Afrique du Sud : l’Etat responsable de l’évasion fiscale !


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Cyril Ramaphosa, Président de l'Afrique du Sud
Cyril Ramaphosa, Président de l'Afrique du Sud

On pointe du doigt les individus et les entreprises qui font de l’optimisation fiscale ou même fraudent pour échapper au fisc, cependant quand le gouvernement est corrompu et irresponsable, les populations n’ont aucune incitation à payer leurs impôts.

Dans son article, Martin van Staden, aborde particulièrement le cas de l’Afrique du Sud et explique pourquoi les citoyens du pays sont complètement incités à contourner le fisc. Mauvaise gestion, corruption, mauvais choix politiques, dépenses inutiles…, la liste est longue. Une chose est claire, le gouvernement est lui-même responsable de l’évasion fiscale.

Le service des impôts sud-africain se plaint de son déficit en matière de recouvrement des impôts. Il a collecté 1,28 trillions de rands au lieu des 1,3 trillions prévus, soit une différence d’environ 20 milliards de rands. Ce chiffre, comparé aux déficits des années précédentes, est nettement supérieur. Ainsi, le fisc sud-africain (SARS) est en croisade pour la moralisation fiscale. Mais comment peut-il mener une croisade aussi incandescente et irresponsable pour permettre au gouvernement de tirer davantage de richesses de citoyens productifs et d’investisseurs étrangers, alors que la corruption sévit et que l’État continue à entraver la liberté économique ?

A quoi sert l’impôt ?

L’évasion fiscale et la moralité fiscale doivent être analysées dans les contextes politique et économique dans lesquels nous vivons. De nombreux Sud-Africains craignent, à juste titre que, leur revenu durement gagné, collecté par le SARS, disparaisse dans un gouffre de criminalité, de bureaucratie superflue et de financement de fonctionnaires au train de vie indécent. Par exemple, on a beaucoup parlé d’une «révolte fiscale» de la société civile contre un gouvernement corrompu et incompétent. South African Airways (SAA) et Eskom, toutes deux entreprises étatiques sont perpétuellement mal gérées et extrêmement inefficaces. Elles ont pourtant bénéficié de plusieurs milliards de renflouements ces dernières années.

Les citoyens respectueux de la loi qui paient des impôts, pensent que l’argent doit être utilisé pour financer les services sociaux, et non pas des services de vanité, ou encore pour renflouer des sociétés d’État telles que SAA, qui devraient disparaître. Qui peut prétendre avec sérieux, que le gouvernement sud-africain dépense de l’argent avec plus de sagesse que les contribuables le feraient eux-mêmes? L’article 195 de la Constitution oblige le gouvernement à utiliser les ressources de manière efficace et économique. Sachant que le gouvernement ne respecte pas cette disposition de la loi suprême, au nom de quoi les populations devraient accepter qu’on leur soutire si facilement autant d’argent ?

Pourquoi l’évasion fiscale ?

On doit toujours garder à l’esprit que la richesse d’un individu ou d’une entreprise a été acquise sur le marché. Bien que l’évasion fiscale soit discutable d’un point de vue juridique, moralement il ne s’agit que de producteurs qui gardent plus que ce qui leur revient réellement. Comme les impôts sont par nature coercitifs, il faut que le paiement soit le moins pénible possible, pour que chacun paie son dû. Malheureusement, le gouvernement a rendu la tâche extrêmement difficile compte tenu de sa gestion corrompue et d’un environnement des affaires hostile. Ce contexte incite bien peu à s’acquitter de l’impôt.

L’évasion fiscale réduirait drastiquement si les taux d’imposition étaient raisonnables. Un impôt élevé dans un pays où les fonctionnaires sont incompétents et criminels, incite à l’évasion. Aucun conseil d’administration raisonnable n’envisagerait sérieusement de dépenser des centaines de millions en les reversant à un régime mafieux s’il peut légalement éviter de le faire. Les personnes fortunées feront également de leur mieux pour réduire au maximum leur fardeau fiscal. Les promesses de changement sont inutiles. Le changement doit précéder la remise du butin.

De plus, il y a aussi la question des dépenses. Le gouvernement sud-africain ne semble pas vouloir se serrer la ceinture, alors même qu’il pourrait le faire. Il pourrait par exemple éliminer plusieurs départements nationaux et provinciaux d’un coup de crayon. Eskom, SAA et une foule d’autres sociétés publiques parasites peuvent être immédiatement cédées, ou du moins fermées. De nombreux projets, tels que l’assurance maladie nationale, pourraient également être mis de côté puisqu’ils ne fonctionnent pas concrètement. Si le gouvernement veut combler l’écart entre son objectif et ce qu’il perçoit réellement en impôts, il doit réduire considérablement ses dépenses, tout comme les citoyens ordinaires ont dû dépenser moins en raison de l’augmentation de leur fardeau fiscal et réglementaire.

Le train de vie indécent de l’Etat

On dit souvent qu’il faut retirer l’argent de la politique pour enrayer la corruption. Mais pour mettre fin à la corruption de l’État, il faut exfiltrer la politique de l’argent. Dans un système caractérisé par des niveaux élevés de liberté économique, et où la société peut conserver une plus grande part de son argent au lieu de le sacrifier à l’État, la corruption est moindre. Il suffit de noter la corrélation générale entre le classement dans l’indice de liberté économique (publié par l’Institut Fraser) et l’indice de perception de la corruption (publié par Transparency International). Les pays jouissant d’une plus grande liberté économique (c’est-à-dire d’une implication moindre de l’État dans l’économie) enregistrent des niveaux de corruption moins élevés.

Exhorter à la moralité fiscale est profondément condescendant, en particulier dans le contexte de l’impasse politique actuelle de l’Afrique du Sud. Des projets vaniteux profondément gangrenés de corruption, de mauvaise gestion n’encouragent pas vraiment les contribuables. De toute évidence, le gouvernement ne mérite même pas ce qu’il collecte déjà. L’Afrique du Sud continuera à  gaspiller des milliards de dollars tout en continuant à ignorer les principes de la rationalité économique et les principes de l’état de droit.

Ainsi il est bien normal que le gouvernement perçoive de moins en moins de revenus, alors qu’il est de plus en plus corrompu et empiète de plus en plus sur le marché libre et les droits des citoyens. Lorsque les citoyens seront respectés et, selon les fondements de la démocratie, considérés comme maîtres et non ses sujets, on parlera surement moins d’évasion fiscale. C’est bien la gabegie de l’Etat qui nourrie l’évasion.

Martin van Staden, analyste pour The Free Market Foundation.

Article publié en collaboration avec Libre Afrique

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