« La presse ivoirienne est une presse professionnelle »


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En cette période de scrutin présidentiel, la presse ivoirienne est aux avant-postes. Active, très consultée mais aussi critiquée, elle a trouvé un défenseur dévoué en la personne de Mam Camara, le président de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI).

De notre correspondante

L’UNJCI, née aux premières heures du multipartisme à l’initiative de journalistes ivoiriens, est mère de toutes les unions sectorielles de la presse nationale. Elle se positionne aujourd’hui comme un pièce essentielle du puzzle composant le paysage médiatique ivoirien. Mam Camara, son nouveau responsable depuis le mois de février passé, après le décès de son prédécesseur Criwa Zely Paulin, est tombé à pic dans un univers aux allures de western. Un environnement dans lequel la presse « attaque » et est attaquée à son tour. De par ses prises de position, le président Mam Camara, est devenu un défenseur de la presse ivoirienne en général et du journaliste ivoirien ou résident en particulier. Dans cette interview qu’il nous a accordée il commente l’actualité de la presse ivoirienne. Toujours jugée mais jamais inculpée…

Afrik.com : Vous entreprenez en ce moment une tournée auprès de l’ensemble des rédactions, toutes tendances confondues, en vue d’une couverture plus objective et responsable de la présidentielle. Quel bilan faites-vous de cette tournée ? Avez-vous l’impression d’avoir été compris ?

Mam Camara :
Oui, nous avons le sentiment d’avoir été compris et bien compris, du moins pour ce qui concerne le 1er tour de l’élection en Côte d’Ivoire. Et justement en terme de bilan, nous pouvons le dire, il est positif. Nous avons adressé un courrier de félicitation à l’ensemble des confrères pour cette prise de responsabilité dans le traitement de l’élection. La communauté nationale et internationale l’a reconnu d’ailleurs. Cette tournée a donc porté ses fruits. Elle consistait à faire le tour des rédactions, à faire des campagnes de sensibilisation dans la presse écrite, à la radio et à la télé. Nous abordons en ce moment même la troisième phase de notre action qui consiste a faire des conférences de presse toujours dans le sens de sensibiliser… L’UNJCI espère qu’au sortir du second tour le constat sur le travail que la presse a abattu et continue de faire sera le même qu’au 1er.

Afrik.com : Que dites-vous des révélations faites par certains confrères sur des conflits interethniques qui auraient pointé le bout du nez après la proclamation des résultats de la présidentielle du 31 octobre dernier? Sont-elles de nature à informer dans un pays fragilisé par plusieurs années d’un conflit attisé par des articles publiés dans la presse ?

Mam Camara :
Je commence par dire que les journalistes ivoiriens sont des professionnels. Ceci dit, tout professionnel doit respecter les règles de sa profession. Le rôle donc d’un journaliste n’est pas d’inventer les informations mais de les relater en toute responsabilité.

Afrik.com : Etes-vous en train de dire que le journaliste ivoirien invente les informations ?

Mam Camara :
Pas du tout. Je veux juste attirer l’attention des uns et des autres sur le rôle du journaliste, qui est d’informer après avoir évidemment recoupé les informations en sa possession. Cependant la période étant sensible, il n’est pas convenable de relayer tous les propos au risque de déchirer le tissus social. Notre rôle est d’alerter les pouvoirs politiques et administratifs afin de les corriger. Il n’est pas de détruire la cohésion sociale. S’il y a quelques manquements, nous les dénonçons et veillons à ce que cela n’arrive plus.

Afrik.com : Vous êtes devenu l’avocat de la presse ivoirienne. A vous entendre, on a vraiment l’impression que pour vous tout est bien dans le meilleur des mondes… A ce sujet quelle approche utilisez-vous pour dépassionner le débat politique dans la presse partisane ?

Mam Camara :
Il ne s’agit pas de dire que tout est parfait. Il faut garder la tête froide et ne pas se précipiter dans des jugements de valeur quand on est face à une situation. Surtout éviter de tomber dans l’émotion. Les journalistes font leur travail. Nous pensons qu’il n’existe pas de presse partisane en Côte d’Ivoire. La différence des opinions caractérise la presse ivoirienne mais, dans l’ensemble, cette presse est professionnelle. Quand c’est bien fait, et c’est le cas en général, on a l’impression que c’est normal et on ne les félicite pas. Mais quand les informations ne sont pas du goût des lecteurs, alors ce sont des critiques acerbes. Nous savons reconnaître nos erreurs parce que, les erreurs, tout le monde en fait. Cependant l’UNJCI ne peut pas cautionner l’irrespect, le manque de professionnalisme, les injures et le non respect des institutions et des personnes qui les incarnent.

Afrik.com : Vous faites appel à la responsabilité des hommes politiques quant aux informations qu’ils véhiculent dans la presse. Cependant l’Etat octroie un fonds d’aide et de soutien (1 milliard de CFA par an) à la presse pour son développement. A quoi sert-il en la réalité ce fonds ? Est-il suffisant pour rendre la presse ivoirienne plus indépendante ?

Mam Camara :
Oui, dans ce processus, chacun doit jouer sa partition. Nous veillons à ce que les journalistes jouent la leur, mais les hommes politiques doivent s’inscrire dans cette logique d’apaisement. Le Fonds sert à soutenir les entreprises de presse privée et les organisations professionnelles du secteur. Notre rôle est d’utilité publique. C’est pour cela qu’il est bon qu’on nous accompagne. Mais ce n’est qu’un appui et cela existe partout quand le secteur à un minimum d’organisation.

Afrik.com : Vous ne faites pas que défendre les journalistes dans des conflits. Vous les célébrez chaque année. Et en la matière vous préparez la 12ème édition bis de la soirée de distinction et de célébration du journaliste ivoirien, dénommée la Nuit de la communication ou encore soirée des Ebony. Comment la préparez-vous après un report dû aux élections ? Quelles sont les innovations ?

Mam Camara :
La Nuit de la communication est la soirée phare des journalistes. Elle est organisé par l’UNJCI chaque année et célèbre les meilleurs journalistes. Nous sommes prêts côté organisation, mais le conseil exécutif a trouvé sage d’attendre la fin de ce processus électoral qui occupe tout le monde et passionne à la fois toute la société. Avant la fin du mois de décembre, nous saurons qui est le meilleur journaliste ivoirien.

Afrik.com : Vous avez hérité de cette Union depuis quelques mois, et déjà à votre actif plusieurs activités ? Quel est votre bilan ? Et quelles sont les prochaines activités en vue pour favoriser le développement d’une presse indépendante, libre et mature en Côte d’Ivoire ?

Mam Camara :
Nous sommes au travail pour les journalistes ivoiriens qui nous ont fait confiance. Les choses se passent bien et nous avons le soutien de la corporation. Avec un peu d’imagination et notre équation personnelle, le conseil arrive à bosser pour le bonheur des journalistes. Le bilan se fera à la fin… Mais le combat est effectivement pour une presse libre, professionnelle et responsable. C’est ensemble qu’on y arrivera et je pense qu’on y arrivera. Nous avons les compétences, manquent juste les moyens!

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