Affaire Clotilde Reiss : Abdoulaye Wade, héros ou imposteur ?


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Le président sénégalais, Abdoulaye Wade, affirme avoir été le maître d’œuvre de la libération de Clotilde Reiss, jeune universitaire française, qui a regagné Paris ce dimanche, après 11 mois de privation de liberté en Iran, où elle avait été accusée d’atteinte à la sécurité nationale, après avoir participé à des manifestations contre la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. De son côté, Paris conteste cette prétention. Un journal sénégalais le soupçonne de vouloir instrumentaliser l’affaire pour propulser son fils Karim sur la scène internationale.

Abdoulaye Wade, héros dans l’affaire Clotilde Reiss ? Sous les feux médiatiques depuis dimanche, le président sénégalais veut s’attribuer le premier rôle dans la libération, le 16 mai, de la jeune universitaire française qui a été retenue 11 mois en Iran, où elle avait été accusée d’espionnage au profit des capitales occidentales. «Ce que je peux affirmer, chronologie en main, c’est que cette libération est le résultat direct de ma médiation», explique-t-il dans une interview accordée au Parisien, lundi.

Egalement président de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), Abdoulaye Wade soutient avoir débuté les négociations avec le président iranien Mahmoud Ahmadinejad lors d’une visite à Téhéran en septembre. Il évoque à cette occasion l’affaire Reiss et semble être sur la bonne voie, puisque son homologue iranien laisse entendre qu’une libération est envisageable sous « certaines conditions spéciales », à en croire Madické Niang, ministre sénégalais des Affaires étrangères. Le président sénégalais alerte immédiatement Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée et André Parant, conseiller français aux affaires africaines. «André Parant est venu, m’a écouté et m’a remercié. Mais quelques jours plus tard, il m’a appelé de Paris pour me demander d’abandonner le dossier, expliquant qu’il y avait quelqu’un dessus et qu’il ne fallait pas d’interférences. Jusqu’au jour où, en mars dernier, le président Sarkozy m’a demandé de reprendre ma médiation», assure Abdoulaye Wade. Celui-ci accuse même ouvertement l’Elysée d’avoir compromis la libération de la jeune femme il y a six mois, l’empêchant de rentrer en France plus tôt.

Le président Wade n’a pas agi seul

Cependant, au Quai d’Orsay, on souhaite tempérer l’ardeur du président sénégalais. S’il a joué un rôle indéniable, il n’est pas le seul à avoir œuvrer pour la libération de la jeune femme. «Les Sénégalais ont effectivement joué un rôle, mais ils n’étaient pas seuls», y affirme-t-on. Dans un communiqué publié peu après la décision de Téhéran de relâcher Clotilde Reiss, le président français, Nicolas Sarkozy, remercie en effet, dans l’ordre, «le président du Brésil, M. Lula Da Silva, le président du Sénégal, M. Abdoulaye Wade, et le président de la Syrie, M. Bachar al-Assad, pour leur rôle actif en faveur de la libération de notre compatriote».

Au Sénégal, certains médias critiquent vertement Abdoulaye Wade. Ils le soupçonnent de vouloir instrumentaliser l’affaire, au profit de son fils Karim. C’est le cas du quotidien privé Kotch qui écrit: « Ce désir irréfragable d’exister en tant que sommité politique mondiale fait du président Wade une sorte d’apprenti-sorcier dont le souci essentiel consiste à faire de (son fils) Karim Wade une pointure diplomatique internationale ». Une claire allusion au fait que le Ministre des Transports et fils du président, Karim Wade, a également participé à la médiation en Iran pour la libération de Clotilde Reiss.

Dans cette affaire complexe où chacun prêche la bonne parole, c’est peut-être le ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui a le mieux résumé la situation: « La victoire a beaucoup de pères, la défaite est orpheline ».

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