Etudier au Cameroun et décrocher un diplôme français


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Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo (au centre)

L’Agence universitaire de la francophonie (AUF) permet depuis 2004 à des étudiants camerounais de décrocher un diplôme français ou canadien en restant au Cameroun. Comment ? En mettant à leur disposition, moyennant finance, le matériel nécessaire pour suivre une des 30 formations ouvertes à distance que propose L’AUF. L’étudiante Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo nous raconte son expérience, globalement positif en dépit des nombreux problèmes rencontrés.

Ils étaient une centaine d’étudiants camerounais, le 30 décembre dernier, à recevoir un diplôme bien particulier. Cette juste récompense de leurs efforts leur a en effet été décernée par des universités françaises, via l’Agence universitaire de la francophonie (AUF). L’AUF a en effet instauré en 2004 un nouveau système qui permet aux étudiants de suivre une trentaine de formations ouvertes à distance (FOAD) dont les cours sont assurés par des universités françaises et canadienne. Pour bénéficier de ce programme, les Camerounais sont sélectionnés par l’AUF, qui délivrera aux meilleurs d’entre eux une allocation d’études. « Une importante partie des frais pédagogiques seront ainsi pris en charge, et toute personne désireuse de se former à distance pourra bénéficier d’un prix préférentiel, accordé par les Universités diplômantes », explique le site détaillant des FOAD. Les Camerounais intéressés pourront postuler, dès mars prochain, afin d’être formés pour l’année 2006-2007. En attendant, Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo, comme les autres étudiants diplômés, savoure sa réussite. La diplômée d’Etude Supérieure Universitaire (DESU) en TIC (Technologie de l’information et de la communication) et développement de l’Université de Limoges nous explique comment elle vécu sa formation ouverte à distance. Une expérience que l’ingénieur agronome de formation décrit comme globalement positive, mais pas facile à suivre au Cameroun.

Afrik : Pourquoi avoir choisi cette formation ?

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
Je travaille pour une organisation non gouvernementale (ONG) qui avait pour projet de donner aux paysans accès à Internet. Mais, dans mon pays, il n’existe pas ce type de formation. En tombant sur le site de l’AUF, j’ai vu qu’ils proposaient une formation à distance et ça m’a intéressé, d’autant plus qu’au Cameroun on ne peut pas passer d’un cursus à l’autre comme ça. Mon ONG m’a soutenue parce que cette formation était nécessaire pour montrer le projet qu’elle voulait mettre en place. Ils ont d’ailleurs trouvé des gens pour faire le travail que je faisais pour les jours où je ne pouvais pas travailler.

Afrik : Comment avez-vous pu concilier votre activité professionnelle et votre activité estudiantine ?

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
Ce n’était vraiment pas facile ! Je travaille principalement en zone rurale et il n’y avait donc pas toujours accès à Internet…

Afrik : Quel a été le coût de votre formation ? Comment l’avez-vous payée ?

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
La formation coutait 1 600 euros. J’ai obtenu une bourse de 1 000 euros et mon ONG a payé 200 euros. J’ai donc payé 400 euros. C’est une grosse somme, mais j’avais des économies.

Afrik : Comment se déroulaient les cours ?

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
Nous étions encadrés par les tuteurs et les professeurs de l’université de Limoges (France). Nous avions une plateforme d’enseignement (espace commun pour les étudiants de la formation) où les cours étaient donnés les uns à la suite des autres. Nous étions répartis en groupes virtuels et faisions nos exercices sur Internet. Si nous avions une question à poser, il fallait envoyer un e-mail ou tuteur ou au professeur. Pour les examens, nous avions rendez-vous à une heure précise où tout le monde composait en même temps avant de rendre le devoir sur Internet.

Afrik : Ce doit être facile de chercher les réponses en ligne lorsque l’on est connecté…

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
Non ! Le temps imparti est si réduit que l’on perdrait plus de temps à chercher l’information sur Internet. De toute façon, le libellé est formulé de telle sorte qu’il est impossible de trouver la réponse sur Internet. Il faut seulement s’asseoir, réfléchir et composer le plus rapidement possible.

Afrik : Après vos huit mois de cours, vous avez fait un stage. Comment cela s’est-il déroulé ? L’AUF vous a-t-elle aidé à en trouver un ?

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
On se débrouillait pour trouver les stages. Sur le forum, des étudiants en proposaient, mais ils étaient plutôt pour ceux qui sont en France. J’ai fait trois mois de stage dans une autre ONG que celle où je travaille d’habitude.

Afrik : Vous avez testé l’enseignement « traditionnel » et la formation à distance. Quels sont les avantages de la FOAD ?

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
On peut discuter avec beaucoup de personnes. Et j’ai appris beaucoup de choses, puisque j’étais pratiquement novice. Et on nous enseignait comment pousser les décideurs à investir plus dans les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication, ndlr) et nous démontraient leurs avantages. Ce qui n’est pas enseigné dans nos universités.

Afrik : Et les inconvénients ?

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
Il y en a beaucoup ! Nous sommes obligés de travailler depuis des cybers et il est souvent arrivé qu’il y ait des coupures de courant ou de connexion. Et quand on faisait des évaluations en ligne, nous étions coincés. Au départ, les professeurs étaient assez indulgents, mais à la fin ils l’étaient un peu moins. Ça nous a valu certains zéros et plusieurs élèves ont été recalés à cause de ça. En fait, on n’a pas tenu compte du contexte dans lequel nous travaillons. Mais il est vrai aussi qu’on ne peut pas prendre ne considération les particularités de chacun dans le cadre d’un échange international.

Afrik : Pourtant, l’AUF explique qu’elle met à disposition des étudiants des locaux avec le matériel nécessaire…

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
Nous avons effectivement un Campus universitaire numérique. Mais il est ouvert de 8h à 16h. Or, c’est à l’heure de fermeture que les gens sont disponibles pour recueillir les informations sur le chat, où les professeurs nous expliquaient les leçons ou éclaircissaient des points.

Afrik : La présence d’un professeur en chair et en os vous a-t-elle manquée ?

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
Oui ! D’autant plus que les professeurs français que nous devions joindre n’étaient pas toujours disponibles. Parfois, on envoyait un e-mail et il fallait attendre une semaine avant d’avoir une réponse. Alors on se posait les questions entre étudiants. Ce n’était pas facile. On nous a dit avant d’intégrer la formation que maîtriser Internet et l’outil informatique n’était pas indispensable pour suivre les cours, mais ce n’est pas tout à fait vrai. Ceux qui avaient déjà des connaissances étaient plus à l’aise par rapport à nous, qui devions mettre les bouchées doubles. J’ai failli laisser tomber plusieurs fois, et d’autres l’ont vraiment fait, mais j’avais quelqu’un qui me disait de ne pas lâcher.

Afrik : Au final, quel bilan faites-vous de cette expérience ?

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
Même si j’ai parlé de beaucoup de points négatifs, il y a également du positif. Je suis beaucoup plus autonome aujourd’hui sur Internet et face à l’informatique.

Afrik : Aimeriez-vous aller en France ?

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
J’aurais aimé soutenir là-bas mais par manque de moyens, je n’ai pas pu. Mais j’adorerais y aller et voir mes professeurs et les élèves avec qui j’ai échangé !

Afrik : Avez-vous des projets professionnels nés de votre formation ?

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
J’ai monté un projet d’inforoutes. L’ONG pour laquelle je travaille a soumis le projet et nous attendons de voir s’il sera accepté.

Afrik : Quels sont vos projets ?

Marguerite Marcelline Kinfack Dongmo:
Je suis en DEA de biotechnologie végétale et c’est ma priorité !

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