Algérie : pétrole, dollars, corruption


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Des câbles diplomatiques américains révélés par Wikileaks évoquent la généralisation de la corruption dans le secteur pétrolier algérien. Ils s’interrogent également sur le statut de Saïd le frère du président Abdelaziz Bouteflika qui pourrait prétendre à sa succession ainsi que sur l’attrait du président pour l’islam mystique.

Une petite mise à nue du système Bouteflika. Ainsi pourrait-on qualifier les dernières révélations de Wikileaks au sujet du marigot politique algérien. L’on voit ainsi le président Abdelaziz Bouteflika, par aveu de ses connaissances limitées en matière d’hydrocarbures, confié la gestion de sa politique pétrolière à un homme de confiance, lequel instaure un système tentaculaire de corruption dans le domaine. La diplomatie américaine s’intéresse aussi à l’influence grandissante de Saïd Bouteflika, le jeune frère du président, au sommet du pouvoir. Elle tente également de dresser le profil religieux du président très attiré par le mysticisme, dont la foi alterne entre sunnisme et soufisme, deux branches de l’islam.

Un des câbles les plus intéressants est attribué à David Pearce, ancien ambassadeur américain à Alger. Il est relatif au système de corruption qui se met en place à la Sonatrach, la plus grosse entreprise algérienne, dont les capitaux sont publics, chargée de l’exploitation pétrolière. Incompétent en matière d’hydrocarbures, le président Abdelaziz Bouteflika se voit obligé d’abandonner sa politique énergique à Chakid Khelil, alors ministre de l’Energie. Celui-ci va tenter de libéraliser le secteur des hydrocarbures mais échoue face aux dinosaures du secteur qui ne veulent pas que la manne leur échappe. Désillusionné et frustré, le ministre finit lui-même par retourner sa veste et s’installe à la tête du réseau de prévarication qui gangrène l’industrie pétrolière. Selon les câbles révélés par Wikileaks, il va peu à peu, à partir de 2006, mettre à l’écart les experts compétents pour les remplacer par des hommes qui lui sont dévoués.

Corruption

Résultat, un accroissement de la corruption dans le mastodonte Sonatrach, première entreprise d’Afrique, qui, avec un chiffre d’affaires estimé à 42,8 milliards de dollars pour cette année 2006 produit à elle seule 30% du PNB algérien et emploie plusieurs milliers de personnes. Cette corruption généralisée mouille même les entreprises internationales, notamment italiennes. Ce sont surtout les sociétés de services et non les entreprises pétrolières elles-mêmes qui sont les plus impliquées dans la magouille. Pour ce faire, elles gonflent à volonté leurs factures et rémunèrent en rétro-commissions les membres de la Sonatrach. Évincé du gouvernement le 28 mai 2010, Chakid Khelil n’est pas le moins du monde inquiété, selon le quotidien El Watan qui le surnomme « Le bien protégé ».

Un autre câble révèle l’intérêt croissant du Département d’Etat américain pour Saïd Bouteflika, le jeune frère du président algérien. Les diplomates américains en poste en Algérie, Tunisie, France et Maroc notamment, ont été chargés d’enquêter sur lui. Une note du 8 décembre 2008 établit à leur intention un questionnaire en 8 points pour cerner l’homme : son rôle dans l’appareil d’Etat, ses ambitions, son statut d’éventuel successeur de Bouteflika. Professeur d’informatique à l’université de Bab-Ezzouar avant l’élection de 1999 qui offre au président algérien son troisième mandat, Saïd Bouteflika, la cinquantaine, qui a milité dans le syndicat des enseignants et a fréquenté les milieux d’extrême gauche, est officiellement conseiller à la présidence. Cependant, ses fonctions ne sont pas clairement connues du public et certains soupçonnent Abdelaziz Bouteflika de le préparer pour une passation du pouvoir au sein de la famille.

« Bouteflika est sunnite le jour et soufi la nuit »

Au sujet du même Abdelaziz Bouteflika, un autre télégramme de 2007 évoque son attrait pour le mysticisme. La diplomatie américaine se passionne pour le profil religieux du président et ses penchants mystiques. C’est par calcul politique sans doute que celui-ci serait devenu adepte de la Zaouia Tidjania dont l’origine algérienne ou marocaine fait polémique et dont les connexions s’étendent jusqu’au Sénégal. La confrérie d’inspiration soufie lui a en tout cas toujours réaffirmé son soutien. « Bouteflika est sunnite le jour et soufi la nuit », analyse l’auteur du télégramme.

Un dernier câble intéressant revient sur les conditions de la réélection d’Abdelaziz Bouteflika en 2009. Il y est fait état du taux de participation très bas, entre 25 et 30% des votants. La télévision algérienne ne voit pas les choses de cet œil. Elle filme les centaines d’électeurs faisant la queue devant les bureaux de vote. Pour la diplomatie américaine, il s’agit en réalité d’une mise en scène utilisant des images d’archives. Elle en veut pour preuve l’habillement des électeurs présumés rappelant une saison de froid alors que le climat est tempéré au moment du vote.

De la libéralisation annoncée du secteur audiovisuel en Algérie émergeront sans doute des télés privées qui permettront de faire la différence, lors des prochaines échéances électorales.

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