A la rencontre de Romney


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Biologiquement, il descend d’un George W. (un ancien gouverneur du Michigan), et politiquement sa filiation directe est toute aussi ressemblante : le dernier président républicain s’appelait bien George W. de sinistre mémoire. Preuve s’il en était encore besoin que l’Amérique a une conception bien restrictive de l’alternance démocratique et de la mobilité sociale. Si l’on y est « fils de », « petit fils de», « épouse de », l’on est particulièrement bien parti dans la vie.

Obama, une parenthèse hollywoodienne ?

Dans ce pays, monstre le plus froid des monstres froids de la civilisation contemporaine, la réalité, plus souvent qu’à son tour, emprunte au cinéma qui lui-même fantasme en retour sur une réalité particulièrement féconde. Il existe un jeu de miroirs entre le mythique « rêve américain » et la plus grande fabrique mondiale de rêves, Hollywood, qui rêvait tellement d’un président noir dans ses films et ses séries à succès que Barack Obama au final n’est apparu que comme une sorte d’interprète de Morgan Freeman. Après les « annihorribili » de George W. Bush, la grande superpuissance s’est payée un moment d’évasion : la note est particulièrement salée. L’Amérique n’est pas moins monstrueuse d’avoir fabriqué et élevé Obama jusqu’à la Maison blanche.

La rhétorique de Campagne de Romney s’intéresse à peine à l’Afrique. Si l’on en juge par les résultats économiques enregistrés dans le continent noir depuis le déclenchement de la crise économique en Europe, l’Afrique gagnerait à être davantage ignorée par les puissances occidentales. L’aide publique au développement qu’on lui allouait s’est réduite à son expression la plus dérisoire ces dernières années, elle a décru de manière inversement proportionnelle à la croissance nominale moyenne d’Etats qu’on croyait pourtant dépendants au dernier degré des perfusions financières bilatérales et multilatérales.

Bye bye Sarkozy, bye bye Obama

Ceux qui ne sont jamais rentrés dans l’histoire et n’ont aucunes institutions fortes vous saluent…bien bas ! Après le vent d’est, les historiens pourront sous-titrer le printemps arabe comme étant un vent du sud. Pour cela, il faudrait bien sûr que les présidents américain et français qui ont fait la pluie et le beau temps en Afrique soient emportés par un ouragan dont les contours tardent à se définir malgré des scores inquiétants dans les sondages.

En France, Nicolas Sarkozy gagne péniblement quelques points dans les sondages cependant que François Bayrou n’a jamais été aussi avantagé par les circonstances, la constance de ses postures et les ralliements retentissants qui rappellent la campagne de Sarkozy en 2007. L’UMP, le parti de Sarkozy, est dirigée par Copé qui n’a jamais fait grand mystère de ses ambitions. Celui-ci ne serait pas catastrophé si Sarkozy perdait, il pourrait toujours au printemps prochain se retrouver premier ministre d’un gouvernement de cohabitation qui conforterait ses visées élyséennes. De là où il est, son vrai challenge, ce sont les législatives ; techniquement la réélection de Sarkozy ne change rien à son agenda personnel. Il est à un baiser (celui qui selon les cas change une amitié en amour ou sacrifie à l’ennemi une bien collectif) de son heure de vérité, son destin est là. Ce n’est pas innocemment s’il essaie de passer pour le plus fidèle et le plus indispensable des serviteurs de la « sarkozye ».

Le 43ème président américain quant à lui, disons pour ne pas chipoter le 44ème président, sera sans doute réélu. L’Amérique du prix Nobel de la paix est au terme de son premier mandat plus sécure, au moins en raison de l’élimination d’Oussama Ben Laden. Comme Jimmy Carter avant lui, sa priorité annoncée était les performances économiques internes, avec un accent particulier sur la sécurité sociale des classes populaires, et les droits de l’homme à l’étranger, et comme Carter, autre démocrate et prix Nobel, il pourrait bien, en raison cette fois de ses piteux résultats économiques et sa réforme controversée du système de santé, n’être pas réélu en 2012.

Après un nègre kényan, un mormon francophone ?

Religion oblige, Mitt Romney, que les Américains trouvent particulièrement beau (Il a plusieurs fois été classé par le People Magazine comme faisant partie des « most beautiful » ne verse pas dans l’alcool, ni dans la fumette ; et c’est en témoin scandalisé des dérives libertaires de mai 1968 qu’il a connu et aimé la France dont il pratique la langue. En fait de religion, c’est un mormon, une secte chrétienne rigoriste dont il a été missionnaire, pasteur, et donateur dévoué de ces millions de dollars qu’il a gagnés en surabondance par sa pragmatisme en affaires. Il revendique évidemment le droit de garder privées ses convictions religieuses qui ne devraient selon lui pas le servir, le desservir ou l’asservir dans sa course à la maison blanche (« I will put no doctrine of anychurchabove the plain duties of the office and the sovereignauthority of the law. » Mitt Romney Pledges to Serve No One Religion in Faith Speech: December 6, 2007.)

Il aurait de toute façon plus à perdre qu’à gagner dans ce mélange des genres. David Eisenhower a certes été élu président alors qu’il était un pratiquant notoire de cette religion dont le caractère potentiellement sectaire n’est pas du tout établi. En Afrique, on n’en sait pas grand-chose. Mais leurs pratiques et leurs doctrines ne seraient pas scandaleuses : la polygamie mormone, les affirmations quasi homophobes et la place de la femme correspondent aux coutumes de la plupart des cultures africaines.

Si les catastrophes que les Cassandre de International Crisis Group et d’autres apprentis sorciers nous avaient prédites pour 2011 n’ont pas eu lieu en Afrique là où l’on les y attendait, l’on verra si leurs prévisions se révéleront plus justes en 2012, dans ces pays du nord en crise, en proie au doute, dictés par les marchés, gagnés par les discours populistes… La première victoire de Mitt Rommey dans l’Iowa a d’ailleurs été entachée de forts soupçons de fraude, plusieurs blogueurs américains se sont fait l’écho de théories qui seraient inacceptables, même dans nos républiques bananières !

Mind your own business

Tout bien considéré, on leur souhaite bien du plaisir à nos amis français et américains en cette année 2012. Qu’ils aient des responsables à la mesure de leurs grands peuples, des dirigeants qui ne soient plus les initiateurs de programmes « pétrole contre démocratie », qui ne creusent plus les déficits, n’exploitent plus à tout va les moins puissants. On formule à leur endroit des vœux de bonheur et de prospérité, qu’ils s’inspirent du courage et de l’optimisme des africains, qui en ont vu des vertes et des pas mûres sans jamais cesser d’être conquérants. Romney, Santorun, Obama, Bayrou, Sarkozy, Hollande ?

L’alternance des hommes doit être plus profonde mais n’a finalement aucune espèce d’importance pour les peuples africains ; il serait bien qu’à l’avenir eux aussi s’intéressent un peu moins à nos affaires internes. Au pire, on pourra toujours suggérer aux dirigeants africains de s’impliquer davantage dans les changements qui sont en train d’avoir lieu outre-Atlantique et d’user de leurs milliards pour influencer coûte que vaille l’histoire de ces vieilles nations : ce ne serait que justice…internationale !

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