Princess Erika : « le VIH est tabou chez les femmes migrantes »


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Afrik.com est allé à la rencontre de la chanteuse Princess Erika, qui participait à une réunion d’information sur les femmes et le VIH à Paris. Elle revient avec nous sur les raisons de son engagement et sur la situation des femmes séropositives en France et en particulier des migrantes.

Afrik.com : Pouvez-vous revenir sur votre participation à une réunion d’information, la semaine dernière, sur le thème « Femmes et VIH en France : quelles réalités aujourd’hui ? » ?

Princess Erika :
On m’a demandé d’être la marraine de ce projet de mobilisation autour du thème des Femmes et du VIH et j’ai accepté : mes propres engagements associatifs m’avaient permis de rencontrer des femmes touchées par ce virus et de découvrir leur détresse. L’omerta autour de la question de la prise en charge des femmes face à une infection VIH m’a beaucoup étonnée. La communauté homosexuelle a fait avancer la lutte contre cette maladie, mais en occupant l’espace médiatique, elle a contribué malgré elle à masquer les autres communautés, il faut faire maintenant que l’on entende la voix des femmes.

Afrik.com : Qui a organisé cette réunion ? Pour quelles raisons ?

Princess Erika :
C’est l’association VI(H)E Pluri-Elles, dont je suis la marraine, en partenariat avec l’Institut Pasteur, Abbvie et plusieurs associations engagées dans la lutte pour un meilleur accompagnement des femmes face au VIH. L’idée était de réunir dans la même pièce des professionnels de santé spécialisés sur la question du VIH et des femmes, les institutions concernées et les patientes pour échanger sur les lacunes actuelles et les moyens d’y remédier. J’ai été choquée de voir qu’il était difficile pour ces femmes de venir à ces réunions, que s’exposer ainsi relevait du défi pour elles. Une preuve de la nécessité du travail du Collectif VI(H) Pluri-elles.

Afrik.com : Quel regard portez-vous sur la séropositivité des femmes en France ?

Princess Erika :
C’est quelque chose de tabou, bien plus que pour les hommes. La femme donne la vie, elle ne doit pas donner la mort… Le VIH étant une maladie sexuellement transmissible, certaines femmes ont peur d’être accusées de frivolité. Cacher leur contamination à leur entourage leur semble le seul moyen de se protéger des reproches ou du rejet. Mais en faisant cela, elles s’isolent au point parfois de ne pas pouvoir se soigner. Il faut que cela change ! Être porteuse du VIH ne fait pas d’une femme une criminelle, elle en est victime, quel que soit le contexte de la contamination et nous devons nous mobiliser autour d’elles pour le permettre, a minima, de se soigner dans de bonnes conditions.

Afrik.com : Quelles actions concrètes mettez-vous en œuvre pour lutter contre ce phénomène ?

Princess Erika :
En participant au cycle de rencontres organisées par le Collectif VI(H) Pluri-Elles, j’ai voulu montrer à ces femmes qu’une artiste pouvait s’engager à leur côté, leur servir de porte-voix. Je connais d’ailleurs beaucoup d’artistes séropositifs auxquels je veux dire : « faite votre coming out !», car c’est un acte de résistance, face à la mise à l’écart des malades. Tout le monde peut être touché et il s’agit de montrer aux gens que ce n’est pas une fatalité. Aujourd’hui, une personne dépistée dans les temps et bien traitée mène une vie presque normale, il faut donc encourager un meilleur dépistage et faire en sorte que les personnes touchées, surtout les plus vulnérables, puissent bénéficier d’un suivi médical adapté.

Afrik.com : Un des axes de la réunion portait sur la vulnérabilité des femmes séropositives migrantes. En quoi les femmes migrantes sont-elles plus vulnérables que les autres ?

Princess Erika :
Les femmes migrantes sont souvent dans une situation de précarité sociale et économique qui mobilise toute leur attention. Elles n’ont pas le réflexe du dépistage et apprennent la plupart du temps leur contamination pendant leur suivi de grossesse. C’est d’une violence inouïe, d’autant plus que les questions de sexualité sont un tabou. De peur d’être rejetées, abandonnées par leur famille quand elles en ont en France, elles préfèrent taire leur maladie, au prix de leur suivi médical dont elles ne comprennent pas toujours l’importance. La plupart d’entre-elles pense qu’elles vont mourir très vite alors qu’il n’en est rien : avec un traitement, leur espérance de vie s’aligne presque sur celle d’une femme qui n’est pas porteuse du VIH ! J’ai écrit une chanson pour elles, un message d’espoir et une incitation à prendre soin d’elles. Pas de misérabilisme, un texte très positif sur une musique enjouée, parce qu’en matière de VIH, encore une fois, il n’y a plus de fatalité, il faut juste se réveiller !

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