Afrique du Sud : l’infernal duo inégalités-violence


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Discours de haine, violences et meurtres, tel est le triste tableau que nous peint l’Afrique du Sud ces dernières années. Une Afrique du Sud qui autrefois, inspirait l’espoir des différences fusionnées, et qui aujourd’hui sombre dans la généralisation d’un phénomène pestilentiel : la xénophobie. Pourquoi ces sentiments xénophobes sont-ils exacerbés dans le pays ?

Echec de l’ANC

Trois ans après l’abolition de l’apartheid, les premières élections législatives multiraciales en Afrique du Sud avaient plébiscité l’ANC et avaient permis à Nelson Mandela de devenir président. Son objectif était alors de faire de l’Afrique du Sud une nation détribalisée et non-raciale, puis de lutter contre les inégalités. Deux décennies de règne plus tard, le bilan de cette gestion sans partage était mitigé car l’ANC n’avait pu saisir l’opportunité de transcrire en politiques applicables, ses idées. En témoignent les nombreuses réformes entreprises au travers du programme « stratégie de croissance, d’emploi et de redistribution », qui n’ont pas pu être appliquées comme il se devait. Il s’en suivi une faiblesse de la couverture sociale ; le problème de la redistribution des terres dont 87% qui n’a pas profité aux noirs ; on peut également souligner le problème de l’adduction en eau potable dont 8 millions de personnes ne disposent toujours pas, etc.). L’Afrique du Sud a une croissance économique en recul. Sur les trois dernières années, elle a régulièrement décru passant de 2,2% en 2013 à une prévision de 0,6% pour 2016 et le peu de croissance obtenue n’est pas inclusive, d’où l’accroissement des inégalités sociales et raciales qui frappent les noirs. L’Afrique du Sud aurait besoin de 5% à 7% de croissance économique, chose qui n’est envisageable qu’avec l’accroissement des investissements lequel exige un environnement favorable à la liberté d’entreprendre. Or, l’indice de liberté économique, sous le magistère de Jacob Zuma, est passé de 63,8/100 en 2009 à 61,9/100 en 2016.

Inégalités sociales et pauvreté extrême

C’est dans ce domaine que l’apartheid semble avoir laissé les marques les plus difficiles à effacer car les spécialistes les plus optimistes prévoient une amélioration de cette situation dans plus de 50 ans seulement, si tout reste en l’état. Et pour cause, plus de 62% de noirs, vivent sous le seuil de pauvreté contre 1% de blancs. Aussi, selon les statistiques concernant la société sud-africaine, un foyer blanc gagne six fois (3000 euros / mois en moyenne) plus qu’un foyer noir. Il faut ajouter à cela, le fait que 92% des jeunes noirs ne poursuivront pas leurs études jusqu’à l’obtention d’un diplôme supérieur, après le BAC. Cela les cantonne à l’exercice de métier sans qualifications et sous-payés. On comprend ainsi pourquoi les townships abritent en majeure partie des familles noires. Les écarts entre groupes raciaux sont tels que certains n’hésitent pas à parler d’un « nouvel apartheid » qui ne dit pas son nom. Ainsi, le bagage hérité des lois sous l’apartheid a pour corolaire la précarité de la frange noire jadis discriminée. De ce fait, elle est en concurrence avec les migrants qui, voyant en l’Afrique du Sud un eldorado, affluent tous azimuts. D’où le caractère explosif de leurs relations.

Montée du populisme et flux de migrants illégaux

L’Afrique du Sud a, depuis deux ans, une politique plus stricte en matière d’immigration. Certains étrangers qui ont fait une demande d’asile politique qu’ils attendent depuis 10 ans, voire 15 ans, ne peuvent ni travailler, ni envoyer leurs enfants à l’école, ni recevoir de soins médicaux. ainsi, c’est dans l’illégalité que ces migrants doivent s’installer en Afrique du Sud. Cela rend la tâche des autorités en la matière, beaucoup plus difficile car il est impossible d’en maitriser le nombre. Personne ne sait combien d’étrangers vivent dans le pays et c’est bien le problème car cette incertitude engendre des mythes, souvent repris par les hommes politiques comme par exemple celui selon lequel le pays est envahi d’étrangers. Selon le centre des migrations, seuls 4% des travailleurs sont des étrangers. Un chiffre relativement bas qui n’a qu’un faible impact sur le taux de chômage officiel de 25 %. D’autant que cette même étude montre que les étrangers sont souvent leurs propres employeurs. C’est le cas notamment des petits commerçants somaliens et éthiopiens installés dans les townships qui ont été les premières victimes des attaques xénophobes. Par ailleurs, ces mêmes commerçants créent eux-mêmes des emplois en embauchant des locaux.

Banalisation de la xénophobie et passif violent de l’apartheid

La profusion de discours xénophobes finit par modifier la psychologie et conduit à la banalisation. Quand le roi des Zoulous, Goodwill Zwelithini, demande aux étrangers de faire leurs bagages et de retourner dans leurs pays et que loin de condamner ce propos, certains ministres tiennent les étrangers et leurs commerces pour responsables de la précarité des sud-africains, c’est inquiétant. Tout ceci, éduque le peuple non pas à la tolérance mais à la culture de la haine et du mépris. Le plus dangereux n’étant pas seulement les mots qui sont prononcés, mais aussi et surtout ce qui est perçu en fonction du contexte dans lequel ce peuple vit. Contexte qui, on le sait, est marqué par des années d’injustices et de violences promues par l’apartheid. Les Sud-Africains ont malheureusement tendance à reproduire les violences dans leur quotidien et passent de victimes, à bourreaux. La frustration, l’échec et la pauvreté constituant un terreau favorable à la violence, il suffit d’une étincelle pour que tout s’enflamme.

Ainsi, 23 ans après l’apartheid, demande-t-on trop à la jeune nation arc-en-ciel ? Toujours est-il que si l’on peut expliquer ces phénomènes, on ne peut en aucun cas, les justifier du fait de leur caractère inhumain. Ainsi, les Sud-africains ont le devoir de ne pas tomber dans le piège de leurs politiciens qui en plus de les avoir plongés dans le chômage et la pauvreté, se dérobent de leur responsabilité en leur faisant croire que le mal, c’est l’immigré. Ceux-ci, au lieu d’agiter les peurs, devraient insister sur l’éducation qui est le véritable levier qui permettra de réduire les inégalités.

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