Gabon : « Eradiquer les crimes rituels! » Interview exclusive


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Le président de l’association de lutte contre les crimes rituels, Jean Elvis Ebang Ondo déplore la recrudescence des crimes rituels à quelques 8 semaines de la tenue de la présidentielle au Gabon. Il analyse le phénomène et appelle les populations à la vigilance. Interview.

AFRIK.COM : A moins de deux mois de la tenue de la présidentielle, on parle de plus en plus de la recrudescence des crimes rituels ou crimes de sang dans le pays. Vous confirmez l’information ?

Ebang Elvis : Il y a une recrudescence des crimes rituels. Dans la ville de Fougamou dans la province de la Ngounie, en moins d’un mois, on a enregistré 8 crimes rituels et 3 dans la province du Woleu Ntem, précisément dans la ville de Minvoul. Le phénomène prend de l’ampleur. Les villageois vivent la peur au ventre. Les femmes sont obligées de se faire escorter pour se rendre dans les plantations. Les commanditaires de ces crimes sont les hautes personnalités du pays, des intouchables.

Le 11 mai 2013 nous avons organisé une marche pacifique à Libreville afin de dénoncer les crimes de sang. Un mémorandum avait été remis au Chef de l’état à l’occasion. Mais force est de constater que nos revendications ont été mises aux oubliettes.

AFRIK.COM : Qu’est ce qui selon vous explique la montée de ces crimes ?

Ebang Elvis : En 2011 grâce au soutien des Américains, nous avons mené une étude sur le phénomène des crimes rituels au Gabon. De cette dernière, il ressort qu’il s’agit d’un problème liées aux croyances traditionnelles d’une part et au métissage culturel d’autre part. Les loges maçonniques sont entrées au Gabon et ont été perverties. On y a introduit de mauvaises pratiques.

Dans notre pays pour devenir quelqu’un (riche) ou prospérer dans les affaires, il faut intégrer les cercles ésotériques et pour y rester, il faut se salir les mains en ordonnant des sacrifices humains. Les leaders politiques engagés dans les challenges électoraux n’hésitent pas non plus à intégrer les loges sataniques, lesquelles leur proposent pouvoir et succès politiques en contrepartie des vies humaines.

D’où la montée des crimes rituels et autres sacrifices de sang à la veille des échéances électorales. Au cours de l’étude citée, nous avons rencontré des notables, des juges, des marabouts et les personnes victimes dont je fais moi-même partie. Mon fils a été enlevé à la sortie de son établissement le 3 mars 2005 et a été assassiné à Baracouda, dans la commune d’Owendo par des Nigerians avec le concours d’un franc-maçon et d’un de mes proches parents. Son sang a été bu au carrefour Charbonnages et son corps abandonné sur une plage de Libreville.

AFRIK.COM : A vous entendre parler, on a l’impression qu’il y a une certaine impuissance des pouvoirs publics à endiguer ce phénomène. Est-ce vraiment votre sentiment ?

Ebang Elvis : Les commanditaires des crimes rituels sont dans les hauts lieux de la république et bénéficient de toute sorte de protection. Les plaintes des familles des victimes n’aboutissent jamais. Cette situation risque d’amener les populations à pratiquer la justice populaire. Ce qui n’est pas souhaitable dans un Etat de droit. La justice doit prendre ses responsabilités et la police également, afin de mieux protéger les citoyens.

AFRIK.COM : Quelles sont les populations les plus visées par ces crimes de sang ?

Ebang Elvis : Selon nos enquêtes, les victimes des crimes rituels sont en majorité issues des familles économiquement faibles et des communautés étrangères.

AFRIK.COM : Avez-vous un message à adresser aux Gabon en cette période ?

Ebang Elvis : Je demande aux compatriotes d’être très prudents et vigilants en ce moment. Ceux qui ont des enfants doivent prendre des mesures idoines pour mieux protéger leur progéniture. Aux électeurs, je demande de ne pas élire les candidats qui ont les mains sales. Les commanditaires des crimes rituels sont passés à la vitesse supérieure et ont changé de méthodes. Aujourd’hui, ils ne jettent plus les corps des victimes sur les plages ou dans la forêt. Ils prélèvent certains organes tels le sexe, le cœur et la langue, avant d’enterrer le cadavre. Ils reviennent quelques semaines après sur les lieux pour prendre les ossements qu’ils utilisent pour la fabrication de ces certains fétiches y compris des poisons très violents.

AFRIK.COM : Votre association envisage-t-elle des actions imminentes afin de sensibiliser les populations ?

Ebang Elvis : Nous comptons nous rendre dans les zones reculées du pays où des disparitions sont enregistrées régulièrement pour sensibiliser les populations. Notre ambition est d’avoir également, dans les prochaines semaines, des antennes dans l’ensemble des 9 provinces du pays pour organiser des rencontres avec les hommes et femmes de médias, afin d’amplifier nos opérations de communications. Nous devons agir pour sauver notre pays. Il est temps que cessent le cannibalisme et les crimes rituels.

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