Collé aux Basques par Serge Betsen


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Serge Betsen est rugbyman avec passion, générosité et talent. A 28 ans, le 3ème ligne du XV de France est le pilier défensif des Bleus. Seul Africain du rugby français, le Camerounais a su se faire une place au soleil au Pays Basque, Sud-Ouest de la France, en intégrant il y a 12 ans le Biarritz Olympique.

L’arcade sourcilière gauche est barrée par une entaille profonde. Un peu plus bas, la pommette a été touchée. Deux fois. Deux cicatrices, auxquelles répond une légère balafre sur la joue droite. Le visage est marqué par les écorchures, mordu par le rugby comme l’est Serge Betsen depuis qu’il a 12 ans. Aujourd’hui 3ème ligne du XV de France, cet ancien prof de gym comptabilise quelque 200 points de suture sur un corps à la fois rond et noueux.

Débarqué en France à 9 neuf ans de son Yaoundé natal, le petit Camerounais ne connaît alors rien à ce sport  » un peu brutal « . Il intègre le club de Clichy, en région parisienne, pour suivre des copains et s’y sent vite à l’aise, séduit par l’esprit de famille qui y règne.  » Un esprit de générosité, d’équipe, de fratrie même.  » Des valeurs que Serge Betsen cultive au jour le jour.  » Il est adoré par ses copains car c’est un garçon généreux « , souligne Jo Maso, le manager des Bleus.  » La notoriété ne lui a pas fait oublier ses amis. A chaque match, il vient toujours me demander des places pour eux !  »

Aux sources du rugby

Sur le terrain, aussi, Serge fait preuve de générosité.  » Il est très proche des jeunes joueurs « , explique Guillaume Bousses, trois-quart centre du Biarritz Olympique depuis un et demi.  » Il parle beaucoup, communique sur les placements, nous encourage. Pour l’intégration dans l’équipe c’est vraiment un plus ! Sa force c’est d’être à l’écoute de tout le monde et de formuler des jugements toujours bien placés.  »

C’est à 15 ans, que le déclic se produit : éloigné du terrain par une fracture de l’arcade zygomatique, il regarde les autres jouer les larmes aux yeux. Il sera rugbyman ou ne sera pas. Pour suivre ce chemin, il part faire sa classe de première en sport-études à Bayonne.  » Aller au Pays Basque, c’était comme revenir aux origines du rugby. A Clichy on chantait beaucoup les chants basques sans en comprendre les paroles. Aller là-bas puis à Biarritz, c’est vivre et connaître ce qu’est vraiment le rugby « , explique Serge qui, pas peu fier, se pique de connaître un large répertoire de la musique basque.

Métamorphose

A 16 ans, il intègre le Biarritz Olympique (BO), dont il sera le capitaine de 1997 à 2000. Une expérience  » belle et difficile à la fois  » qui bouscule son caractère  » timide et introverti « . Car s’il est volubile dans l’action, Serge préfère rester sur la touche en public. En un éclair, on le revoit courir, puissant et rapide, ses 92 kg flottant, légers, au ras de la pelouse de Marcoussis, où il s’entraîne cette semaine en vue du match de samedi contre l’Angleterre, dans le cadre du Tournoi des six nations. Réservé au quotidien, Serge Betsen se métamorphose au contact d’un ballon ovale.

 » C’est le joueur le plus professionnel de l’équipe « , n’hésite pas à affirmer Jo Maso.  » Dans sa manière de se préparer, il ne se disperse pas, il est toujours dans une forme éclatante.  » Ça n’a pas toujours été le cas. Sélectionné pour la première fois en 1997 contre l’Italie, Serge a connu des débuts difficiles.  » Avant, il n’était pas organisé dans son jeu et dans son poste, il s’éparpillait beaucoup « , reconnaît Jo Maso. Après un match contre l’Angleterre en 2000 qui lui rapporte un carton jaune, il est de son propre aveu  » catalogué comme un tricheur. J’étais souvent pénalisé. Ma tendance à plaquer m’a porté préjudice « , explique-t-il.

Meilleur joueur de l’année

Serge trouve la parade : il consulte un sophrologue qui l’aide à gommer ses défauts,  » se canaliser, analyser, avoir du recul « . Un changement noté par le manager :  » Depuis trois ans, il a compris que ce jeu était son métier. C’est un bonheur de le faire travailler, il est toujours là où il faut ! « . Résultat : Serge est élu meilleur joueur de l’année 2002. Une distinction dont il parle avec gêne.  » Bien sûr, ça m’a fait plaisir sur le moment mais je ne suis pas trop pour les récompenses individuelles, ce qui se passe sur le terrain, c’est vraiment du collectif. Donc on essaie de dédier le titre à tous ses partenaires, en souvenir des moments de bonheur partagés.  »

Aujourd’hui, Serge est reconnu pour ce qu’il est : le fer de lance de la défense du XV du France, plaqueur infatigable et esthète.  » Il a la volonté de faire tomber ses adversaires, il a du ressort. Il existe seulement deux ou trois plaqueurs comme lui dans le monde. Grâce à ses qualités musculaires et de souplesse, il plaque, fait tomber et se relève pour jouer. C’est très rare « , explique Jo Maso.

L’accent du Sud-Ouest

Cet art du plaquage lui vient de son club formateur.  » A Clichy, j’ai surtout appris à faire le soleil : quand on plaque et qu’on retourne un joueur. Le plaquage, c’est l’un des devoirs de mon poste et ça correspond à ma personnalité, à mon envie de me donner à fond et de partager avec les autres les moments difficiles sur le terrain « , explique-t-il, les yeux brillants et avec un léger accent chantant du Sud-Ouest. Normal, depuis 12 ans qu’il a posé ses valises à Biarritz. Car Serge vit aujourd’hui plus à la basquaise qu’à la camerounaise, parfaitement intégré au sein de la région française qui l’a adopté comme l’un des siens.

Il est retourné il y a deux dans son pays natal, après son mariage, pour y présenter sa femme et sa belle-famille. 18 ans qu’il n’avait pas vu son père. Ce qui a resserré ses liens avec l’Afrique, c’est encore le ballon ovale…  » Au Cameroun, j’ai appris qu’il y avait une fédération de rugby et j’ai vu des enfants s’entraîner sur des terrains en dur. S’il y a moyen de faire quelque chose pour développer le sport là-bas, je le ferais volontiers.  » Son meilleur souvenir de Yaoundé reste encore le visionnage en famille d’un match… de rugby ! Même si Serge affirme  » qu’on oublie pas ses racines comme ça « , il semble bel et bien les avoir replanté dans la terre basque.

Visiter le site du Biarritz Olympique .

Les photos de Serge Betsen :

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