L’Union africaine s’en va-t-en guerre


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Le troisième sommet de l’Union africaine s’est achevé, jeudi à Addis-Abeba (Ethiopie), avec l’adoption de nouvelles résolutions pour résoudre les conflits de l’Afrique. Notamment dans la région ouest-soudanaise du Darfour, en République Démocratique du Congo et en Côte d’Ivoire. Mais les fonds sont bien maigres au vu de la tâche à accomplir.

S’engager fermement dans la résolution des conflits. C’est la voie dans laquelle l’Union africaine (UA) semble s’être engagée, jeudi, à l’issue de son troisième sommet à Addis-Abeba, en Ethiopie (du 6 au 8 juillet). Ces premières cibles : le conflit dans la région du Darfour (ouest du Soudan), la tension grandissante entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda et la crise ivoirienne. Pour régler ces conflits, l’UA a mis en place toute une stratégie qui risque de peser lourd dans la balance du budget. Problème : les Présidents africains promettent de financer, mais peu d’argent arrive dans les caisses au final.

Une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement du continent étaient présents au sommet. Le leader camerounais Paul Biya, le Tunisien Zine el-Abidine Bebn Ali, le Nigérien Mamadou Tandja, le Mauritanien Maaouiya Ould Taya, le Togolais Gnassingbé Eyadéma et le Guinéen Lansana Conté étaient absents. De même que le Libyen et père de l’Union africaine Mouammar Kaddafi, qui, selon certaines sources, aurait préféré qu’on insiste pour qu’il participe aux discussions. Le Président de la RDC manquait lui aussi à l’appel et était représenté dans la capitale éthiopienne par son ministre des Affaires Etrangères Antoine Ghonda Mangalibi.

Petits comités de crise

Joseph Kabila n’aurait pas apprécié une déclaration faite, dimanche, par l’ancien numéro Un de l’UA, Alpha Oumar Konaré, remplacé lors du sommet par le chef de l’Etat nigérian Olusegun Obasanjo. L’ex-Président malien, cité par Le Communicateur, avait estimé que « l’implication directe du Rwanda dans les événements de Bukavu (Est de la RDC, ndlr) aux côtés des officiers dissidents » congolais, début juin, n’était « pas avérée ». Or, précisément, Kinshasa accuse Kigali d’apporter son soutien aux soldats dissidents. Pour la RDC, l’UA n’a pas un jugement partial car elle n’a pas enquêté sur place pour tirer ses conclusions.

Cela n’a pas empêché, pour éviter une troisième guerre entre les deux pays, la tenue d’un mini-sommet de deux heures, en marge des débats centraux, entre le Président congolais, son homologue rwandais Paul Kagamé et le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (Onu) Kofi Annan. Conclusion des pourparlers : le secrétaire général adjoint de l’Onu chargé des opérations de maintien de la paix, Jean-Marie Guéhenno, a annoncé qu’« il a été entendu que les Nations Unies, en liaison avec l’Union africaine, proposeraient un mécanisme de vérification. Les vérifications (notamment, ndlr) doivent porter […] sur la possibilité de présence de troupes étrangères en RDC, notamment la question qui est régulièrement posée par les autorités congolaises sur la présence de troupes rwandaises », rapporte l’Agence France Presse (AFP).

Un autre mini-sommet a été organisé, mardi, sur la Côte d’Ivoire. Etaient présents : les Présidents ivoirien Laurent Gbagbo, burkinabè Blaise Compaoré, ghanéen John Kufuor, nigérian Olusegun Obasanjo et gabonais Omar Bongo, ainsi que Kofi Annan. En revanche, les représentants de l’opposition ivoirienne et des ex-rebelles des Forces Nouvelles n’ont pas fait le déplacement. Pour réconcilier le gouvernement et le contre-pouvoir et relancer le processus de paix, un nouveau sommet se tiendra à Accra (Ghana) le 29 juillet prochain en présence de tous les protagonistes du conflit, ainsi que plusieurs chefs d’Etats ouest-africains, l’UA et l’Onu.

Envoi de 300 hommes au Darfour

Pour ce qui est de la crise dans le Darfour, beaucoup de déclarations ont été faites. Au nom de l’organisation, Alpha Oumar Konaré a appelé « à un arrêt des bombardements » du gouvernement sur cette région de l’ouest soudanais. Le ministres des Affaires Etrangères tchadien Nagoum Yamassoum a expliqué à l’AFP que l’Union africaine « fait tout pour convaincre Khartoum qu’il faut un dialogue avec les rebelles et, [que] pour le dialogue, il [fallait] désarmer les milices ».

Plus concrètement, les 53 membres de l’UA espèrent envoyer dans cette zone, d’ici fin juillet, une force de protection de 300 hommes, notamment nigérians et rwandais. Leur mission sera de protéger les quelque 60 observateurs de l’organisation africaine sur place et éventuellement surveiller les camps de réfugiés et les zones frontalières du Tchad, où quelque 200 000 Soudanais sont réfugiés, selon les informations de RFI. Le tout avec le soutien de l’Onu. Certains estiment que cette initiative, si elle se concrétise, serait la première opération d’envergure de l’Afrique pour sortir un pays d’un conflit.

Les Etats africains ne banquent pas

Pour prévenir efficacement les conflits, l’UA, qui participe déjà à des missions de maintien de la paix, notamment au Burundi, aux Comores, en Ethiopie et en Erythrée, entend s’appuyer sur son Conseil de paix et de sécurité (CPS), organe assisté par un « Groupe des sages ». Par ailleurs, un ‘Système continental d’alerte rapide’ doit également contribuer à la prévention des conflits. Restera, d’ici 2010, à dessiner les contours de la ‘Force africaine en attente’ (de création) qui a fait l’objet d’une troisième réunion des chefs d’état-major africains en mai 2003 », explique RFI.

Un arsenal anti-guerre qui va coûter cher. L’Union peine à trouver les fonds pour financer ses projets. Or, le budget pour 2004-2007 s’élève à 570 millions de dollars par an, soit 1,7 milliard de dollars en tout (contre 40 millions pour l’Organisation de l’unité africaine, ancêtre de l’UA). Et rien que pour résoudre les crises ivoirienne, soudanaise et congolo-rwandaise, le CPS doit engranger 200 millions de dollars, sur les 600 demandés par Alpha Oumar Konaré. Ce qui laisse penser au quotidien burkinabé Sidwaya que l’avenir de l’organe est menacé.

Ce qui freine les rentrées d’argent, ce sont principalement les promesses de dons non suivies des actes de la plupart des Etats africains. Ainsi, en ce qui concerne la Mission africaine au Burundi (Miab), où il y a le plus fort contingent de l’UA, « l’essentiel du fardeau lié au déploiement » a été porté en grande partie par « l’Afrique du Sud, l’Ethiopie et le Mozambique », rapporte RFI. En marge du sommet, selon l’AFP qui a interrogé le Président sénégalais Abdoulaye Wade, divers bailleurs de fonds ont promis de verser 5 millions de dollars à l’Union africaine, dont le Japon et le Canada. Cet argent servira à financer les projets attenants au Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), qui promeut notamment la bonne gouvernance. Indispensable, selon la plupart des membres de l’Union africaine, pour résoudre les crises.

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