Africa Remix : l’exposition évènement d’art contemporain africain à Paris


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Première exposition itinérante majeure d’art contemporain africain en Europe, « Africa Remix » se tient du 25 mai au 8 août 2005 au Centre Georges Pompidou à Paris. Pour la première fois en France, le musée national d’art contemporain présente un aussi vaste panorama de la création du continent dans son entier. La pluridisciplinarité des œuvres présentées et l’hétérogénéité des thèmes abordés confèrent à cet évènement 100% « Remix » une vitalité qui met à mal la réputation hermétique du milieu artistique contemporain.

Africa Remix ! Du 25 mai au 8 août 2005 se tient la très attendue exposition du Centre Pompidou, à Paris, entièrement consacrée à l’art contemporain africain. Plus de 200 œuvres de 83 artistes de tout un continent sont présentées sur une étendue de 2 200 m2. Organisé en trois sections (identité et histoire, ville et terre, corps et esprit), le plus grand évènement du genre jamais présenté en France offre un état des lieux transdisciplinaire d’un art contemporain relativement méconnu de l’Hexagone. Le Centre Pompidou vient renverser la tendance avec « Africa remix », mais également avec un espace consacré à deux installations audiovisuelles du très brillant artiste anglais Isaac Julien. Sans oublier la programmation cinéma « Fictions d’Afrique » (25 mai-27 juin) et le colloque de réflexion sur l’art contemporain et les études post-coloniales (15 et 16 juin). Vaste programme.

Identité/histoire

Remix, tout d’abord, des identités, des origines. De l’Egypte à l’Afrique du Sud, en passant par la Tanzanie, le Zimbabwe, le Maroc, ou encore la Côte d’Ivoire, plus de 80 artistes de part et d’autre du continent proposent un tour d’horizon des frontières africaines actuelles. Le remix des identités africaines n’est pas dissociable de la perspective historique, du traitement de la question de la mémoire, et du « fantôme » colonialiste. Dans la première des sections de l’exposition, « identité/histoire », les « Tati Autoportraits » du Camerounais Samuel Fosso dressent avec sarcasme une critique efficace des « chefs de villages » en se travestissant et s’infentilisant à l’aide de costumes de pirate, de torero… et de Mobutu. De son côté, Yinka Shonibare, d’origine nigérienne, avec son « Victorian Philantropist’s Parlour », tapisse un salon victorien de tissu Wax, pour souligner la confrontation de deux cultures et son surprenant résultat. Si Zoulikha Nouabdellah « arabise » le drapeau français par une danse du ventre sur un support vidéo, l’Angolais Fernando Alvim, avec son oeuvre intitulée « Belongo », inscrit sur la partie noire du drapeau belge le mot « Congo », qu’il considère comme communauté mise à l’écart dans l’ombre des Wallons et des Flamands.

Ville/terre

Remix ensuite de l’environnement. Dans un continent largement rural, la mégalopole africaine vient s’imposer en écran. L’exposition tente de regrouper dans le corpus « ville/terre » des œuvres qui soulignent la dualité urbain/rural, leurs divergences et leurs similitudes. Au centre de la réflexion : le recyclage et la récupération. L’immense toison d’or proposée par le sculpteur El Anatsui, intitulée « Sasa », aux dimensions intimidantes, est composée de milliers de capsules de bouteilles en aluminium. Dans la même veine de recyclage artistique, Gonçalo Mabunda présente deux de ses sculptures réalisées à partir d’armes lourdes récupérées, « Chaise » et « Tour Eiffel ». Ces œuvres ont été réalisées dans le cadre du projet national mozambicain « Changez les armes en socs de charrues », projet qui consiste à échanger à la population ses armes contre des machines à coudre, des bicyclettes… Etonnante surprise également que les 16 personnages « attendant le bus » de l’artiste Dilomprizulike, figures épouvantails et quasi-sans visage mais non dénuées d’humour : il semble que le sculpteur ait pris un ironique plaisir à les parer de couvres chefs et de sacs à main laissant dépasser un peigne « édenté ». Les lambeaux de vêtements et la ferraille de ces beckettiens aux corps décrépis viennent habilement faire le lien entre « ville/terre » et la dernière thématique « corps/esprit ».

Corps/esprit

Remix enfin corps/esprit. L’éternelle question du corps et de sa représentation dans l’art est la troisième thématique de cette exposition. Plus classique, elle invite à considérer « Africa Remix », non seulement dans une perspective géographique et historique, mais également comme un évènement d’expression artistique contemporaine à part entière : les 200 œuvres présentées sont tout autant celles d’Artistes que d’Africains. Chéri Samba, l’un des principaux artistes reconnus sur la scène mondiale, se prend comme modèle et sujet de ses peintures, même si ces portraits sont essentiellement le simple outil d’une représentation allégorique – et pessimiste- de l’état du monde. L’artiste Barthélémy Togho invite le visiteur à rentrer « physiquement » dans une coque de bateau dont le sol est tapissé de produits d’emballage de bananes, et dans laquelle tableaux et installations vidéo questionnent sur l’exil et le déracinement à travers l’affrontement Occident/Afrique.

Isaac Julien

En parallèle d’« Africa Remix », un espace entier (le nouvel « espace 315 ») est consacré à l’artiste anglais d’origine antillaise Isaac Julien, autour de deux installations audiovisuelles, respectivement composées de quatre et trois écrans. Les deux productions « Fantôme créole » et « Baltimore » répondent à un désir de narration tout autant qu’à une visée purement esthétique et poétique. Aux confins des arts plastiques et du cinéma, l’œil d’Isaac Julien, surprenant, enivrant, rythmé, associe les expéditions historiques en Afrique des intellectuels européens (comme Michel Leiris), avec celle du Pôle Nord dans « Fantôme créole ». Avec « Baltimore », deux personnages, une femme tout droit sortie d’un film de Blaxploitation, et un homme étrange en tweed noir, se livrent à une course poursuite à travers deux musées, l’un d’art classique, l’autre exposant les poupées de cire des personnalités noires historiques (Malcom X, Martin Luther King..). Par un Aller-retour d’une culture à l’autre, d’une histoire à l’autre, la narration évolue dans une atmosphère étrange digne d’un Lynch. À ne pas manquer.

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