Alger, capitale de l’orientalisme


Lecture 3 min.
arton6707

L’exposition L’Algérie des peintres à l’Institut du Monde arabe à Paris recèle bien des trésors : on y découvre notamment la période orientaliste de Renoir, et on y admire l’une des toiles les plus célèbres de Delacroix, Femmes d’Alger dans leur appartement. Incontournable.

Au début des années 1830, des artistes français font le voyage en Algérie. Des peintres surtout. Pour la plupart, ils ressentent un véritable choc en arrivant et doivent ajuster leur palette de couleurs pour coller à la lumière et aux tons qui dominent dans ce vaste pays aux paysages si divers. C’est le début de « l’orientalisme » qui invente le mythe de la langueur orientale, des harems feutrés, des femmes mystérieuses et… offertes. Un exotisme souvent plus fantasmé que réellement vécu. « Le voyage d’Alger devient pour les peintres aussi indispensable que le pèlerinage en Italie : ils vont là apprendre le soleil, étudier la lumière, chercher des types originaux, des mœurs et des attitudes primitives et bibliques », explique l’écrivain Théophile Gautier.

Le premier à s’engager sur cette voix, c’est Eugène Delacroix. Le peintre découvre Alger après cinq mois passés au Maroc, en 1832. Il est autorisé à visiter en secret le harem d’un corsaire turc : une révélation qui va lui inspirer, en 1834, l’un de ses chefs-d’œuvres mondialement connu : Femmes d’Alger dans leur appartement. Baudelaire le décrit à l’époque comme un « petit poème d’intérieur, plein de repos et de silence, encombré de riches étoffes et de brimborions de toilette ». « Ces roses pâles et ces coussins brodés, cette babouche, toute cette limpidité, je ne sais pas moi, vous entrent dans l’œil comme un verre de vin dans le gosier, et on en est tout de suite ivre », affirme Cézanne. Quant à Renoir, il dira qu’« il n’y a pas de plus beau tableau au monde ». Pour lui, cette œuvre, « sent la pastille du sérail : quand je suis devant ça, je m’imagine à Alger ».

Renoir l’orientaliste

Renoir, justement, clôt l’exposition avec une quinzaine d’œuvres présentées, parfois pour la première fois. Que sait-on de la période orientaliste de Renoir ? Peu de choses en vérité. Loin des guinguettes du bord de Marne et du Paris bohème, lassé de l’impressionnisme, il fait le voyage un demi-siècle après le premier séjour de Delacroix et vingt ans après la mort de celui-ci. L’Algérie a alors été « départementalisée ». Renoir, fasciné par la « blancheur » d’Alger et la luxuriance de sa campagne environnante, laisse aussi une série de portraits de femmes et d’enfants tendres et touchants, aux traits fortement occidentalisés.

Et puis il y a ceux qui ne sont jamais partis, comme Alfred Delobbe, mais qui sacrifient quand même à la mode orientaliste. Il y a ceux qui sont venus, ont vu et vaincu, comme Horace Vernet qui effectue son premier voyage en 1833 et s’attache à exalter le triomphe des troupes françaises. Comme celles de Fromentin, ses toiles se mettent au service de la colonisation et témoignent des combats. D’autres encore, ont suivi le sillon creusé par Delacroix comme Henri-Félix-Emmanuel Philippoteaux qui peint en 1846, Femmes mauresques d’Alger dans leur appartement, ou Eugène Girard avec Femmes d’Alger, intérieurs de cour en 1859. Une fascination pour l’Orient en général et l’Algérie en particulier qui a traversé les années sans prendre un ride.

L’Algérie des peintres, de Delacroix à Renoir, Institut du Monde arabe, du 7 octobre 2003 au 18 janvier 2004. Rens : (00 33) 1 40 51 38 38.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News