La négresse blanche


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La vie de Sandra Laing est une allégorie sur l’absurdité des théories racistes. Née « noire » de parents « blancs » dans l’Afrique du Sud de l’Apartheid, Sandra va passer sa vie à la recherche de son identité, mal aidée dans sa tâche par une famille qui ne veut voir en elle qu’une Afrikaner. Après avoir donné lieu à un documentaire et à un livre, sa vie va bientôt faire l’objet d’un film.

Sandra Laing est née noire, en 1955, dans le village sud-africain de Piet Retief, de parents, grands-parents et arrières grands-parents blancs ! Nulle part ailleurs que dans l’Afrique du Sud de l’Apartheid, cette naissance miraculeuse – en réalité due au réveil de gènes  » dormants  » d’un ancêtre noir africain – ne pouvait mieux symboliser l’absurdité des théories racistes et illustrer la bêtise des hommes qui les développent et les appliquent. La vie de Sandra Laing a déjà occasionné un documentaire, dans les années 1970, interdit en Afrique du Sud lors de sa sortie, et une biographie. Le cinéma, qui ne pouvait ignorer longtemps la puissance allégorique de cette destinée, s’en est emparé, pour bientôt donner naissance à  » Skin « .

 » Apartheid « , en afrikaans, signifie  » séparation « . Séparation légale, de 1948 à 1992, à l’école, au travail, dans les lieux publics… des  » races  » blanche, noire, métisse, asiatique… selon un ordre social décidé par les Blancs et fait pour les Blancs. Parce que  » la différence de couleur n’est que la manifestation physique du contraste qui existe entre deux modes de vie inconciliables, entre la barbarie et la civilisation, entre le paganisme et le christianisme… « , justifie, en 1948, le chef du gouvernement sud-africain.

Légalement blanche

Plutôt que de remettre en cause cette idéologie, le père de Sandra, membre avec sa femme du Parti national (parti unique au pouvoir), va chercher par tous les moyens à faire de sa fille une Blanche. Une Blanche juridique. En effet, dans les premières années de sa vie, Sandra est traitée comme une Afrikaner. Mais dès l’approche de la puberté, sa peau devient de plus en plus foncée et les problèmes surgissent. Son malheur est d’autant plus grand qu’au contraire des autres enfants noirs, elle a le droit d’être scolarisée dans les mêmes écoles que les Blancs.  » Les enfants se moquaient de moi parce que j’étais noire. Je cherchais à cacher mon corps parce qu’il était différent du leur, se souvient Sandra. Le proviseur de l’école s’en prenait toujours à moi et me punissait. A maintes reprises, je me suis retrouvée enfermée dans une pièce sombre « .

A l’âge de 10 ans, l’écolière est expulsée  » sans raison  » de son établissement scolaire et raccompagnée à son domicile par deux policiers. Neufs autres écoles refusent son inscription. Et l’ostracisme dont est frappé la jeune fille ne tarde pas à atteindre la famille entière, ignorée à l’église et dans le voisinage. Maudite. Sandra se souvient de ce jour où le responsable du restaurant où elle se trouvait avec sa famille s’est présenté à leur table et a expliqué à son père qu’elle devait sortir, qu’elle ne pouvait pas manger là. Sandra est d’abord envoyée dans une école à 900 km de ses parents, mais son père finit par remporter son combat. En 1967 et en parti grâce lui, une modification juridique fait qu’un enfant né de parents blancs ne peut appartenir à un autre  » groupe racial « . Sandra Laing est légalement blanche. Les analyses sanguines l’attestent.

Enfant paria

Dès lors, M. Laing se sent beaucoup mieux. Mais pas sa fille qui décide à quinze ans de fuir le domicile parental avec un employé noir de ses parents qui deviendra son mari.  » Mon père était furieux parce que j’ai épousé un Noir. Il menaça de me tuer puis de se donner la mort si je remettais les pieds dans sa maison, se souvient Sandra « . Il interdit également au reste de la famille de revoir l’enfant paria. La jeune femme, officiellement blanche, a deux enfants avec son mari. Mais la loi interdit les couples mixtes. Pour conserver la garde de ses enfants, il aurait fallu que son père accepte son déclassement de Blanche à Métisse. Ce qu’il refusa.

Sandra Laing s’est aujourd’hui remariée et est mère de deux enfants. Son père est mort sans la revoir. Ses frères l’évitent. Mais elle a pu revoir sa mère, en maison de santé, peu de temps avant sa mort en 2000.  » La première fois, elle était très mal et ne se souvenait plus de rien. Mais la seconde, raconte Sandra, elle était mieux et les infirmières m’avaient dit que depuis qu’elle m’avait vue, elle allait beaucoup mieux ».

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