Agression d’un adolescent juif à Paris : le temps de l’apaisement


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Mis à mal par l’agression d’un adolescent juif le 21 juin dernier, le XIXe arrondissement de Paris se veut aujourd’hui uni. Son maire a pris l’initiative jeudi d’un rassemblement « fraternel » pour manifester son soutien et sa solidarité au jeune Rudy. Mais surtout pour mettre fin à une polémique autour du communautarisme et de l’antisémitisme.

Le XIXe arrondissement de Paris essaie de retrouver sa sérénité. Une dizaine de jours après l’agression dont a été victime Rudy, un adolescent juif, dans une rue proche du parc des Buttes-Chaumont, le maire Roger Madec (PS) a décidé d’apaiser les esprits. Sur le parvis de la mairie, une estrade a accueilli jeudi soir, les habitants et de nombreuses personnalités dans le cadre d’une rencontre « pour un XIXe solidaire et fraternel ».

Réhabiliter l’image du quartier

rasst3.jpgDans la foule qui s’amasse sur la place, des membres de la communauté juive côtoient des Noirs, des Arabes, des gens qui vivent dans le XIXe. Ils sont venus manifester leur soutien à un quartier malmené par la presse et l’opinion depuis l’agression du 21 juin dernier. Le maire prend le micro et rassure ses administrés en leur rappelant le choc qu’il a ressenti à la suite de ce triste évènement. « C’est un acte ignoble et inqualifiable. Il appartient aux seules autorités compétentes d’en établir les causes et les circonstances ». Allusion claire à la polémique qui a enflé depuis 10 jours, ternissant l’image d’un quartier déjà stigmatisé. « Beaucoup de choses ont été dites et écrites, parfois de manière abusive. Je refuse que le XIXe arrondissement soit présenté comme le terrain d’affrontements permanents, d’une guerre civile. C’est faire injure à tous ceux qui ont fait le choix d’y vivre ». Applaudissements des riverains,qui en ont décidément plus qu’assez d’être présentés comme les acteurs de règlements de comptes incessants entre « bandes ethniques ».

Conscient des tensions palpables dans son arrondissement, Roger Madec promet vigilance et action. Le racisme existe, c’est un fait. Mais il a bon dos lorsqu’il s’agit d’en faire la cause principale de tous les maux. Le symbole du rassemblement de jeudi, le « vivre ensemble », sera promu encore et encore. L’artiste Abd-Al-Malik souligne ainsi que la richesse du XIXe, c’est « sa diversité, sa mosaïque de cultures, de langues et de couleurs ». Pour lui, « il n’y a qu’une seule communauté, et elle est humaine ».

Puis, c’est au tour du président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Richard Prasquier, de s’exprimer. Pour lui, la société est en cause. « Quel est ce monde où les gosses trouvent que c’est un moyen de se comporter que d’aller frapper en groupe leurs semblables ? » Et s’il n’y a pas, selon lui, des moyens précis de prévenir de genre de « phénomène qui s’est passé ici mais qui aurait pu se passer ailleurs », il y a des moyens de les guérir, en développant « la capacité de fraternité des habitants ». Richard Pasquier estime néanmoins qu’ « il faut rappeler la barbarie de l’acte ». « Il a failli être tué. Ces jeunes se sont acharnés. Il y a de l’antisémitisme. Et si les actes antisémites ont diminué, les stéréotypes demeurent très présents chez les jeunes. »

Au-delà de la dimension ethnique et communautaire

rasst-2.jpgPour beaucoup, l’agression de Rudy reste en effet un acte antisémite. Un habitant, de confession juive, n’en démord pas. « Bien sûr que c’était antisémite, et je suis ici pour manifester ma volonté de pacifier l’arrondissement. Mais il y a des moments où certains cas de violence interpellent.» Faut-il alors en déduire que la violence contre un adolescent juif mérite plus de mobilisation que n’importe quel autre fait de violence ? Bakary Sakho, le représentant de l’association Braves Garçons d’Afrique met en garde contre les raccourcis trop rapides et les clichés. « Faisons attention aux mots que nous utilisons. Nous ne sommes pas un arrondissement de racistes. Il n’existe pas d’affrontements intercommunautaires ou d’antisémitisme organisé. Si c’était le cas, on le saurait et tout le monde serait barricadé chez lui. Il y a juste des ignorants mal intentionnés qui circulent aussi ailleurs que chez nous. » Ce qui semble préoccuper le XIXe, c’est la violence entre les jeunes, l’expression de leur frustration. Mais là-dessus, on dira peu.

Jeudi, l’essentiel était ailleurs, dans la volonté partagée de tout un arrondissement de ramener le calme, de faire retomber le soufre et de restaurer le lien social entre des habitants pointés du doigt. Encourager ce « vivre ensemble », rétablir le contact entre tous en activant la mixité sociale. Mais par-dessus tout, montrer qu’on n’oublie pas la victime, qui récupère de ses blessures chez elle, à l’abri des vagues et de derniers remous de cette affaire.

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