Afrique du Sud : la violence sexiste classée « catastrophe nationale » après une mobilisation historique


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Cyril Ramaphosa
Cyril Ramaphosa

Face à une mobilisation nationale inédite contre les violences faites aux femmes, l’Afrique du Sud vient de classer la violence sexiste comme « catastrophe nationale ». Une décision essentielle dans un pays où quinze femmes sont tuées chaque jour et où les institutions peinent à enrayer le fléau.

La mesure est prise par le gouvernement sud-africain à la suite d’une campagne en ligne virale et d’un appel national invitant les femmes à « se retirer de l’économie pendant une journée » et à s’allonger pendant 15 minutes pour dénoncer un fléau qui coûte la vie à 15 femmes chaque jour.

Une pression populaire qui force l’État à agir

L’Afrique du Sud a reclassé la violence sexiste et le féminicide en « catastrophe nationale », après une campagne en ligne massive et des manifestations organisées, ce vendredi, à l’appel du mouvement Women for Change. Dans tout le pays, des milliers de personnes ont observé un « lie down » de 15 minutes en hommage aux quinze femmes tuées chaque jour.

Initialement réticent, l’État a changé de position face aux « risques persistants et immédiats » identifiés par le Centre national de gestion des catastrophes. Cette reclassification permet désormais d’utiliser des budgets dédiés pour renforcer la lutte contre les violences, avec la possibilité de recourir à un état d’urgence national en cas d’inefficacité des mesures prises.

La mobilisation a dépassé les frontières sud-africaines, trouvant des échos en Eswatini, au Kenya et en Namibie, tandis que plus d’un million de signatures ont été récoltées en ligne. Women for Change parle d’une « victoire historique ».

Un fléau enraciné dans le quotidien et les failles institutionnelles

Avec un taux de féminicides cinq fois supérieur à la moyenne mondiale, l’Afrique du Sud demeure l’un des pays les plus violents pour les femmes. Malgré des lois robustes, les ONG dénoncent un manque de mise en œuvre, de transparence et de suivi judiciaire. Certaines participantes au mouvement ont même fait état de pressions de la part de leurs employeurs pour ne pas manifester.

Face à cette insécurité durable, des initiatives d’autodéfense apparaissent, comme Girls on Fire, qui forme les femmes au maniement d’armes, un « dernier recours », selon sa fondatrice. Le témoignage de Prudence, violée en 2022 et dont l’affaire a été classée après la perte du kit ADN, illustre les défaillances systémiques qui alimentent la défiance envers les institutions.

Si la reclassification constitue une certaine avancée, les organisations féministes attendent désormais des preuves concrètes que l’État entend réellement s’attaquer à ce fléau enraciné dans les normes sociales et les failles du système judiciaire. La manifestation de ce jour a lieu à un moment important puisque le sommet du G20, le premier sur le sol africain, s’ouvre ce samedi à Johannesburg.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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