De nos jours, les îles Canaries font régulièrement la une de l’actualité. Parfois pour leurs plages paradisiaques, pour les incroyables incendies qui s’y multiplient, mais le plus souvent en raison de l’arrivée de migrants africains sur les côtes. Or, avant d’être un poste avancé de l’Europe, une terre espagnole, l’archipel était peuplé d’Africains.
En 1406, le navigateur normand Jean de Béthencourt, débarque sur ces îles proches du continent africain, jadis visitées par les Berbères, les Phéniciens, les Carthaginois, les Génois, les Portugais et de nombreux pirates européens. Là-bas, ils rencontrent des autochtones, grands à la peau claire, aux cheveux noirs mais aussi blonds ou roux, qui se désignent en tant que « Guanches », « hommes de Tenerife » dans leur langue, proche de l’amazigh. Ces indigènes proviennent ainsi vraisemblablement du métissage de Paléoberbères arrivés vers 3000 avant J-C et de quelques Berbères débarqués entre 500 et 200 avant J-C.
Les Normands conquièrent uniquement les îles de Lanzarote, El Hierro et Fuerteventura. Les Guanches, en retard sur l’armement européen, opposent tout de même une forte résistance. Après avoir reçu le titre de « roi des îles Canaries », Jean de Béthencourt lègue sa conquête à son neveu, qui offre finalement son royaume au roi de Castille en 1418. Soixante ans plus tard, après avoir évangélisé, déporté ou assimilé de force les populations sous leur contrôle, les Espagnols décident de soumettre tout l’archipel. En 1483, ils colonisent les Guanches de Grande Canarie, puis de La Palma, mais ceux de l’île de Ténérife, très peuplée, résistent toujours et infligent même une terrible défaite au célèbre conquistador Alonzo Fernandez de Lugo, en 1494 à La Mantanza. Cette victoire africaine sur les Européens, tombée dans les oubliettes de l’histoire, est pourtant sans doute l’une des plus importantes. Toutefois, déjà décimés par les épidémies importées par les envahisseurs, les indigènes se font écraser l’année d’après à La Victoria et pourchasser les années suivantes.
Exposés en Espagne, vendus comme esclaves, morts de maladies, assimilés, enfermés, il n’existe aujourd’hui presque plus rien des Guanches, hormis des vestiges et quelques gouttes de leur sang dans les veines de certains Canariens. Or, beaucoup revendiquent ces origines, particulièrement les indépendantistes:
Des modes de vie très particuliers
Les Guanches n’étaient pas véritablement un seul et même peuple, mais plutôt une multitude de clans dont la culture différait selon les îles. En revanche, ils portaient tous des vêtements en peau de chèvre ou en fibre textile et appréciaient les bijoux et la peinture corporelle. Ils vivaient manifestement dans des cavernes ou des cases semblables à celles que l’on peut voir aujourd’hui dans certains villages africains, en exploitant la terre, la forêt et les côtes poissonneuses, même s’ils n’étaient pas de grands marins.
Par ailleurs, ces autochtones étaient croyants, bien que polythéistes pour la plupart, ils professaient tout de même la croyance généralisée en un Dieu suprême nommé Achihuran à Ténérife, Eraoranhan à Hierro, Acoran à Grande Canarie, Abora à La Palma. Sur les autres îles, le Soleil, la Lune, la Terre, les montagnes et les étoiles faisaient office de divinités. En revanche, partout l’on croyait aux démons. Chose également remarquable, les Guanches embaumaient leurs morts les plus importants avec des peaux de chèvre ou un produit résineux. Des momies toujours conservées en Espagne.
L’esprit de conquête leur était en outre étranger, leur armement n’a donc pas réellement évolué durant des siècles : des haches, des lances, des massues, des pierres et des boucliers. Ce qui forcément, malgré leur courage, constituait un lourd handicap face aux armées européennes. En dépit de ce retard, les Guanches étaient en avance sur quelques points. En effet, certains clans connaissaient la démocratie et élisaient leurs chefs, même si l’autocratie était plus répandue. De surcroît, les femmes étaient respectées et protégées par la coutume. Détail encore plus étonnant : la monogamie et la polyandrie étaient les seules règles d’union. Autrement dit, selon les îles, la femme gardait son mari pour elle seule ou en choisissait plusieurs. La polygamie, admise sur une bonne partie du continent, n’était donc pas la loi sur les îles Canaries. De quoi déconcerter beaucoup d’hommes africains, et peut-être, subjuguer de nombreuses Africaines !
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