Afrique australe : pas assez de médicaments pour faire face à une pandémie


Lecture 6 min.
arton16697

L’Afrique du Sud, le pays le plus riche d’Afrique, a recensé mercredi deux cas suspects de grippe porcine (les résultats des analyses se sont révélés être négatifs, jeudi) , mais il ne dispose pas de réserves suffisantes du médicament antiviral connu pour être efficace contre cette maladie, qui se propage rapidement et aurait fait jusqu’ici plus de 150 morts au Mexique, selon un expert.

« Je sais de source sûre que nous n’avons pas constitué de réserve. Si l’on n’a pas de réserve nationale, c’est fini ; il n’y aura pas moyen d’obtenir les médicaments à temps », a indiqué Ed Rybicki, virologue, qui enseigne à l’université du Cap.

En l’absence d’un vaccin contre la grippe porcine, des médicaments antiviraux tels que l’oseltamivir (Tamiflu) et le zanamivir (Relenza) sont administrés pour soigner la maladie.

Le docteur Lucille Blumberg, du South African National Institute for Communicable Diseases, a confirmé le 29 avril que deux cas suspects de grippe porcine étaient en cours d’examen. L’Afrique du Sud est une plateforme de transit importante pour l’ensemble du continent, et un pays de destination pour les migrants.

Le 29 avril, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a relevé le niveau d’alerte à la grippe porcine à la phase cinq, sur une échelle de six, ce qui signifie qu’une pandémie est imminente.

Dorothy Mwangu, porte-parole de Roche, la multinationale pharmaceutique qui fabrique le Tamiflu, a confirmé que le gouvernement sud-africain disposait de réserves de ce médicament, et ajouté que la société conservait elle-même des stocks de médicaments pour faire face aux épidémies de grippe saisonnières à l’échelle nationale ; elle n’a toutefois pas pu indiquer précisément les quantités dont disposait l’Afrique du Sud.

La société a constitué un stock des principaux composants nécessaires à la fabrication du médicament, mais il lui faudra du temps pour réagir à une augmentation importante et soudaine de la demande. Pour le pays, le moyen le plus sûr de pouvoir faire face à la crise, selon la porte-parole, est de maintenir des réserves suffisantes.

Les pays voisins, tels que la Namibie, espèrent que l’Afrique du Sud pourra pourvoir à leurs besoins en médicaments, dans l’éventualité d’une épidémie. Selon Leonardo Antonio Chavane, adjoint au directeur national de la santé du Mozambique, le pays ne dispose pas des médicaments antiviraux nécessaires. « Nous utilisons ce que nous avons ».

Le Tamiflu est vendu aux pays en voie de développement à un prix réduit, et une boîte de 75 pilules se vend, au détail, à environ 24 dollars en Afrique du Sud. Au moment de la publication de cet article, le gouvernement n’avait pas répondu aux questions relatives à la quantité de médicaments antiviraux dont il disposait.

Selon M. Rybicki, qui travaille à l’élaboration d’un vaccin contre la grippe, si la grippe porcine touche l’Afrique, elle risque d’être quasi impossible à endiguer : les faibles capacités de surveillance du continent, sa charge de morbidité, plus élevée que celle des régions développées, et le manque de médicaments sont une combinaison mortelle.

« Je pense que la déceler – en dehors des centres sophistiqués – va être difficile, partout dans le monde », a-t-il estimé. « Dans les aéroports, il n’y a presque pas de surveillance ; je crois qu’en Afrique du Sud, les scanners thermiques se comptent sur les doigts d’une main ».


Le dépistage, un problème

« …Je sais de source sûre que nous n’avons pas constitué de réserve. Si l’on n’a pas de réserve nationale, c’est fini ; il n’y aura pas moyen d’obtenir les médicaments à temps … »

En Afrique, dépister la maladie signifie la localiser au sein d’une population qui souffre déjà de nombreuses affections pyrogènes, telles que le paludisme, une combinaison qui pourrait se traduire par un taux de mortalité plus élevé, selon M. Rybicki.

Par ailleurs, les pays développés font des commandes permanentes de médicaments essentiels aux entreprises pharmaceutiques ; dès lors, lorsque des pays en voie de développement, comme ceux d’Afrique australe, commandent d’urgence des médicaments très demandés, ils risquent d’avoir des difficultés à en obtenir.

La grippe porcine est une maladie respiratoire, causée par des virus grippaux de type A, qui touche les porcs. Selon les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies, la grippe porcine ne se transmet généralement pas à l’homme ; pourtant, « il a été rapporté que les virus de la grippe porcine étaient transmissibles d’homme à homme, mais jusqu’ici, ce mode de transmission a été limité et ne se maintient pas au-delà de trois personnes ».

Voici les mesures prises jusqu’ici par certains pays d’Afrique australe :

 Selon Innocent Makwiramiti, économiste zimbabwéen, le pays n’est « pas préparé du tout » pour une épidémie. Le Zimbabwe se remet encore d’une des plus graves épidémies de choléra qu’il ait jamais connues, qui a fait des milliers de morts. « Il n’y a pas d’argent pour approvisionner les hôpitaux en médicaments et ce serait un miracle que le gouvernement puisse mobiliser les fonds nécessaires pour lutter contre la grippe porcine, qui semble, pour ainsi dire, éloignée ».

 Frank Mwenifumbo, adjoint au ministre malawite de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire, a déclaré à IRIN que des équipes médicales, et notamment des responsables vétérinaires, avaient été dépêchées à tous les points d’entrée pour assurer que la souche humaine du virus porcin ne se propage pas à l’intérieur du pays.

 La Zambie a renforcé encore davantage ses mesures de surveillance épidémiologique dans l’ensemble du pays, et s’efforce, avec l’aide de l’OMS et d’autres organismes, d’obtenir des médicaments et de mettre en place la logistique nécessaire pour faire face à une épidémie de grippe porcine, selon les médias locaux.

 L’on s’inquiète de savoir si l’Angola, dont les infrastructures sanitaires sont fragiles et qui n’a pas su faire face efficacement aux dernières épidémies de cholera, de rage et de polio, sera capable de faire face à une épidémie. Le gouvernement a annoncé qu’il « prenait des mesures ».

 Le ministère botswanais de la Santé a recommandé aux personnes qui se sont rendues dans l’un des pays touchés ou ont été en contact avec une personne atteinte de la grippe porcine, et qui présentent un ensemble de symptômes, de se présenter au centre de santé le plus proche.

 Le Swaziland, qui manque de moyens, recevra l’aide du bureau national de l’OMS pour assurer la surveillance des cas de grippe.

Suivez Afrik.com sur Google News Newsletter