L’aide française à l’Afrique mise désormais sur «la croissance économique»


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L’Agence française de développement a consacré 2, 071 milliards en 2009 au financement du développement en Afrique sub-saharienne, soit 57% de son activité. Sa préoccupation majeure : générer de la croissance sur un continent dont l’avenir est incontestablement lié à celui de ses partenaires développés. Jean-Michel Severino, le directeur général sortant, en fait un chantier prioritaire dont la réalisation ne peut plus être laissée aux seuls capitaux publics. Le secteur privé doit être impliqué dans le financement du développement et c’est l’option prise depuis quelques années par l’AFD.

Plus de deux milliards ont été investis en 2009 en Afrique sub-saharienne par l’Agence française de développement (AFD), a annoncé ce jeudi Jean-Michel Severino, son directeur général sortant. En huit ans, les sommes allouées à l’Afrique ont été multipliées par quatre : elles sont passées de 501 millions d’euros, en 2001, à 2, 071 milliards l’année dernière. Cette performance tient en partie aux nouvelles options prises par l’agence au cours de cette période. Outre les Etats, l’AFD à financer les collectivités locales, les grandes entreprises d’infrastructures et le secteur privé au travers de Proparco, sa filiale dédiée à ce secteur. « Nous avons prêté (aux collectivités locales) en Afrique du Sud, à Dakar, à Ouagadougou. Ces opérations ont été les premières en matière de prêt municipal dans l’histoire de l’Afrique de l’Ouest », souligne Jean-Michel Severino. De même, l’AFD a aussi « significativement prêté » aux grandes entreprises d’infrastructures (eau, énergie et télécommunications) privées ou publiques, les dernières étant majoritaires. Par ailleurs, le secteur privé a fait l’objet d’importants investissements. En Afrique subsaharienne, « 450 millions d’euros ont été investis en 2009 contre 70 millions il y a quelques années », indique Luc Rigouzzo, directeur général de Proparco.

Le financement du développement en Afrique qui s’inscrit « dans le cadre du discours de Nicolas Sarkozy prononcé au Cap en février 2008 » a pour objectif une « croissance économique » qui préserve les équilibres sociaux et environnementaux, rappelle Jean-Michel Severino. Il y a 10 ans, les objectifs n’auraient pas été ainsi formulés, ils auraient été « plus sociaux », ajoute-t-il. « A titre personnel », le patron de l’AFD estime qu’il est « urgent d’avoir une croissance accélérée en Afrique centrée sur les marchés intérieurs », même si la « balkanisation politique » du continent rend délicate les questions d’intégration régionale. Si les investissements sociaux sont nécessaires – santé et éducation -, la priorité doit aller aux « infrastructures et au business ». Un effort « massif » doit être fait dans ce sens et les pays africains ne doivent pas être perturbés par les occidentaux dans les « arbitrages délicats », auxquels ils sont confrontés aujourd’hui, entre leurs budgets sociaux et ces investissements prioritaires. « Il ne faut pas lésiner sur les moyens », estime Jean-Michel.

Investir massivement dans la croissance économique

Ce qui n’empêche pas le responsable de l’AFD de prédire « la fin de l’aide publique au développement (APD) » pour deux raisons. La première relève du concept lui-même. Selon Jean-Michel Severino, l’APD n’est plus un « bon indicateur pour mesurer le financement du développement », d’autant qu’elle n’est pas seulement constituée d’aides, qu’elle n’est pas toujours publique et qu’elle se consacre également à l’environnement. L’AFD finance ainsi dans des proportions équivalentes le secteur productif (26,5%), les infrastructures et le développement urbain (25,5%), l’environnement et les ressources naturelles (24,1%), contre 5,9% pour les secteurs sociaux et 4,4% pour l’agriculture et la sécurité alimentaire. La seconde explication, avancée par le directeur de l’AFD pour étayer son argumentation, est structurelle. Les pays riches n’auront à l’avenir plus les moyens de financer le développement des plus pauvres, plus nombreux. En France, si l’aide publique représente « 0,46% du PIB en 2009 et devrait s’accroître en 2010 », elle est encore loin des promesses, désormais impossibles à tenir, faites ces dernières années par les plus riches. Le financement du développement doit par conséquent quitter « le terrain compassionnel », plaide Jean-Michel Severino, et répondre à des «intérêts convergents». Le message des pays développés sera alors « plus crédible et plus lisible » pour leurs partenaires du Sud. Mieux en tout cas que si les premiers continuent à parler d’une « grandeur d’âme » qui reste encore « à démontrer ».

Les sources de financement du développement sont ainsi condamnées à se diversifier, notamment grâce au secteur privé. L’AFD souhaite orienter les flux privés vers les relations Nord-Sud ». « C’est l’enjeu principal aujourd’hui », souligne Jean-Michel Severino. Pour y parvenir, il faut, entre autres, offrir des garanties aux acteurs privés. C’est dans cette optique que le fonds Ariz (Assurance pour le risque de financement de l’investissement privé en zone d’intervention de l’AFD) a été créé. Il est dédié à tous les opérateurs économiques qui souhaitent financer des entreprises du Sud. De même, deux nouveaux fonds (fonds d’investissement et de soutien aux entreprises et fonds d’investissement pour l’agriculture en Afrique) ont été inaugurés en avril 2009 pour aider les pays africains à surmonter la crise en soutenant les entreprises et le secteur agricole. Dans le vaste projet de l’AFD, les particuliers ont aussi un rôle à jouer. C’est le sens de la mise en place d’un fond commun de placement (OPCVM), annoncé le 16 septembre dernier, en partenariat avec la banque française Crédit agricole. « Amundi AFD Avenirs durables » a pour but affiché de collecter l’épargne des Français pour financer le développement. « Nous (les pays développés) sommes condamnés à une intervention active » quantitative et qualitative parce que la « croissance économique (ou non) de l’Afrique aura un impact sur nos sociétés », prévient Jean-Michel Severino. L’Afrique sub-saharienne constitue le portefeuille prioritaire de l’AFD, soit 57% de son activité, et un tiers des 6,2 milliards d’euros engagés par l’AFD en 2009.

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