Sénégal : polémique autour des cartes d’électeurs


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À l’approche de la clôture des inscriptions sur les listes électorales, pouvoir et opposition s’écharpent avec en ligne de mire le vote des jeunes lors de l’élection présidentielle de l’année prochaine.

De notre correspondant

« Tous ceux qui veulent des cartes d’électeur ou d’identité peuvent les obtenir. » Ousmane Ngom, le ministre de l’Intérieur, est formel. En visite mercredi à la Direction de l’automatisation du fichier (DAF), le ministre a souhaité couper court à la polémique naissante autour des cartes d’électeurs. À l’approche des élections présidentielles, dont le premier tour est prévu le 26 février 2012, le climat politique se détériore dans le pays. Depuis plusieurs jours, l’opposition crie à la « rétention » des pièces d’identité et multiplie les pressions sur le régime libéral pour que les Sénégalais en âge de voter reçoivent dans les temps le précieux sésame.

Robert Sagna, ancien baron socialiste désormais à la tête du Rassemblement des socialistes démocratiques (RSD), soupçonne Abdoulaye Wade de vouloir organiser un « hold-up électoral ». « Des milliers de pièces d’identité sont bloquées au ministère de l’Intérieur pour empêcher plus d’un million de jeunes Sénégalais de s’inscrire sur les listes électorales, explique-t-il. C’est pour remporter frauduleusement l’élection présidentielle de 2012. » D’autres, comme le professeur Abdoulaye Bathily, craignent que ce « blocage » ne serve de prétexte au pouvoir en place pour reporter les élections. « Nous sommes contre tout report des élections, prévient le patron de la Ligue démocratique (LD). Les élections doivent se tenir selon le calendrier républicain. Il faut que les jeunes puissent s’inscrire. Et pour s’inscrire, il faut qu’ils disposent de cartes d’identité nationale. Nous voulons des élections transparentes et apaisées. On peut voler des élections et le lendemain être renversé. J’invite le pouvoir à tirer les leçons de ce qui se passe ailleurs. » Dans un communiqué, la coalition Bennoo Siggil Senegaal dénonce la léthargie dans la distribution des pièces d’identité et prend à témoin l’opinion nationale et internationale du retard accusé dans la livraison des cartes.

Le Sénégal refuse une aide américaine de 3 milliards

« Faux », rétorque le ministre de l’Intérieur qui réfute tout blocage ou dysfonctionnement dans la délivrance des cartes. « Nous avons une demande de cartes nationales d’identité assez forte, indique-t-il. Nos équipements sont d’une capacité très importante qui est très loin au-delà de la demande. Une des machines peut produire à elle seule environ 30.000 cartes par jour, alors que nous en avons deux. » Pour lui, le problème se situe au contraire au niveau des retraits. « Il y a environ 80.000 cartes nationales d’identité qui sont en souffrance dans les commissariats de police, les préfectures et sous-préfectures, elles ne sont pas retirées par leurs titulaires », affirme Ousmane Ngom.

Une partie de l’opinion reproche également à l’Etat d’avoir refusé le soutien de l’Usaid, l’Agence américaine pour le développement international, qui proposait d’offrir 3 milliards de francs CFA (environ 4,5 millions d’euros) pour aider au bon déroulement du processus électoral. « Pourquoi ceux qui nous offraient ces 3 milliards ne l’ont-ils pas fait au moment où nous faisions la refonte totale du processus électoral ?, lance le ministre. Personne n’a proposé d’appuyer le Sénégal dans son effort important de refonte du processus électoral qui lui a coûté 30 milliards. Aujourd’hui que nous avons tout fait, on vient nous dire qu’on nous offre 3 milliards pour nous mettre après des œillères. Le Sénégal est indépendant et souverain, et peut conduire tout seul son processus électoral. »

« Nous ne pouvons obliger personne à s’inscrire ou à voter »

Au Sénégal, les jeunes de moins de 25 ans représentent plus de 60% de la population et, à un an des élections, les jeunes en âge de voter cristallisent l’attention des partis politiques. Alors que l’opposition tente de mobiliser la jeunesse pour battre Abdoulaye Wade, le camp du sortant ne pousse pas vraiment la population à s’inscrire. « Nous ne pouvons obliger personne à s’inscrire ou à voter », résume ainsi Ousmane Ngom. Pour protester contre « une certaine lenteur » dans la délivrance des cartes, les jeunes de l’opposition entendent manifester le vendredi 29 avril devant le ministère de l’Intérieur. « Nous constatons que les jeunes n’arrivent pas à accéder à leurs pièces d’identité, note Mame Fanta Diallo, coordinatrice des jeunes de Bennoo Siggil Senegaal. Il faut que l’Etat accélère et facilite les procédures. »

De son côté, le mouvement Y en a marre déplore l’absence d’une campagne d’information et de sensibilisation destinée aux jeunes en âge de voter. À travers une caravane qui sillonne les principales villes du pays, les membres du mouvement incitent les jeunes à s’inscrire massivement. L’inscription sur les listes électorales est ouverte jusqu’au 30 juin pour les Sénégalais résidents au pays et jusqu’au 31 juillet pour ceux qui vivent à l’étranger. Le temps presse.

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