Congo : « Manifeste », une exposition signée Gastineau Massamba


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Manifestement, Gastineau Massamba, artiste peintre congolais n’arrête pas de surprendre l’opinion de son pays. Sa dernière exposition nommée « Manifeste » qui se tient du 11 avril et ce jusqu’au 27 mai prochain à l’Institut Français de Brazzaville en dit long sur l’artiste. Rencontre avec une étoile qui a décidé de briser le silence sur les injustices, les vanités de ce monde, les rapports France – Afrique, les enfants soldats… Bref une rupture (par rapport à ses œuvres antérieures conçues à des périodes précises : bleue, blanche, terre de Sienne…) que l’artiste assume.

(De notre correspondante)

« Je ne veux pas avoir un silence coupable », explique Gastineau qui ne veut plus se taire face aux différentes injustices que l’humanité vit au quotidien. Une décision qui se fait sentir au travers de ses œuvres dans la mesure où la candeur de ses premiers jets a fait face à plus de cruauté. Un véritable cri du coeur de l’artiste qui veut étaler toute sa rage sur ses toiles majoritairement colorées de noir et de blanc. Une démarche nouvelle qui s’inscrit dans une rupture évidente car après plusieurs expositions marquées par des périodes : bleue, blanche, terre et Sienne, mystique et concret, abstrait et figuratif, personnalité attachante, les papesses, la sape, l’holocauste… Aujourd’hui, l’artiste brode ses toiles avec d’infinis détails qui au premier coup d’œil paraissent anodins. Cependant au delà de ces contours et symboles, le peintre livre un message dont le pouvoir et la puissance sont le reflet de ce siècle.

Après un long moment de silence, en juin 2010, l’artiste revient dans les arènes de la peinture avec une exposition nommée « 73.33 » à l’Institut Français du Congo, aussi appelé Centre Culturel Français. À partir de ce moment, on perçoit déjà des bribes d’une révolution mais sournoisement dissimulée par la subtilité de sa nouvelle griffe. Gastineau ajoute aux couleurs, des personnages fantaisistes, les chiffes et symboles cabalistiques.

On aime ou pas, l’artiste qui fête ses trente-trois ans lors de cette exposition, vit au jour le jour comme s’il était pressé par le temps, comme si la mort le guettait à chaque instant. De cette expérience naîtra plusieurs œuvres, démasquant de plus en plus l’artiste, l’homme.
De fil en aiguille, Gastineau « veut se débarrasser des démons enfouis en lui, il veut se dévoiler au monde et ne plus s’enfermer dans les couleurs ». Un changement qui ne se fait pas sans douleur, mais que Gastineau accueille avec beaucoup de sérénité puisqu’il trouve enfin une issue dans la pratique de son travail.

Ainsi est née « Rupture », collection d’œuvres qui a fait l’objet d’une exposition le 5 avril à Basango Point Culturel (Pointe Noire). « Rupture » est un choix de l’artiste, il y expose ses déchirures, ses schismes, ses blessures, mais aussi ses espoirs dus à son audace pour ne pas succomber au découragement.

« Rupture » est donc une évidence car l’artiste ne veut plus se dérober, il veut participer aux changements au travers de ses œuvres. C’est ainsi qu’il déclarait lors de la conférence de presse à l’institut Français « peindre est comme une thérapie pour moi, ce qui fais que je m’engage corps et âme dans tout ce que je fais ».

Le peintre n’hésite plus à aborder des thèmes tels les droits à la sexualité, la violence, l’injustice politique, les vanités humaines, la protection de l’environnement, les enfants soldats… Nantis d’une énergie positive, ce jeune homme passe le plus clair de son temps à travailler à la recherche d’une œuvre unique autour d’une démarche de recherche continue et un regard authentique d’aborder son ouvrage. Une manière nouvelle et originale de se concilier avec son moi intérieur et le monde.

C’est ainsi que dans « Manifeste », sa toute dernière exposition, l’artiste trouve enfin sa voie, il a réussi une technique innovante. « Je me positionne dans une logique de laboratoire en interrogeant les matières surtout non polluantes comme le fil en coton utilisé sur une toile en papier journal. Je couds, brûle, incise le support en cherchant à donner du relief et du volume », explique Gastineau.

Agacé par la carence de pinceaux et de peinture sur place, le jeune homme est contraint de se plier à la réalité, c’est ainsi qu’il commence à s’interroger sur la pratique de son travail et sur lui-même. Il brode ses toiles à partir d’une aiguille et d’un fil noir sur un linceul blanc. « Je cherche surtout à transformer la démarche de la création académique avec leurs mediums (peintures à huile, acrylique, etc) qui sont des produits toxiques pour l’environnement. L’utilisation de papier recyclé ou des journaux me permet de participer à un comportement écologique responsable avec l’environnement », déclare le peintre qui se réclame citoyen actif de la protection de la nature.

« J’écris des textes à l’envers, en plusieurs langues parfois, je donne un caractère numérique en intégrant des chiffres sur mon support. Je souhaite également laisser le spectateur découvrir seul certains éléments de mes toiles en laissant quelques fenêtres recouvertes derrières lesquelles on découvre différentes formes de figurines », a fait savoir l’artiste qui nous invite subséquemment à entrer dans son univers tout en nous exhortant à méditer sur notre existence.

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