
Pour ce 1er mai 2025, le Maghreb offre un tableau contrasté des réalités sociales qui traversent la région. De l’Algérie au Maroc en passant par la Tunisie, la Journée internationale des travailleurs révèle des dynamiques sociales et politiques distinctes, reflétant les préoccupations propres à chaque pays.
Algérie : une fête du Travail institutionnelle
En Algérie, la célébration du 1ᵉʳ Mai illustre la volonté des pouvoirs publics de placer le travailleur au cœur de leurs priorités. Journée chômée et payée pour tous, dans le public comme dans le privé, elle traduit un choix politique assumé : marquer officiellement la reconnaissance de l’effort collectif qui soutient la croissance nationale. Cette disposition, relayée par l’Agence Presse Service (APS), garantit à chaque salarié un moment de repos et de fierté, tout en soulignant le rôle clé du gouvernement dans la protection des acquis sociaux.
Dans cet esprit, l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) privilégie une commémoration sobre et solennelle à la Maison du Peuple, lieu hautement symbolique du mouvement ouvrier. Les cérémonies protocolaires, menées en présence des représentants de l’État et des partenaires sociaux, témoignent d’un dialogue encadré mais apaisé : elles offrent l’opportunité de réaffirmer les engagements partagés en faveur de la justice sociale, de la concertation et de la stabilité économique. Ainsi, la Fête du Travail devient un temps fort d’unité nationale, reflet d’une coopération constructive entre gouvernement et corps syndical.
Tunisie : la mobilisation face à une réforme contestée
La situation tunisienne présente un visage radicalement différent. L’Union générale tunisienne du travail (UGTT), force syndicale historique et acteur majeur de la transition démocratique, monte au créneau sur deux fronts brûlants.
D’une part, le puissant syndicat dénonce avec vigueur son exclusion du processus de révision du Code du travail. Dans un communiqué cinglant publié le 28 avril, l’UGTT fustige une « politique d’exclusion délibérée » orchestrée par le gouvernement, qui contreviendrait non seulement aux pratiques établies mais aussi aux conventions internationales ratifiées par la Tunisie. Pour les syndicalistes, cette méthode « opaque » laisse craindre un démantèlement progressif des protections sociales au profit des intérêts patronaux.
D’autre part, la centrale syndicale pointe l’impasse des négociations salariales dans un contexte économique tendu. « Les travailleurs tunisiens subissent une pression économique insoutenable« , martèlent les responsables syndicaux qui exigent des revalorisations concrètes pour compenser l’érosion constante du pouvoir d’achat.
Pour marquer cette journée symbolique, l’UGTT organise un grand rassemblement à Tunis, place Mohamed Ali El Hammi, suivi d’une marche vers la place du 14 janvier 2011 – symbole des aspirations démocratiques du pays. Un acte politique fort qui mêle revendications sociales immédiates et rappel des idéaux de la révolution.
Maroc : un cri d’alarme face à la crise sociale
Au Maroc, le climat social est électrique. Dans les grandes villes du royaume – Casablanca, Rabat, Marrakech et Tanger – les syndicats mobilisent massivement pour faire entendre la voix d’une classe moyenne et ouvrière étranglée par la flambée des prix.
« Cette fête du Travail se tient dans des conditions exceptionnellement difficiles« , alerte l’Union marocaine du travail (UMT) qui dénonce sans détour « l’envolée vertigineuse des prix et l’effondrement du pouvoir d’achat » des familles marocaines. Un constat partagé par l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM), qui, à l’instar de UGTT en Tunisie, fustige également la « méthodologie autoritaire » d’un gouvernement accusé de restreindre le dialogue social à quelques interlocuteurs privilégiés.
Au-delà de la question cruciale du coût de la vie, les revendications se font précises et sectorielles : revalorisation urgente du Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), augmentation des pensions de retraite, révision à la hausse des allocations familiales, et ouverture immédiate de négociations dans les secteurs sensibles comme l’éducation, la santé et les collectivités territoriales.
Un Maghreb aux aspirations convergentes malgré des réalités contrastées
Si les formes d’expression varient – de la sobriété protocolaire algérienne aux manifestations vibrantes du Maroc et de la Tunisie – les aspirations profondes convergent : défense du pouvoir d’achat face à l’inflation, protection des acquis sociaux, respect des libertés syndicales et revendication d’un dialogue social authentique.
Ce 1er mai 2025 révèle ainsi les tensions différentes qui traversent les sociétés nord-africaines, où la question sociale reste au cœur des préoccupations citoyennes. Il témoigne également de la vitalité des mouvements syndicaux au Maroc et en Tunisie, qui continuent d’incarner, malgré les difficultés, un contre-pouvoir essentiel dans le paysage politique régional.