelle hospitalisation de Bouteflika, c’est « le quatrième mandat qui est fichu ! ». –

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