Patrick Bebey, Afrique et jazz


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Tel père, tel fils. Patrick Bebey, musicien aux multiples talents, mélange les styles dans son album Oa Na Mba, qui sort ce lundi. Il y rend hommage à son père décédé, le célèbre musicien camerounais Francis Bebey. Flûte pygmée, sanza (piano à pouces), tambours, mélange d’instruments acoustiques et électriques, c’est tout simplement « Bebey ». Interview

Afro jazz et groovie. Pour sûr, Patrick Bebey manie à la perfection l’art de mélanger les styles. Chanteur, pianiste, compositeur, il met sa culture africaine au service d’un jazz coloré et plein de swing. Son album, Oa Na Mba, rend hommage au grand musicien Francis Bebey (1929 – 2001), son père. Patrick Bebey sera en concert au Zèbre de Belleville, à Paris, le 10 mars. Il a répondu à nos questions.

Afrik.com : Pouvez-vous parler de votre parcours ?

Patrick Bebey : J’ai commencé à apprendre la musique à l’âge de 5 ans, avec le piano classique, jusqu’à mon inscription au conservatoire de Paris. J’ai ensuite bifurqué vers la musique latine puis rapidement vers la musique africaine. J’avais dans l’idée d’utiliser ma base classique pour faire ma propre musique qui se rapprocherait de l’Afrique. Je pense qu’il est possible de retrouver les sonorités du continent dans le piano. Mais à la base, je voulais être cuisinier jusqu’au jour où je me suis dit que je préférais la musique (rires). J’ai donc longtemps joué dans le groupe de Papa Wemba avant de faire ma carrière solo.

Afrik.com : Comment décririez-vous votre style musical ?

Patrick Bebey : C’est très difficile à dire. Je dirais que c’est « AMAYA Jazz » (African Modern and Yet Authentic jazz), c’est-à-dire africain, moderne et jazz. Je compose aussi de la musique africaine avec des instruments occidentaux comme le piano. Ce mélange est tout à fait naturel pour moi. Peut être parce que j’ai baigné dans toutes ces musiques. J’écoutais de tout avec mes parents. Ensuite, j’ai principalement grandi en France dès l’âge de dix ans. J’y ai été entouré de musiciens aussi bien Brésiliens qu’Africains qui ont eu une grande influence sur moi.

Afrik.com : Vous chantez principalement en douala… Pourquoi ce choix ?

Patrick Bebey : De mon point de vue, c’est la langue que je manie le mieux et avec laquelle je parviens le plus à swinguer. Cette langue est pleine de poésie, avec beaucoup de double sens. Et puis, c’est ma langue maternelle! Je suis à un âge où j’assume mes origines. Ainsi, dans mes textes, je parle principalement de l’Afrique et surtout pourquoi elle ne s’en sort pas toute seule. Puis, je parle d’amour. C’est la base.

Afrik.com : Vous avez toujours œuvré à promouvoir la culture pygmée. Que représente-t-elle pour vous?

Patrick Bebey : Pour moi, c’est une culture qui possède une des musiques les plus belles qui soit. Les pygmées sont les plus grands musiciens africains. C’est pour cette raison que je joue la sanza, un petit piano à doigts. Quand mon père était enfant, un de ses professeurs l’avait mis à quatre pattes et lui avait dit que c’était de la musique de sauvage et qu‘il ne fallait pas jouer. Ça m’a forgé l’envie de rendre justice à cette musique qui a une richesse incroyable. Cela fait depuis près de 25 ans que je joue de la sanza. J’ai aussi une grande admiration pour ces hommes qui jouaient avec leurs flûtes en bambou. La flûte pygmée est un instrument que j’aime maintenant utiliser dans mes morceaux.

Afrik.com : Dans votre album Oa Na Mba, vous rendez hommage à Francis Bebey, votre père…

Patrick Bebey : C’est un album que j’avais commencé deux mois avant le décès de mon père, alors que rien ne l’annonçait. J’avais donc l’idée de lui rendre hommage de son vivant. J’ai fait des tournées avec lui et il m’a appris beaucoup de choses. Il était très content des premières prises… Après sa mort, je n’ai pas pu travailler sur ce projet pendant plusieurs années. Quand j’en ai eu à nouveau le courage, je l’ai terminé. J’ai mené à bien un projet qui me tenait à cœur et pour que mon père voit un travail abouti. En dernier, mon père me disait souvent : « il faut que tu assimiles telle ou telle chose car, quand je ne serai plus là, il faudra que tu propages cette culture dans le monde ».

Afrik.com : Que signifie Oa Na Mba?

Patrick Bebey : J’ai intitulé l’album Oa Na Mba, ce qui signifie « Toi et moi » en douala. Mais si on le prononce autrement, avec une autre intonation, le sens change totalement et ça veut dire: « Tu as dit que c’est mon tour ». Ce titre intimiste est la traduction de la volonté de mon père.

Afrik.com : Pouvez-vous nous décrire votre père?

Patrick Bebey : C’était une personne qui savait aimer les personnes autour de lui et qui savait montrer son amour. C’était aussi une personne de grand conseil qui savait lire dans les soucis des autres. Le « travail » était son maître mot. Avant d’être musicien professionnel, il travaillait à l’UNESCO. Mais quand il était petit, il a fait l’école buissonnière pour apprendre la guitare. Il s’amusait à pincer les cordes pour retrouver les sonorités des arcs musicaux qu’il entendait jouer dans les villages camerounais.

Afrik.com : Des enfants pour prendre la relève?

Patrick Bebey : J’ai deux enfants. Ce sera leur choix personnel.

Commander Oa Na Mba, de Patrick Bebey.

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