Mme Ini DAMIEN YOUL : Mama Burkina


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Ini-Afrik

S’il est des rôles modèles forts et inspirants en matière de vocation par rapport à l’émancipation de la Femme au Burkina Faso alors Mme Ini DAMIEN est de ceux-là. Elle est peut-être même hors catégorie, tant son œuvre est immense. Nous allions initialement voir la présidente de l’Association pour la Promotion Féminine de Gaoua pour sa structure, très dynamique, de microcrédit solidaire. Et nous découvrons un personnage au leadership transformationnel affirmé qui fait véritablement figure d’icône de la cause féminine. 

A l’occasion de la Journée Internationale de la Femme au Burkina Faso, l’AFD propose un regard singulier sur différentes facettes de la Femme Sahélienne à travers une mini série d’articles découverte. L’exclusion, la paix, l’entrepreneuriat, le développement, autant de thèmes abordés sous le prisme d’initiatives de femmes symboles qui font bouger les lignes.

Disons le tout net, on ne saurait pas par où commencer en parlant de Mme Ini DAMIEN YOUL. Et qui de plus emblématique que cette femme pour clore la série de portraits de l’AFD Sahel liés à la Journée Internationale de la Femme au Burkina Faso ?

C’est sur place que nous sommes allés la voir à Gaoua, sans s’attendre une seconde à la claque que nous allions prendre en matière d’accomplissement, d’engagement, de dynamisme et de dévotion quant à l’émancipation de la femme. 

Gaoua, province du Poni, sud-ouest du Burkina Faso à 390 km de Ouagadougou. Mais qui est cette femme que tout le monde semble connaître ici ? Qui est cette femme, accessible, que l’on salue à chaque coin de rue, avec respect mais sans cette déférence parfois obséquieuse que l’on réserve d’ordinaire aux puissants ?

La seule chose que nous savions d’elle et qu’elle avait lancé une institution de microfinance pour les femmes et que sa structure l’ Association pour la Promotion Féminine de Gaoua (APFG) était pour le moins active dans la région. Et l’on découvre tout un royaume de développement construit pas à pas pour élever la femme en tant que personne et en tant qu’actrice économique pour elle-même et pour tout le pays. 

« Le statut de la femme a été tracé depuis sa naissance. Comment les amener à sortir de ce joug-là, d’une domination consciente ou inconsciente ? Il faut les éclairer, les amener à sortir de l’obscurité et voir la lumière, par elle-même », nous confiera-t-elle plus tard lors de l’un de nos entretiens. 

Elle nous en voudrait surement que nous parlions uniquement d’elle quant à son action à Gaoua. Elle vous dira que c’est surtout l’œuvre de l’APFG, dont elle est présidente. Un seul doigt ne peut laver la figure. Certes. Mais le rôle modèle qu’elle incarne, sans même s’en soucier, force définitivement le respect. 

« Notre présidente est un modèle pour nous (…) », estime Viviane HEIN, la secrétaire générale de l’APFG . Elle avoue avoir « beaucoup appris », depuis qu’elle a adhéré à l’association en 2006.  A l’époque elle était coiffeuse «dans un petit salon de coiffure ». « De là où j’ai quitté à là où je suis aujourd’hui j’ai échelonné des étapes. Et toutes ses étapes c’est grâce à une femme. Et cette femme elle est une maman pour nous. 

Elle veut que nous soyons plus que ce qu’elle est devenue. Elle met toute sa force, toute sa connaissance, son intelligence, son temps, pour nous former afin que nous puissions devenir plus qu’elle »

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1 000 à 1 500 micro-crédits accordés par an. Pas mal. Bodane, la structure de microcrédits solidaires  devenue mutuelle d’épargne et de crédit, et but initial de notre visite, est à elle seule déjà impressionnante. 

Bodane, « C’est le moment » en lobiri (langue locale de la région du sud-ouest), est une alternative pragmatique et pratique aux banques qui permet aux femmes, notamment de la ruralité profonde, de se lancer dans des activités génératrices de revenus. 

Là où le taux d’analphabétisme est important, pour des femmes qui n’ont souvent même pas de pièce d’identité, mais qui sont riches d’envies de faire. Bodane leur donne ce coup de pouce quand elles se sentent prêtes, quand « C’est le moment ». 

Une simple affaire de petits sous pour cultiver une, déjà louable, action utile de solidarité ? Vous n’y êtes pas du tout. Car l’octroie des fonds est assujetti à d’étonnantes conditions qui donnent une toute autre dimension à ce crédit de proximité. Les bénéficiaires doivent toutes planter un arbre issu de la pépinière de l’association. Elles doivent aussi accepter les formations qui leurs sont proposées pour les accompagner et rentrer dans un système d’épargne. Vous avez dit « acteur du développement » ?

L’écologie de la démarche dépasse la symbolique des arbres plantés, Bodane confine véritablement à une action de développement durable car il mise sur l’émancipation effective des femmes en proposant un cadre précis d’accompagnement.

Pour Mme Damien, il est important que la femme soit actrice de son développement. C’est « par elle-même » que le changement germera, c’est « par elle-même » qu’elle améliorera sa condition. Raison pour laquelle, dès les débuts en 1990, le parti-pris de l’association était de se mettre à l’école des besoins des femmes pour qu’elles soient entièrement partie-prenantes des projets qui leurs étaient dédiés. Partir d’elles, donc, avant de commencer un travail de sensibilisation sur leurs droits.

Notons que l’association a aujourd’hui un centre de formation dédié aux activités génératrices de revenus les plus directement accessibles au public que l’APFG, comme la coiffure, la couture, la vannerie, la poterie ou encore le beurre de karité.

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30 ans plus tard, c’est toujours le même ADN et toujours les mêmes convictions. Avec plus de force et de maturité. Quand nous suivons Mme Damien dans sa journée, nous l’accompagnons à un atelier sur l’estime de soi. Et nous comprenons un peu plus le personnage. Une personne engagée, non plutôt dévouée, à l’élévation de la femme dont les paroles, à ces femmes présentes, résonnent avec toute la puissance de l’authenticité. Une source d’inspiration naturelle et un boost d’énergie qui semblent intarissables. 

Sortir les femmes des carcans psychologiques ou culturels, des déterminismes sociaux et économiques auxquels elles semblent vouées, l’action de Mme Damien ne se limite pas à son association. « Elle est également cheffe de service de l’éducation des filles, de l’éducation inclusive, de l’éducation du genre », explique Poda SIE, le directeur provincial de l’éducation préscolaire, primaire et non formelle du Poni.

« Dans nos activités son service entreprend chaque année des sensibilisations dans les villages pour favoriser l’inscription et le maintien des filles à l’école. Elle mobilise aussi les Association des Mères Educatrices pour qu’elles encadrent leurs filles afin qu’elles ne soient pas mariées précocement.

Et aussi elle lutte de façon déterminée dans les écoles contre l’excision. 

Elle est très dynamique sur ces questions ». Autant de questions qu’elle adresse avec la même vigueur avec l’APFG.

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Elue à l’unanimité marraine régionale de la Journée de la Femme

« De façon unanime, les femmes l’ont choisie cette année pour marrainer leur journée au niveau de la région. Ça veut tout dire. Le choix d’un parrain ou d’une marraine n’est pas fait au hasard », estime Jules Zongo, le directeur régional en charge de la femme, de la solidarité nationale et de l’action humanitaire du Sud-ouest

Un choix qu’il attribue au regard « de l’engagement » de Mme Damien, de « son dévouement, de son leadership transformationnel dans le domaine de la promotion économique de la femme, dans le domaine de la lutte basée sur le genre et dans le domaine de l’entrepreneuriat féminin ».

Jules Zongo

« Ce sont aussi ses compétences humaines qui a fait que les femmes puissent la choisir. Généralement quand on pense au parrain ou marraine on pense à des gens qui ont une surface financière assez importante », confie-t-il amusé. « Mais je crois que les femmes ont fait la lecture qu’il faut rendre à César ce qui appartient à César et qu’il fallait valoriser les compétences locales. C’est pour ça qu’elles ne sont pas allées ailleurs et qu’elles ont choisi leur sœur qui, depuis plus d’une trentaine d’années, travaille dans la discrétion »

Ça n’est pas la seule fois que Mme Damien est mise à l’honneur ou distinguée. Elle a reçu de nombreux prix et médailles d’honneur, des prix internationaux. Elle a aussi été élevée au rang d’officier de l’ordre du mérite du Burkina Faso. Ah oui, elle a aussi été maire adjointe…

Mais ce qui l’intéresse c’est le terrain. Viscéralement. Et ses plus belles médailles restent assurément ces femmes debout qu’elle a participé à élever et à mettre sur leurs propres voies. Autant d’ambassadrices pour incarner une vision digne et forte de la femme burkinabé, de la femme sahélienne, de la femme africaine.

  • Visitez le site de l’Association pour la Promotion Féminine de Gaoua (APFG)
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