Ameth Male : « Pour chanter le monde, il faut le connaître »


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Ameth Male

Frère du célèbre Baaba Maal, Ameth Male n’a pas de différent de son frère que l’orthographe de son nom de famille. Avec « Laanamayo », son premier album solo, l’artiste sénégalais développe son propre univers musical à travers un remarquable enregistrement live. Musique du cœur, musique de l’âme, il nous explique sa démarche artistique et sa conception de l’art d’Orphée.

Dans la famille Maal, je demande Ameth. Difficile de se faire un prénom dans la musique quand on a un frère, Baaba en l’occurrence, qui est déjà une vedette internationale de la chanson. Et pourtant. Ameth Male, qui a gardé l’orthographe originelle de son nom de famille, s’impose avec Laanamayo, son premier album solo, comme un artiste à part entière. S’il a déjà une longue carrière derrière lui, Ameth a décidé, à 40 ans, d’explorer sa propre inspiration pour développer son propre univers. Enregistrée en live, l’œuvre est une belle réussite et nous réconcilie avec une musique sénégalaise, saturée de mbalax. Calme, philosophe et vrai, à l’image de son art, il revient sur son parcours initiatique et nous explique sa démarche artistique.

Afrik : Vous êtes le frère du célèbre Baaba Maal. Pourtant, vous orthographiez votre nom différemment. Pourquoi ?

Ameth Male : Maal est juste le nom Male poularisé (en poulaar, une des langues du Sénégal, ndlr). J’ai préféré conserver le nom originel, celui de mon père. Cela me dissocie, en outre, de l’image et du travail de mon frère.

Afrik : Pourquoi ce titre pour cet album ?

Ameth Male : Laanamayo signifie « la pirogue du fleuve » en poulaar. Je suis un enfant du fleuve. Le fleuve m’a beaucoup bercé et m’a beaucoup appris. Je suis né sur l’île de Podor qui était, au 18ème siècle, un grand carrefour commercial. Ce qui explique le riche brassage culturel des lieux. Moure, bambara, sérère, wolof, peul,… J’ai grandi dans un univers très métissé. Et c’est ce que je veux partager avec le monde.

Afrik : Jouez-vous d’un instrument ?

Ameth Male : J’ai commencé en tant que chanteur. La guitare est venue deux ans après. C’est ma principale complice depuis que ma mère est décédée, lorsque j’avais 20 ans. Elle est devenue mon moyen d’expression. Dans mon travail, je lui fais rencontrer d’autres instruments, comme les tablas (percussions indiennes, ndlr), la kora, le balafon ou la contrebasse, dans un souci de partage et pour ouvrir ma musique sur le plan international.

Afrik : Comment avez-vous plongé dans la musique ?

Ameth Male : J’ai grandi dans une atmosphère musicale puisque je fais partie d’une famille où mon père était musicien et ma mère chantait et composait. J’ai aussi un grand frère qui chante. Donc je suis dedans depuis ma naissance. Plus tard, j’ai créé le groupe Dental, qui signifie « le rassemblement ». Il m’a permis d’aller dans toute l’Afrique de l’Ouest profonde, de causer avec les sages et les historiens, et de connaître, grâce aux contes et aux chansons traditionnelles, l’histoire de tous les villages. J’ai fait trois ans de recherches dans ce domaine. Ce n’est qu’après que j’ai commencé la musique. J’entendais tout le temps mon frère dire : « Si tu veux chanter le monde, il faut connaître le monde ». Donc j’ai préféré voyager avant de présenter quelque chose aux gens.

Afrik : Vous avez déjà une grande expérience musicale derrière vous. Quelle est la place de Laanamayo dans votre carrière ?

Ameth Male : C’est vraiment un point de départ pour moi. J’avais d’autres albums avant, mais c’était avec d’autres personnes. Là, il s’agit entièrement d’Ameth, de moi, avec toutes les chansons que j’ai composées.

Afrik : Etes-vous anxieux par rapport à votre carrière qui commence en France ?

Ameth Male : Non, car c’est mon premier album, mais ma carrière a déjà commencé depuis longtemps. Il s’agit là d’une autre présentation d’Ameth. Plus personnelle.

Afrik : Pourquoi avez-vous décidé d’enregistrer votre album en live ?

Ameth Male : La technologie nous permet d’avancer, mais la musique doit rester dans le cœur. Et cela ne peut vraiment s’exprimer qu’en live, c’est là où toute l’alchimie se crée. Quand je suis sûr scène, je demande à mes musiciens de se lâcher. Ici (en France, ndlr), la musique est intellectualisée. Mais au début, la musique c’était quoi ? Les deux premiers instruments étaient la voix et les applaudissements.

Afrik : Pour vous la musique ne se fait pas en studio

Ameth Male : Je crois que le monde retourne à la source. On a besoin de la technologie, notamment pour faire les maquettes. Mais ce qui est important, c’est de jouer avec ton cœur. Après, les producteurs peuvent faire ce qu’ils veulent avec le son tant qu’ils laissent l’âme. Or quelquefois, la technologie enlève cette âme. Et moi j’y tiens.

Afrik : Certaines de vos chansons font plus de huit minutes. Quand on est artiste, n’est-on pas tenu de formater sa musique aux standards radio pour espérer bénéficier d’une couverture médiatique ?

Ameth Male : Je crois que si une musique est bien faite, les radios l’acceptent. Sinon, il est possible de prendre un morceau original et d’en faire une version radio. C’est la loi de la musique et des radios, donc il faut donc s’adapter. Mais pour ça, il n’y a pas qu’une voie. Quand tu fais ta musique, tu ne la fais pas pour les radios mais pour les gens. Ce sont eux qui jugent ta musique. S’ils aiment, il n’y aura pas besoin de faire un format radio.

Afrik : Comment vous vient l’inspiration ?

Ameth Male : En Afrique, chaque travail ou événement est accompagné par des chants et des danses. J’ai plusieurs fois vu ma mère piler le mil et créer des chansons et mon père chanter en cultivant la terre. Et moi je créais sur ma pirogue, entouré par les arbres et les fleurs. Aujourd’hui, ça vient naturellement.

Afrik : Vous êtes issu d’un milieu très pur et authentique. Le fait de vous retrouvez à Paris, une capitale occidentale, ne constitue-t-il pas un choc culturel ?

Ameth Male : Je suis un sénégalais-africain, mais je me considère comme un citoyen du monde. Je suis à l’aise partout. Même ici, à Paris, je me considère chez moi. Il n’y a pas de choc culturel. J’ai choisi Paris parce que cette ville réunit toutes les cultures. C’est une ouverture et une richesse de rencontrer autant de monde.

Afrik : Quelles sont vos ambitions artistiques ?

Ameth Male : Mes ambitions sont de voyager, de partager ma culture avec d’autres musiciens et avec le monde.

En exclusivité un extrait du titre « Touba »

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