« Le niqab, c’est ma liberté »


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Trois-cent-soixante-sept, c’est le nombre de femmes portant le niqab et la burqa en France, évalué et publié mercredi par les services du ministère de l’Intérieur. Un phénomène marginal qui a pourtant suscité de très vifs débats. Un mois après la mise en place d’une mission parlementaire sur le port du voile intégral, Kenza Drider, femme active de 30 ans revient sur cette polémique et explique pourquoi elle a choisi de porter le niqab.

C’est une femme comme les autres. Mariée, mère de quatre enfants, Kenza Drider se décrit comme « rigolotte », « épanouie », « sportive ». Mais depuis un mois, sa vie a un peu changé. Suite à l’annonce de la mise en place d’une mission parlementaire sur le port du voile intégral, elle se trouve au centre de la polémique. Normal, elle porte le niqab et en est fière. A 30 ans, cette jeune maman d’origine marocaine vivant dans le Gard, dans le sud de la France, souhaite sensibiliser la population au port du voile intégral et faire taire les amalgames entre l’intégrisme et le niqab. Interview d’une femme active qui ne mâche pas ses mots.

Afrik.com : Que pensez-vous de la polémique sur le port du niqab et de la burqa en France ?

Kenza Drider : C’est inutile et sans fondement. Les femmes qui portent le voile intégral ne sont pas des criminelles. Je n’ai jamais agressé quelqu’un. Je ne cause aucun tort à la société. Pourquoi je ne pourrais pas porter le niqab ? Il y a bien des gens qui se font des piercings sur tout le corps ou qui s’habillent en gothiques. Pour moi, ça revient au même. Et puis franchement, je suis étonnée que tout ceci fasse une telle polémique, ça me blesse en tant que citoyenne française. Je suis née et j’ai grandi dans ce pays, j’ai passé mon baccalauréat, j’ai fait des études d’assistante juridique par correspondance. Je suis bénévole dans un centre de loisirs. Je rigole, je fais du sport, de la boxe, du vélo… Je suis comme tout le monde.

Afrik.com : Certaines personnes voient, dans le port de la niqab, la négation de la femme et le symbole de l’intégrisme religieux. Qu’en pensez-vous ?

Kenza Drider : C’est faux. Je ne suis pas une intégriste et mon mari ne m’a pas forcée à porter le niqab. Je connais d’ailleurs beaucoup de femmes qui portent le voile intégral contre l’avis de leur époux. Vous savez, je n’ai pas toujours porté le niqab. Avant je ne portais pas le voile. J’ai commencé par le hijab[[voile islamique qui couvre seulement les cheveux]], et après j’ai décidé de porter le niqab pour être plus proche de l’islam. C’est un choix personnel et spirituel. Et je l’aurais porté que mon mari le veuille ou non !

Afrik.com : Quels regards les gens portent sur vous ?

Kenza Drider : Avant cette polémique, j’étais sereine. Je sentais des regards sur moi mais dans la majorité des cas, c’était de la curiosité. A l’heure actuelle, je n’ai plus trop envie de sortir. J’avais l’habitude de me rendre au festival d’Avignon en juillet, mais cette année je ne suis pas sortie. Je crains les approches, les regards qui se font maintenant plus assaillants et plus méprisants. J’ai peur de me faire agresser.

Afrik.com : Comment réagiriez-vous si on interdisait le port du niqab en France ?

Kenza Drider : Je ne le retirerais jamais. Si je devais l’enlever, je me sentirais nue ! Je le vivrais comme une atteinte à ma liberté religieuse, à ma liberté de femme. Je ferais tout ce qui serait en mon pouvoir pour invalider cette loi.

Afrik.com : Qu’est-ce que vous comptez faire ?

Kenza Drider : Mon but c’est de sensibiliser l’opinion publique au port du niqab. Je ne veux pas qu’on parle à ma place, qu’on interroge des imams. Je peux m’exprimer toute seule. Qu’on me donne la parole et j’expliquerai ma démarche. J’ai contacté André Gerin[député communiste à l’initiative de la commission d’enquête sur le port du niqab et de la burqa en France] par mail pour lui soumettre mes interrogations, pour lui dire ce que j’en pense. Il faut arrêter les préjugés sur le port du niqab. Fadela Amara a déclaré que le voile intégral « est l’expression visible des fondamentalistes et des intégristes dans notre pays ». On ne peut pas dire ça. Je suis en train de chercher des avocats pour attaquer la secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville pour diffamation. Je le dis et je le répète: c’est un choix personnel. Le niqab, c’est ma liberté !

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