Afrique du Sud : le gouvernement freine les entreprises


Lecture 5 min.
Le Président sud-africain, Cyril Ramaphosa
Le Président sud-africain, Cyril Ramaphosa

L’euphorie post-Ramaphosa s’est envolée en Afrique du Sud. Alors que le gouvernement incite le secteur privé à prendre ses responsabilités en tant que relais de croissance, il ne trouve rien de mieux que d’entraver la liberté économique et de barrer ainsi le progrès des entreprises.

Dans son article, Chris Hatting expose quelques entraves à la vie des entreprises sud-africaines. Il souligne particulièrement le risque important entachant de droit de propriété depuis que la Constitution du pays autorise l’expropriation ciblée sans aucune indemnisation.

La confiance des entreprises sud-africaines est au plus bas depuis deux ans. Ça ne surprend personne. Soulignons que les politiciens sont totalement conscients de ce qu’ils font quand ils tentent d’exproprier sans compensatoire (ESC)[1] une partie de la population. La vague d’optimisme qui a suivi l’élection du président Ramaphosa s’est définitivement estompée. De toute évidence, l’Afrique du Sud s’éloigne de la liberté économique, et par extension, de son rythme de croissance économique. La « Ramaphoria » qui submergeait le pays ne reposait sur rien. Les belles paroles séductrices ont anesthésié l’esprit critique vis-à-vis des mesures prises.

L’incertitude sur les droits de propriété

L’ESC est la plus grande menace qui puisse toucher une entreprise. L’amendement de l’article 25 de la Constitution pour permettre ce genre d’expropriation, conduira à la dilution, voire la dissolution, de la notion de droit de propriété individuelle. Les droits de propriété ne peuvent pas être appliqués de manière sélective : soit tous les biens sont reconnus et protégés en tant que tels, soit nous modifions l’article 25, puis nous essayons de vivre dans un pays dans lequel les biens de quiconque sont susceptibles d’être saisis de manière arbitraire par l’État.

L’ESC est l’antithèse de la relation de confiance entre les citoyens et l’État. Elle annihile tout sentiment de sécurité dans l’avenir d’une entreprise qui a mis des années à se développer. Avec l’ESC, la propriété de chacun est susceptible d’être accaparée par l’Etat. Les terres agricoles, les maisons, les voitures, le contenu de votre compte bancaire, vos usines, vos immeubles commerciaux et le capital qui s’y rattache sont en danger.

Jusqu’à présent dans la très jeune histoire démocratique de l’Afrique du Sud, les droits de propriété de chaque Sud-Africain étaient reconnus et protégés par la Constitution. Les Sud-Africains noirs, qui se sont vus reconnaître leurs droits de propriété légitimes avant 1994, sont les personnes les plus touchées par l’ESC. La modification de l’article 25 de la Constitution ramène le pays à une époque où leurs droits de propriété étaient soumis à l’accord discrétionnaire de l’État d’apartheid.

Les plus pauvres pris au piège

D’évidence, les Sud-Africains riches peuvent transférer leurs richesses, leurs entreprises et leurs capitaux à l’étranger si les choses deviennent insoutenables dans leur propre pays. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Les pauvres Sud-Africains, dont la grande majorité sont noirs, subiront les conséquences de politiques et de lois anti-liberté et anti-croissance telles que la ESC. Quant au salaire minimum et à l’Assurance maladie nationale qui semblent de bonnes mesures pour les pauvres, elle a pour conséquence concrètement de les évincer. En effet, une législation du travail onéreuse exclue de fait les moins qualifiés qui sont souvent les plus pauvres. Ces différentes mesures  s’opposent à l’idée même de liberté individuelle et à la création de richesse. Au lieu de cela, elles justifient que davantage de fonds soient mobilisés par le gouvernement plutôt que par les citoyens du pays. Ils permettent à l’Etat d’engloutir des pans de plus en plus importants de l’économie.

Aucune incitation à l’investissement

Les Sud-Africains ont raison d’investir de moins ne moins leur temps, leurs ressources et leur richesse dans le pays. Le dernier coup asséné à la confiance des entreprises est la situation désespérée d’Eskom, la compagnie publique d’électricité. Comment peut-on accepter une gestion déplorable entraînant une telle incertitude sur l’approvisionnement en électricité pourtant crucial pour une entreprise? Les grandes entreprises peuvent se permettre d’avoir leurs propres générateurs et peuvent en supporter les coûts associés, mais les petites entreprises ne peuvent tout simplement pas se permettre un coût d’exploitation supplémentaire. En conséquence, ces dernières doivent choisir entre déménager ailleurs ou fermer complètement ce qui va encore impacter négativement l’emploi. Si l’Afrique du Sud comptait trois ou quatre producteurs et distributeurs d’énergie différents, la situation serait moins risquée qu’avec une seule entreprise telle que Eskom. Le problème fondamental est que l’État se considère comme gardien et responsable de la satisfaction de tous les besoins. C’est ce qui explique qu’il faudra surement encore souffrir longtemps avant que la concurrence soit autorisée dans le secteur de l’énergie.

La confiance mutuelle entre les entreprises et le gouvernement est une chose fragile. De nombreux hommes politiques implorent le secteur privé à contribuer davantage, à prendre plus de responsabilité pour faire progresser le pays. Rappelons en effet que, sans les entreprises, la situation de la société serait encore pire qu’elle ne l’est actuellement. Les politiciens savent demander mais font fi d’ignorer les problèmes rencontrés par ses entreprises : le coût de création et de gestion. Les entraves qu’elles rencontrent au quotidien sont déjà difficiles à surmonter. Au lieu de leur demander de faire plus, le gouvernement devrait se pencher sur des solutions pour améliorer la liberté économique dans le pays. Plus les entreprises seront étouffées et plus le pays régressera.

Chris Hatting, analyste au Free Market Foundation.

Article publié en collaboration avec Libre Afrique

[1] En anglais : Expropriation without compensation (EWC)

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News