Fatima Alaoui, la pasionaria verte


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Fatima Alaoui
Fatima Alaoui

L’écologie politique a un nom : Fatima Alaoui. La présidente du parti des Verts marocains se bat pour une nouvelle façon de faire la politique. Longtemps esseulée, elle commence à fédérer autour d’elle les jeunes Marocains, sensibles au message sur l’environnement. Portrait.

Fatima Alaoui est fatiguée et en colère. Elle rentre tout juste du Congrès international des Verts qui a réuni à Canberra, en Australie, soixante-sept partis écologistes du monde entier. Une occasion pour la présidente marocaine du Parti National des Verts pour le développement de donner de la voix. Une de ses spécialités, qui ne lui vaut pas que des amis.

A Canberra, Fatima Alaoui est montée au créneau pour défendre le droit de son Parti à être dignement représenté au sein de l’organisation internationale des Verts. Elle dénonce la discrimination dont est victime le Maghreb au sein des Verts internationaux, et particulièrement de la part des Verts français. Une manière de couper le Continent en deux qui, selon elle, a empêché l’émergence et gêné la visibilité des partis écologistes en Afrique du Nord. « La France ne s’occupe que des pays qui se trouvent au-dessous du Sahara. Ces histoires d’amitié m’énervent », clame-t-elle.

Fatima ne mâche pas ses mots. Elle critique ouvertement les luttes d’influence et le copinage qui dénaturent le combat écologiste. A sa suite, le Bénin, le Cameroun, le Congo Démocratique, la Guinée Bissau et la Guinée Conakry ont sollicité un moratoire pour la désignation de représentants au réseau mondial et une meilleure représentativité de ces derniers.

25 ans de militantisme

« Ce n’est pas à la France de faire notre politique mais nous devons coopérer. Nous avons un espace à gérer en commun : la Méditerranée. Les Verts marocains s’attèlent à différents problèmes : celui de l’eau, du tourisme, de la transparence et de la lutte contre la corruption, de la parité homme/femme », plaide-t-elle.

Fatima Alaoui a 25 ans de militantisme derrière elle. « À 7 ans, j’ai reçu un éclat de plomb d’une bombe en pleine jambe gauche, devant l’école primaire à Marrakech. La politique m’a transpercé avec ce morceau de métal. Ma vie s’est dessinée à partir de ce jour pour faire de moi la femme que je suis », explique-t-elle. Première Marocaine à être journaliste diplômée dans son pays, elle est la seule représentante d’une Organisation non gouvernementale maghrébine pour la protection de l’environnement – le Forum maghrébin pour l’environnement – au sommet de Rio en 1992.

A son retour, elle devient l’unique femme marocaine à la tête d’un parti politique, le Parti National des Verts pour le développement, créé le 29 juin 1992. « Contrairement à d’autres partis écologistes africains, nous sommes nés dans la douleur. Etre une femme arabe, musulmane et écologiste, c’est très dur. » Et quand on lui demande pourquoi elle a glissé de l’action associative à l’action politique : « Tout est politique dans l’environnement. On ne peut pas dissocier les deux. Au sein de l’ONG, nous nous sommes rendus compte que nous faisions déjà de la politique. »

Femme de caractère

Au gré de ses combats – pour l’écologie mais aussi pour les droits des femmes au sein d’une association qu’elle a créée, le Comité des femmes marocaines pour le développement – Fatima s’est forgée une carapace. « C’est une femme de caractère. Je n’en ai pas rencontré beaucoup qui militent comme elle en Afrique : elle a une vraie dimension. Elle est déterminée et lorsqu’elle veut quelque chose, elle va jusqu’au bout », explique Ruffain Mpaka, des Verts français.

Comme le gouvernement marocain n’a pas de perspectives pour la gestion des ressources et aucune dimension écologique, les Verts marocains multiplient les actions sur le terrain. Pour les palmeraies, contre les sacs plastiques, contre les insuffisances alimentaires, pour l’habitat, pour une meilleure qualité de vie et une répartition plus juste des richesses. Avec un travail sur l’opinion « pour arriver à conscientiser les populations. L’écologie politique, pour nous, cela veut dire rendre le monde plus juste », explique Fatima.

Les Verts combattent pour leur existence à l’intérieur et à l’extérieur de leur pays. « La lutte pour la protection de l’environnement touche de très gros intérêts industriels. Dans notre ONG, nous avons eu des personnes interpellées et arrêtées. Quant aux autres partis du pays, ils tentent de nous marginaliser et nous coupent les vivres. Ils ont peur de notre parti et ont créé d’autres ONG pour nous contrecarrer sur le terrain. Le gouvernement ne nous aide pas. Nous n’avons même pas le droit de nous présenter aux élections », regrette Fatima Alaoui.

L’avenir des Verts marocains et de leur présidente ? « Nous demandons une participation aux prochaines élections. Notre combat est véritablement politique. » La prochaine Global Green – rencontre internationale des Verts – après Canberra, se fera en Afrique. Pourquoi pas au Maroc ?

Pour aller plus loin : lire notre dossier Les Verts poussent en Afrique

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