Afrique de l’Ouest : traque des faux médicaments, de l’argent sale et du pétrole siphonné


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Le trafic de contrebande menace l’application de la loi, la démocratie et la santé des habitants à travers l’Afrique de l’Ouest, une région qui offre aux criminels “des ressources, une situation stratégique, une gouvernance faible et un réservoir inépuisable de recrues qui ne voient guère d’autre alternatives que la criminalité pour survivre”, a déclaré Antonio Costa, directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

Les revenus illégaux provenant de la contrebande rivalisent avec les PIB des pays d’Afrique de l’Ouest, alimentent les conflits et la corruption et engendrent des maladies, selon un récent rapport d’évaluation des menaces des trafics, de l’Office contre le crime de l’ONU.

L’ONUDC a mesuré les flux de cocaïne à travers la région, ceux des femmes d’Afrique de l’Ouest vers l’Europe, le pétrole du Nigéria, les cigarettes venant d’Europe et d’Asie vers l’Afrique de l’ouest et l’Afrique du nord, les médicaments contrefaits d’Asie vers l’Afrique de l’ouest, les armes de petits calibres d’Afrique de l’Ouest, les déchets toxiques provenant d’Europe à destination de l’Afrique de l’Ouest, et les migrants potentiels d’Afrique de l’Ouest vers l’Europe, concluant que c’est la contrebande de pétrole qui génère le plus d’argent – plus d’1 milliard de dollars par an – et qui représente le plus grand défi à l’application de la loi dans la région. Le vol de pétrole « déstabilise directement l’économie la plus puissante de la région [Nigéria], avec des implications allant bien au-delà du Delta du Niger », souligne le rapport.

A propos de la nature corrosive des profits de la contrebande, le rapport a indiqué : « cet argent revient à ceux qui violent les lois et aux responsables corrompus, qui peuvent avoir intérêt à maintenir la faiblesse de l’état…Quand l’application de la loi est faible, l’anarchie prospère, et ils cultivent ce désordre qui leur fournit leur meilleure défense ».

« Ceux qui ont accès aux fonds en Afrique de l’Ouest possèdent un énorme pouvoir de corruption. Il n’est pas alarmiste de lier la contrebande à l’instabilité politique »
Antonio Mazzitelli, le directeur du bureau de l’ONUDC pour l’Afrique de l’Ouest, basé au Sénégal, a déclaré à IRIN que l’argent illégal sape l’ordre. « Ceux qui ont accès aux fonds en Afrique de l’Ouest ont un énorme pouvoir de corruption. Il n’est pas alarmiste de lier les activités de trafic de contrebande à l’instabilité politique ».

Citant les récents coups d’état en Mauritanie et en Guinée, les assassinats en Guinée-Bissau du président et du chef d’état major des armés ainsi qu’une controverse portant sur la constitution au Niger que les opposants politiques au président ont qualifié de tentative de coup d’état, M. Mazzitelli a indiqué à IRIN que la région souffrait de tensions politiques qui pouvaient facilement être exploitées par de grosses sommes d’argent liquide provenant d’activités criminelles.

M. Mazzitelli a souligné que même si d’autres forces que celle de la contrebande contribuent à ouvrir des brèches dans l’ordre constitutionnel en Afrique de l’Ouest, « les revenus illicites compliquent l’assainissement et peuvent fragiliser des états déjà fragiles ».
Si l’ONU estime que le flux de cocaïne en Afrique de l’Ouest a diminué de moitié durant ces deux dernières années, l’organisation confirme qu’environ 20 tonnes transitent toujours par la région chaque année, pour une valeur de revente dans la rue équivalente à 1 milliard de dollars américains.

Moins profitable, mais tout aussi mortels – selon l’Organisation mondiale pour la Santé (OMS) – sont les médicaments de contrebande, contrefaits et de qualité inférieure, qui peuvent conduire à des souches de bactéries résistantes aux antibiotiques, et que même les médicaments autorisés ne peuvent traiter.

Jusqu’à 60 pour cent des médicaments anti-infectieux vendus en Afrique et en Asie sont soit faux, soit de qualité inférieure, selon une étude indépendante de 2006 publiée par le journal médical The Lancet.

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