Alger criminalise la désinformation contre l’ordre public et l’Etat


Lecture 4 min.
Le Président algérien, Abdelmadjid Tebboune
Adelemadjid Tebboune, nouveau Président d'Algérie

Les députés algériens ont adopté, mercredi 22 avril, un projet de réforme du code pénal « criminalisant » la diffusion de fausses informations qui portent « atteinte à l’ordre public et à la sûreté de l’Etat », un texte contesté par les militants des droits humains.

En plein confinement et devant une salle presque vide, « le projet du code pénal est passé par l’APN comme une lettre à la poste », a annoncé hier le vice-président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH), M. Saïd Salhi.

Présenté dans le cadre d’une réforme du code de pénal, le projet de loi a été débattu et voté en une matinée dans un hémicycle presque vide en raison de l’épidémie de Covid-19, selon les images diffusées par la télévision.

Ces débats sur le nouveau code pénal ont lieu au moment où le « Hirak » (le mouvement populaire anti-régime qui a ébranlé le pouvoir algérien pendant plus d’un an) est suspendu en raison de la pandémie, dans un contexte de répression contre des opposants et des médias.

Criminaliser la diffusion de fake news

Cette réforme du code pénal doit passer, aujourd’hui, jeudi 23 avril, devant la chambre haute du Parlement, le Conseil de la Nation, une simple formalité, avant son adoption définitive. Le texte prévoit de « criminaliser (…) notamment la diffusion de fake news » visant à « porter atteinte à l’ordre et à la sécurité publics », ainsi que « l’atteinte à la sûreté de l’Etat et à l’unité nationale ».

Quiconque diffusera ou propagera de fausses informations portant atteinte à l’ordre et à la sécurité publics risque entre un et trois ans de prison, voire le double en cas de récidive, selon ce texte. Un autre article rend passible de six mois à deux ans de prison toute personne coupable de faits exposant la vie privée d’autrui ou mettant « son intégrité physique en danger ». La peine peut aller jusqu’à cinq ans de prison si les faits ont lieu durant des « périodes de confinement sanitaire ou d’une catastrophe naturelle, biologique ou technologique ou de toute autre catastrophe ».

Fausse information ou erreur du journaliste, comment faire la différence ?

L’avocat et militant des droits de l’homme, Me Abdelghani Badi, considère que les dispositions des deux projets de loi relatifs à la lutte contre la discrimination et au code pénal sont « ambiguës ». Il explique pourquoi ces deux textes posent problème.

D’abord, selon lui, « ils seront adoptés par un Parlement dont la légitimité est contestée par les Algériens. Ils interviennent dans une période où il ne peut pas y avoir de débats entre les spécialistes vu le confinement et la crise sanitaire. Ils interviennent également avant la révision de la Constitution qui est au dessus de toutes les lois ». Ensuite, « les dispositions du projet de loi modifiant et complétant le code pénal évoquent certains concepts non-défini par le législateur algérien et qui ont posé problème au cours de ces derniers mois. Il s’agit notamment de l’unité nationale. L’article 79 du code pénal évoque effectivement l’atteinte à l’unité nationale mais sans la définir », précise-t-il.

Interrogé sur le projet de loi modifiant et complétant le code pénal, qui prévoit une peine allant jusqu’à trois ans de prison pour la diffusion d’une fausse information, Me Badi explique que « dans le monde entier, il y a de fausses informations qui sont démenties selon les dispositions prévues dans les lois relatives à l’information ».

Et d’ajouter : « Les textes n’évoquent pas de délit et ne prévoient pas de peines aussi dures pour la publication d’une information qui serait fausse. Dans son métier, le journaliste peut obtenir des informations de plusieurs sources. Son travail peut être parfois entaché d’erreur ».

Il rappelle également que « c’est le pouvoir qui ne facilite pas l’accès à l’information. C’est ce qui laisse aussi la rumeur circuler. Par exemple, la rumeur sur un cas de coronavirus en prison n’aurait pas circulé si le directeur de prison avait parlé et répondu aux craintes. C’est en permettant l’accès aux informations qu’on lutte contre les rumeurs. Et l’accès à l’information est un droit constitutionnel. En réalité, ce sont les sites d’information et les réseaux sociaux qui sont visés par cette disposition ».

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News