Maigres récoltes au Burkina Faso


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En baisse de 10% comparativement à celle de l’année dernière, la production vivrière, est selon le gouvernement, assez suffisante pour couvrir les besoins burkinabè. Mais au Centre-Nord du Burkina, où les récoltes ont été particulièrement désastreuses, les populations ne semblent pas au bout de leurs peines. Déjà éprouvées par les inondations, elles doivent maintenant faire face à une crise alimentaire. Reportage.

Notre correspondant au Burkina Faso

Femmes-portant-les-recoltes.jpgSous le poids volumineux des épis, les tiges de mil ploient vers le sol. Le champ paie de mine. Poussant la chansonnette, Madi Ouédraogo, aidé des membres de sa famille, s’active à la récolte de son champ de sorgho rouge. Souriantes, les femmes transportent de gros paniers chargés. L’image est flatteuse et est loin de refléter la tendance agricole à Korsimoro. Si la moisson de Madi est admirable, la raison en est toute simple : « C’est parce que, explique-t-il, cette parcelle est située dans un bas-fond. Ailleurs en brousse, relativise le paysan, je n’ai pas grand-chose à espérer tant les récoltes sont désastreuses. »

Dans la commune rurale de Korsimoro, à 70 km au Nord de Ouagadougou, les récoltes sont maigres. Alors que d’ordinaire, pour la moisson, les paysans élisaient domicile dans leurs champs pour les éloigner d’éventuels voleurs mais aussi du fait de l’énormité de la tâche de moisson, il en va autrement cette année. « En une journée nous avons fini de tout récolter », témoigne le vieux Sayouba Sawadogo. Mais au regard de la situation d’autres agriculteurs, Madi et Sayouba paraissent plus chanceux.

Derrière l’îlot d’abondance, une moisson catastrophique

Saagle-Ouedrago.jpgVissée sur sa tête, une casquette en lambeaux protège à peine Saaglé Ouédraogo de l’insolation, mais rajoute sur son visage déjà triste, une couche de dépit. Au milieu de son domaine, le quinquagénaire a l’air d’un épouvantail de foire. Mais dans cette exploitation agricole, véritable amas de paille asséchée, il n’y a presque rien pour un oiseau granivore ou pour un singe chapardeur. Seul de temps à autre, le craquellement de tiges de mil fanées entre les mâchoires d’un taureau, vient rompre le silence de cimetière. Nul besoin de mille mots pour saisir le drame en cours. Et peu bavard, le paysan semble économiser ses forces, en prévision peut-être de la disette à venir.

Sur une superficie d’environ 3 hectares, Saaglé, au moment des semailles, espérait récolter de quoi subvenir aux besoins de ses trois enfants et de sa femme. Aujourd’hui, à l’heure des récoltes, ses sacrifices se révèlent vains. Ses prières pour une bonne saison aussi. À la fois difficile et capricieuse, la pluviométrie a alterné le trop plein d’eau et les longues périodes de sécheresse dépassant parfois trois semaines. Du coup sa campagne comme celle de milliers d’autres agriculteurs, a été compromise.

Le maraichage comme bouée de sauvetage

Dans cette région à la lisière du sahel, certains fondent désormais tout leur espoir dans le maraîchage. Les produits qu’ils en tireront seront écoulés en villes et dans certains pays voisins. Les bénéfices serviront à l’achat de vivres. Mais cette stratégie de survie alimentaire, pour être effective et rentable, demande des investissements que la plupart des familles n’ont pas. « Pour se procurer les intrants, il faut au moins 200 000 francs CFA » explique Madi Ouédraogo. Faute de disposer de tels moyens, nombre de jeunes iront grossir davantage les rangs des orpailleurs ou migrer ailleurs. Saaglé Ouédraogo, lui n’a aucune perspective en vue. Seulement attendre. Mais sans le dire, il sait bien qu’il faudra coûte que coûte, trouver de quoi nourrir ses trois enfants. Madi Ouédraogo, lui prévient : « si les conditions climatiques continuent de compromettre ainsi nos productions, un jour nous allons fuir pour abandonner derrière nous nos femmes et nos enfants. » Mais cela, s’empresse-t-il d’ajouter, « Dieu nous en préserve. »

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