Veillée d’armes en Côte d’Ivoire ?


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Après les heurts qui ont éclaté en milieu de semaine à Abidjan, le chemin vers le conflit armé semble selon Alassane Ouattara bien tracé. Le président désigné par la Commission électorale indépendante, affirme gagner de plus en plus de soutiens au sein de l’armée et précise le calendrier d’une possible intervention militaire africaine. Une intervention à laquelle il s’est de nouveau déclaré favorable vendredi. L’Onu visée par une nouvelle attaque jeudi a annoncé la découverte d’un troisième charnier. Raila Odinga, le médiateur de l’Union africaine (UA) pour la Côte d’Ivoire sera à Abidjan dimanche.

Alassane Ouattara s’impatiente. « Je crois vraiment qu’il faut utiliser la force pour faire partir Laurent Gbagbo. Je pense qu’il est temps », a-t-il déclaré vendredi après-midi lors d’une vidéo conférence avec le Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS). Jeudi déjà, il a évoqué dans un entretien accordé au journal français l’Express, l’éventualité d’une intervention militaire de la Cedeao et précisé les prémices d’un calendrier. « Le 18, mardi prochain, les chefs d’état-major de la Cedeao se retrouvent à Bamako. L’étape suivante, ce sera leur venue à Bouaké [fief de l’ex-rébellion], pour les repérages de terrain », annonce-t-il. Alors que la Cedeao et l’Union africaine ont pour l’instant mis entre parenthèse cette option et que plusieurs pays, dont le Ghana et l’Angola se sont ouvertement opposés à cette idée, il reste persuadé que l’option militaire reste d’actualité. « Pour une intervention de cette nature, seuls comptent quelques pays clés », a-t-il indiqué. Son premier ministre, Guillaume Soro a dans le même temps estimé qu’ « une opération rapide et bien ciblée arrêtera les tueries et mettra fin au chaos ».

Alassane Ouattara en est persuadé, son adversaire Laurent Gbagbo s’affaiblit. Dans cet entretien, le candidat déclaré vainqueur par la Commission électorale indépendante affirme que les évènements des derniers jours, les attaques contre l’ONU ainsi que les heurts à Abobo, « témoignent clairement d’un affaiblissement » du président sortant. Alassane Ouattara s’est aussi dit confiant quant à l’issue de la lutte d’influence qui l’oppose au sein de l’armée ivoirienne à Laurent Gbagbo. « Dès la semaine prochaine, je serai en mesure d’annoncer les ralliements de plusieurs officiers généraux, officiers supérieurs et simples officiers », a-t-il annoncé

La veillée d’armes se précise donc dans les deux camps. Selon le bimensuel La Lettre du Continent (LC) daté de ce jeudi, Laurent Gbagbo solliciterait l’Angola, son principal allié sur le contient africain, pour se renforcer militairement. Selon les informations du journal en ligne, « un cargo dénommé Kuango et affrété par une société publique angolaise serait par ailleurs en partance de Luanda pour le Port Autonome d’Abidjan (PAA), avec à son bord du matériel de guerre et des pièces d’artillerie.

Les pressions économiques se poursuivent

S’il ce dit favorable à l’usage de la force, Alassane Ouattara, qui détient la signature de la Côte d’Ivoire auprès de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (Bceao), mais pas encore le chéquier ni la combinaison du coffre, s’efforce d’étendre son emprise économique. « Dans une semaine, on aura bien verrouillé le pétrole, le cacao, le café, mais aussi les impôts et taxes », a-t-il indiqué. Selon lui, « le clan Gbagbo a vidé les caisses de toutes les sociétés étatiques » afin de payer « les salaires du mois de décembre ». « La Petroci [pétrole] ou la Sir [raffinage] n’ont plus un sou vaillant », a-t-il affirmé.

Dans le même temps, les pressions économiques internationales s’accentuent. L’Union européenne (UE) a décidé vendredi le gel des avoirs en Europe de Laurent Gbagbo et de 84 proches de son clan, ainsi que de « 11 entités » économiques notamment dans le secteur portuaire et des médias. Ces 85 personnes sont en même temps interdites de visa dans toute l’UE, selon des diplomates. Ces sanctions s’ajoutent à la première liste de personnes frappées d’interdiction de visa dans l’Union européenne, sur laquelle figuraient déjà 59 personnes dont le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo et son épouse, adoptée fin décembre.

Le bilan des violences revu à la hausse

A Abidjan, et alors que le médiateur de l’Union africaine (UA) pour la crise ivoirienne, le Premier ministre kényan Raila Odinga, est attendu ce dimanche, le calme est quelque peu revenu. Mais après les derniers incidents qui ont eu lieu en milieu de semaine, un palier de plus vers la lutte armée semble avoir été dépassé. C’est à l’arme lourde que se sont affrontés les partisans d’Alassane Ouattara et les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) fidèlent à Laurent Gbagbo. Les FDS qui ont menacé les forces de l’Onu qui tentaient d’accéder à Abobo. Les Nations Unies qui ont été de nouveau prises pour cible jeudi par «les forces régulières et irrégulières fidèles à Laurent Gbagbo». Son Secrétaire général, Ban Ki-moon, a exprimé jeudi sa « profonde inquiétude » après ces nouvelles attaques.

Des violences post-électorales qui, selon l’Onu, ont fait 247 morts et 49 disparus. Un bilan qui pourrait s’alourdir de manière significative. Navi Pillay, Haut commissaire aux droits de l’homme de l’Onu, a déclaré jeudi qu’un troisième charnier avait été découvert. Selon elle, les Nations unies s’étaient vu refuser l’accès aux trois sites, dont un qui contiendrait 80 corps. Le troisième charnier se trouverait à Issia, près de Daloa, mais l’Onu n’a pu vérifier son existence, a déclaré Rupert Colville, porte-parole de Pillay.

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