Roland Simounet, architecte algérien


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Marseille, au sud de la France, accueille jusqu’à la fin de l’année l’exposition Roland Simounet et la Méditerranée. Elle permet de découvrir l’œuvre de cet architecte né en Algérie et qui, après l’avoir quittée à l’Indépendance, restera très attaché à sa terre natale. Une façon de saluer son travail, à cheval entre l’apport de l’architecture vernaculaire algérienne et l’inspiration corbuséenne.

Roland Simounet (1927-1996) est un enfant d’Algérie. Il y a développé son activité d’architecte entre 1952 et 1962, dans une voie résolument moderne et simultanément attentive à la culture locale. C’est ce que propose de montrer l’exposition Roland Simounet et la Méditerranée, présentée jusqu’à la fin du mois de décembre à Marseille (sud de la France), ville dans laquelle l’Ecole Nationale Supérieure de Danse, l’un de ses derniers projets, a vu le jour entre 1985 et 1992. Explications avec Richard Klein, commissaire d’exposition, architecte et enseignant à l’Ecole d’architecture de Lille.

Comment a été créé l’exposition ?

Richard Klein : Cette exposition est la version méditerranéenne d’une rétrospective sur l’œuvre de Roland Simounet, de 1951 à 1996, qui a été présentée il y a deux ans à Villeneuve d’Ascq. Cette dernière était prévue pour être itinérante et comprenait des modules plus ou moins indépendants les uns des autres. A Marseille, nous présentons tous les projets qui ont trait de près ou de loin à la Méditerranée.

Quelle relation Roland Simounet entretenait-il avec l’Algérie ?

Richard Klein : Roland Simounet est né en Algérie, dans les environs d’Alger. La première partie de sa carrière, entre 1951 et 1962, se passe là-bas et même s’il s’installe à Paris en 62-63, il continue de travailler en Algérie jusqu’en 1968. C’est un proche d’Albert Camus. Evoluant dans un milieu catholique progressiste, il est pacifiste. En 1956, il est aux côtés de Camus et Roblès dans le Comité pour la Trêve Civile, dont l’appel lancé le 22 janvier ne sera pas entendu. Roland Simounet et la Méditerranée est une exposition d’architecture qui présente aussi des documents de valeur artistique, comme ses collages sur le port de Marseille, ses herbiers, ses dessins de poteries kabyles. Nous évoquons sa sensibilité, son attachement à la terre algérienne présente tout au long de sa vie.

Quelles sont ses principales réalisations en Algérie?

Richard Klein : Sa carrière démarre par la construction de maisons individuelles, assez spectaculaires, qui dominent le paysage algérien. Très vite, il se tourne vers le logement pour le plus grand nombre. Le déclencheur : une étude sur le bidonville de Mahieddine, très détaillée, avec des relevés de l’habitat spontané qu’il réalise dans le cadre d’un Congrès International d’Architecture Moderne (Ciam) à Aix-en-Provence (France) en 1953. Il va ensuite toujours tenter de concilier son intérêt pour l’architecture moderne, c’est un émule de Le Corbusier, et de l’architecture arabe et algérienne traditionnelle. En 1953-54, la France et l’Algérie connaissent une crise du logement et il se tourne vers l’élaboration de cités d’urgence, des cités de recasement. Des logements pour le plus grand nombre.

Notamment la cité Djenan el Hassan…

Richard Klein : Cette cité a connu une renommée internationale. Elle est construite en trois phases sur les pentes de la ville et combine un langage vernaculaire et contemporain. C’est « l’invention du logement collectif horizontal », dira Jean de Maisonseul, né lui-aussi à Alger et membre du groupe Ciam-Alger. A partir de cette réalisation, Roland Simounet construit régulièrement, en Algérie et ailleurs. Le projet qui symbolise la charnière entre son travail en Algérie et son travail en France, est celui de la résidence universitaire de Tananarive, à Madagascar. Il explore alors un langage très personnel que l’on retrouve ensuite. En fait, quatre projets qui sont au fondement de sa pratique architecturale ont été élaborés en Algérie : Djenan el Hassan, l’église Sainte-Marie de Tefeshoun, la nouvelle agglomération de Timgad, dans les Aurès, et le Centre Albert-Camus à Orléansville, qu’il élabore avec Louis Miquel.

Que reste-t-il de ses constructions aujourd’hui ?

Richard Klein : La cité Djenan el Hassan existe toujours. Une des tranches a été rasée. Les autres sont occupées et suroccupées… Simounet était d’ailleurs au courant de ce surinvestissement. Sinon, on ne peut pas dire qu’il ait véritablement influencé d’autres architectes. Il avait un style trop personnel pour faire école, que ce soit en Algérie ou en France.

Roland Simounet et la Méditerranée, Espace de l’Ordre des Architectes, Marseille, du 15 octobre au 31 décembre 2003.

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