La question du Sahara vue par les USA à travers Wikileaks


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Dunes du Sahara
Dunes du Sahara

Le Sahara occidental. Une épine dans le pied du royaume Chérifien, au coeur des tensions entre le Maroc et son voisin algérien. Un sujet hautement sensible que l’ambassade des Etats-Unis au Maroc n’aura pas manqué d’observer et de commenter, à travers des câbles confidentiels bien sur, révélés par Wikileaks.

« L’Algérie et le Front Polisario communiquent mieux que le gouvernement marocain ». Cet aveu est celui de Taïeb Fassi Fihri, ministre des Affaires étrangères marocaines quant il lâcha ces propos à l’ambassadeur des Etats-Unis au Maroc. Des échanges révélés par Wikileaks. Selon les câbles publiés par le site de révélation des mémos de la diplomatie américaine, traduits et cités par Jeune Afrique, la question du Sahara serait devenue, depuis les accords de libre-échange entre le Maroc et les USA, le sujet dominant les échanges entre l’ambassade américaine au Maroc et Rabat.

Des échanges réguliers depuis 2005, avec celui qu’ils apprécient « pour sa franchise », et qui tournent essentiellement autour de la personne du roi et de la question du Sahara. C’est ainsi qu’en mars 2006, Taïeb Fassi Fihri se lâche à nouveau?: « J’ai entendu que vous vous plaignez de difficultés à faire passer des messages au patron (The Boss) ». L’ambassadeur, dérouté, lui répond que les messages du président ou de la secrétaire d’État sont toujours acheminés par un canal sûr et effectif.

En 2009, le Maroc n’hésite pas à mettre en garde les USA, de manière très explicite, sur leurs intérêts au Maroc : « Les États-Unis seraient mal avisés d’abandonner leurs vrais amis au profit du pétrole (faisant allusion à l’Algérie) ». Dans un autre câble, on apprend, selon des propos attribués au ministre marocain de l’Intérieur, Chakib Benmoussa, répondant à une question de l’ambassadeur américain, que déployer le drapeau de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) est un crime. « Les autorités ne resteront pas les bras croisés quand des drapeaux de la RASD seront déployés, ou quand les drapeaux marocains seront brûlés, ce qui confirme que les deux sont considérés par le Maroc comme un crime ».

« La dispute entre l’Algérie, le Maroc et le Sahara occidental relève de la situation de l’œuf et de la poule »

Les échanges avec les Algériens aussi sont révélés. Ainsi un mémo de 2008 rend compte de la rencontre entre un diplomate américain, le président algérien Bouteflika et son Premier ministre Belkhadem. Bouteflika explique alors que si le conflit au Sahara dure, c’est en raison de la « maladresse » des Marocains. Et de dénoncer « le manque d’élégance » de la position marocaine, qui défend alors une proposition unilatéral d’autonomie. « Ils veulent un Anschluss comme Saddam avec le Koweït ».

La position algérienne, elle, est exprimée ainsi : pour Bouteflika et son Premier ministre, il s’agit avant tout de trouver une solution qui permettre à l’Algérie de « sauver l’honneur ». Et d’ajouter qu’il envisagerait que les Sahraouis choisissent de rester une région du Maroc si cela se faisait de la même manière que « Puerto Rico a choisi de rester au sein des États-Unis », une comparaison habilement choisie. Enfin, pour Bouteflika, le Maroc doit offrir quelque chose en contre-partie au Polisario, « vous ne pouvez pas demander des concessions à des gens qui n’ont rien dans leurs poches ». (…).

En résumé, peut-on lire dans un câble du 17 août 2009, dans lequel le chargé d’affaires Robert P. Jackson analyse « les réalités du Sahara occidental », « La dispute entre l’Algérie, le Maroc et le Sahara occidental relève de la situation de l’œuf et de la poule. L’Algérie a indiqué que ses relations avec le Maroc ne pouvaient pas s’améliorer tant qu’il n’y aurait pas d’autonomie au Sahara occidental. Le Maroc, qui suit de près les liens étroits entre les dirigeants du Polisario et leurs hôtes algériens, reste convaincu qu’il n’y aura pas d’accord si les relations avec les Algériens ne s’améliorent pas ».

Wikileaks n’en est pas à ses premières révélations sur la diplomatie africaine. Des inquiétudes de la montée de la corruption au Sénégal et en Tunisie aux confidences de Laurent Gbabgo sur l’ancien Premier ministre français Dominique de Villepin, en passant par les appétits US sur les anciennes colonies françaises, les derniers câbles de WikiLeaks sur le continent africain sont riches en révélations.

De quoi désappointer les pouvoirs en place. A l’image de l’Algérie en décembre 2010, alors que les câbles de WikiLeaks révélaient les observations des ambassadeurs US à Alger sur le manque de vision économique du pays, sur son gouvernement, sa situation politique et même sur ses rapports avec ses voisins ou sur la corruption généralisée dans le secteur pétrolier algérien. Cette fois, c’est le Maroc qui a été servi. Pas forcément à son goût.

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