Affaire Kieffer : Simone Gbagbo enfin entendue


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Simone Gbagbo, la première dame ivoirienne, est pour la première fois entendue, jeudi, dans le cadre de l’enquête sur la disparition de Guy-André Kieffer, un journaliste franco-canadien, enlevé le 16 avril 2004 à Abidjan, la capitale de la Côte d’Ivoire. Un accord a été finalement trouvé, mercredi soir, sur le lieu de sa déposition, à la Cour suprême ivoirienne. Par ailleurs, Osange Silou Kieffer, l’épouse du disparu, a demandé que des personnalités françaises soient interrogées dans le cadre de cette enquête.

Simone Gbagbo, l’épouse du président ivoirien, est entendue, jeudi, à la Cour suprême ivoirienne, par les juges français Patrick Ramaël et Nicolas Blot en charge de l’enquête sur la disparition Guy-André Kieffer, un journaliste franco-canadien enlevé le 16 avril en 2004 à Abidjan. Interrogée par Afrik.com, l’épouse du disparu, Osange Silou Kieffer, se veut prudente au sujet de l’audition de la première dame. « On nous laisse entendre qu’elle serait à la tête du commando qui a enlevé mon mari. Pour l’instant, il n’y a pas de preuves. Une lutte de pouvoir n’est pas à exclure non plus. On cherche peut-être à nuire à Simone Gbagbo. Quoi qu’il en soit cette audition est une avancée ! », explique Osange Silou Kieffer. Pourtant, l’épouse du président ivoirien n’a pas toujours été disposée à être entendue par les juges français.

Simone Gbagbo dans la ligne de mire

En 2008, l’audition avait été reportée. Motif : Simone Gbagbo ne voulait pas se rendre à Paris pour être interrogée. Pour l’entretien d’aujourd’hui, un accord a été trouvé. Les auditions de la première dame et de Paul-Antoine Bohoun Bouadré, le ministre d’Etat ivoirien chargé du Plan et du développement, auront lieu à la Cour suprême ivoirienne dans « une enceinte judiciaire », comme le souhaitaient les magistrats français, a noté Me Kiejman, l’un des avocats de Simone Gbgabo.

Dès le début de l’enquête, Paul Antoine Bohoun Bouadré avait été cité par un témoin clé, Michel Legré. Le beau-frère de la première dame, inculpé dans ce dossier d’ « enlèvement et séquestration en bande organisée », aurait amené Guy-André Kieffer sur le parking où il a été enlevé. Ce n’est que plus tard, en 2007, que le nom de Simone Gbagbo avait été mentionné. Berté Seydou, le chauffeur de Jean-Tony, soupçonné d’être le chef des ravisseurs, a affirmé que son patron s’était entretenu avec l’épouse du chef d’Etat ivoirien au moment de l’enlèvement. Pour autant, les enquêteurs français ne soupçonnent pas le couple présidentiel d’être impliqué directement dans cette affaire, mais certains cadres du régime liés au milieu économique.

La France serait-elle impliquée dans le dossier Kieffer ?

Les personnalités ivoiriennes ne seraient pas les seules à être mêlées à cette affaire. Osange Silou Kieffer s’interroge sur l’implication de trois responsables françaises. « Les personnalités françaises, citées dans le dossier, doivent être aussi entendues », réclame Osange Silou Kieffer.
Bruno Joubert, à l’époque directeur Afrique-Océan indien du Quai d’Orsay et actuel Monsieur Afrique du président français, Nicolas Sarkozy, Nathalie Delapalme, ancienne conseillère pour l’Afrique de plusieurs ministres français des Affaires étrangères et Gildas Le Lidec, ambassadeur de la France en Côte d’Ivoire sont pointés du doigt par la femme du journaliste. « Le jour de l’enlèvement de Guy-André, Mme Delapalme et M. Joubert se sont rendus à Abidjan. Si l’ancienne conseillère pour l’Afrique nous a dit qu’elle s’y rendait pour assister à une réunion, M. Joubert a nié y être allé », explique Osange Silou Kieffer.

Autre personne citée : Gildas Le Lidec. Il aurait déclaré aux journalistes, enquêtant sur l’affaire Kieffer, qu’il « entretenait des relations troubles » et qu’ « il s’agissait d’un enlèvement crapuleux ». « D’après un confrère ivoirien, Le Lidec aurait même dit que “c’était bien fait pour sa gueule”. Pourtant quand nous sommes venus le voir, il s’est montré très cordial à notre égard… », confie-t-elle. L’ancien ambassadeur était tombé en disgrâce en raison de sa présence en Côte d’Ivoire au moment de la rébellion armée contre le président Gbagbo. En juillet 2008, le président malgache s’était rendu à Paris et avait expliqué que Gildas Le Lidec, alors ambassadeur de la France à Madagascar, «portait la poisse ». Marc Ravalomanana faisait référence à ces affectations passées. Au Congo, au moment de l’assassinat du chef de l’Etat, Laurent-Désiré Kabila, et en Côte d’Ivoire de 2002 à 2005, durant la crise politico-militaire.

Les intérêts économiques français en Côte d’Ivoire sont connus notamment dans la filière cacao. Le sujet sur lequel enquêtait le journaliste franco-canadien. Dans un rapport intitulé « Chocolat chaud : comment le cacao a alimenté le conflit en Côte d’Ivoire » réalisé par Global Witness en juin et juillet 2006, l’organisation a cité le nom de Christian Garnier. Un négociant français qui aurait facilité l’échange de cacao contre des hélicoptères de combat. Autre nom, autre négociant : Robert Montoya qui a également été mentionné pour avoir vendu de l’équipement à l’armée nationale ivoirienne. Selon Global Witness, «une société de Montoya aurait fourni des fonds aux Forces nouvelles, les rebelles ivoiriens, en achetant du cacao originaire du nord de la Côte d’Ivoire». Des informations compromettantes que ne devaient sans doute pas découvrir Guy-André Kieffer.

En août 2007, Nicolas Sarkozy avait reçu la famille de Guy-André Kieffer à l’Elysée et lui avait assuré qu’il ferait de ce dossier « une priorité ». Le 8 avril dernier, les enfants du journaliste franco canadien, Canelle et Sébastien, disaient ne plus avoir « la certitude que ce dossier soit encore « une priorité pour la France » », cinq ans après sa disparition. Au président français de leur prouver le contraire…

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