Ramadan en Algérie : attention danger !


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Le ramadan n’adoucit pas les mœurs. D’après une étude publiée en août par les quotidiens El Watan et Le Matin et réalisée en 2007 dans 24 wilayas d’Algérie par l’institut Abassa, les accidents et les agressions seraient en progression durant le mois sacré. Un sondage qui n’a pas plu aux autorités du pays.

Le ramadan serait risqué. D’après un sondage auto-financé et réalisé en 2007 par l’Institut Abassa sur les comportements des Algériens, les agressions et les accidents seraient en nette progression pendant le mois sacré. Les personnes se montreraient plus agressives (82%), moins aimables (65%) et plus égoïstes (56%). Un changement d’humeur qui augmenterait les rixes, les voies de fait, les agressions de 320% ainsi que les vols de voitures, les escroqueries et le faux et usages de faux (+180%), selon le personnel des commissariats de police.

Trois questions à Mohamed Abassa :

Afrik.com : Comment avez-vous procédé pour la réalisation de ce sondage ?

Mohamed Abassa :
On a profité de la commande d’une étude pour le compte d’un ministère algérien pour effectuer ce sondage. Il a été réalisé pendant le mois de novembre (2007) dans 24 wilayas du pays auprès d’un échantillon représentatif et consolidé de 3004 individus âgés de 16 ans et plus. Il a été entièrement auto-financé et on a posé des questions de manière informelle. On a interrogé le personnel des services d’urgences des hôpitaux (13 points enquêtés), commissariat de police (6 points) brigades de gendarmerie (5 points) les chefs d’entreprises publiques et privés (16 points). Ces données ont été cachées et l’année d’après on les a saisies et étudiées. Au final, cette enquête faisait 2000 pages et comportait des tableaux et des graphiques.

Afrik.com : Pourquoi avez-vous décidé de l’envoyer aux quotidiens algériens ?

Mohamed Abassa :
Je ne souhaitais pas qu’il termine dans un tiroir comme tous les autres. Plusieurs ministères m’ont demandé de réaliser des enquêtes qu’ils n’ont, par la suite, jamais divulguées. Pour une fois, je voulais que la population connaisse les résultats de ce sondage sur le ramadan, même si ce n’est qu’un brouillon. Je me suis battu pour que l’on dise la vérité et je continuerai.

Afrik.com : Réalisez-vous toujours des sondages ?

Mohamed Abassa :
Non, mon institut a été saisi. Je n’ai plus d’ordinateurs, plus de logiciels, plus rien. Je ne peux plus retourner en Algérie (il s’est exilé en France). Tout cela à cause du livre que j’ai écrit et qui a été censuré. Il n’y a aucune liberté d’expression dans ce pays.

Au travail et à la maison, les Algériens ne seraient pas non plus épargnés. Les accidents domestiques augmenteraient de 250 % et les accidents professionnels de 150% par rapport aux moyennes annuelles, d’après les services d’urgences des hôpitaux. Même constat pour les accidents de circulation en augmentation de 42%. Autre point sensible abordé dans cette enquête, le respect du jeûne par les Algériens. Si certains disent faire ramadan tous les jours (48%), d’autres le font occasionnellement (36%) et 7% admettent ne pas faire volontairement le carême.

Sondage de 2007 : le seul rescapé

Publiés par les quotidiens algériens El Watan et Le Matin en août dernier, ces résultats auront mis trois ans à sortir de l’oubli. C’est en retrouvant une partie de ce sondage sur une vieille clé USB que Mohamed Abassa, le directeur de l’Institut du même nom, a eu l’idée de l’envoyer aux journaux pour qu’ils les diffusent. Et pour cause, ces informations sont les seuls vestiges d’une enquête réalisée en 2007 de manière informelle. Tout le reste a été saisi par les autorités algériennes. « Ils ont pris les 2000 pages de ce sondage. Seul le brouillon reste. On a pris mes ordinateurs, mes logiciels, mes outils de travail et les autres études que j’avais réalisées pour les ministères algériens », explique-t-il.

Le directeur de l’Institut a payé cher sa critique envers le pouvoir algérien. L’auteur du livre intitulé Poutakhine, sorti en 2009 et très vite censuré, revenait sur les innombrables sondages qu’il avait effectués pour le compte des ministères. Des résultats qui, la plupart du temps, n’ont jamais été publiés. « J’en avais marre que mon travail ne soit jamais montré, qu’on me donne de l’argent pour que je modifie les chiffres. J’ai donc décidé d’en parler », fulmine-t-il.

Même à l’état de brouillon, le sondage de 2007 met en exergue les conséquences négatives du ramadan. Des résultats que le gouvernement n’aurait jamais validés et encore moins publiés. Car en Algérie comme dans beaucoup d’autres pays, le mois sacré ne doit pas être égratigné, tant pour des raisons religieuses qu’économiques.

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