Mikea, une musique entre blues et beko


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Théo Rakotovao
Théo Rakotovao

Lauréat du prix Découvertes RFI, Mikea est un groupe malgache prometteur. Son leader, Théo Rakotovao, conjugue dans sa musique, le beko, le chant traditionnel du sud de la Grande Ile, et le blues. Un mélange subtil entre sensibilité et harmonie.

Mikea tire son nom d’une tribu située au sud de Madagascar. Ce groupe malgache joue du beko, le chant traditionnel de cette région, qu’il associe au blues. Son leader Théo Rakotovoa, la nouvelle figure de la chanson malgache est un artiste de talent qui a su révéler la tradition de son pays dans sa musique. Rencontre avec ce chanteur de blues made in Madagascar.

Afrik.com : Pourquoi avoir donné le nom “Mikea” à votre groupe ? Que signifie-t-il ?

Theo Rakotovao : Mikea désigne une tribu dans le sud ouest de Madagascar. On appelle les gens de cette tribu, les Masikoro ou les Mikea. J’ai créé ce groupe pour parler de ma région et des Masikoro parce que c’est un peuple qui n’est pas très connu. Mikea signifie aussi « appeler » dans mon dialecte. Vous savez, dans la forêt on ne se voit pas donc on crie pour se parler. C’est un moyen de communication, c’est comme chanter devant un public. Au début, les gens pensaient que Mikea n’était pas un bon nom pour mon groupe. Pour les Malgaches, les Mikea sont des sauvages qui vivent dans la forêt. Malgré les critiques, j’ai gardé mon nom car cela représente mon histoire, ma musique et ma culture.

Afrik.com : Vous chantez le beko. Pouvez-vous nous expliquer ce que ce chant signifie ?

Theo Rakotovoa : Le beko, c’est un chant qui ressemble au blues. J’ai choisi le beko car il représentait mon pays. Pendant longtemps, les Malgaches ne connaissaient pas le beko car les Mikea ne sortaient pas de leur région. Il n’y a pas des paroles exactes, c’est en freestyle. Le timbre de voix est très important. Quand tu chantes et qu’il n’y a pas de vibrations, pas de stimuli vocaux, les gens ne veulent pas t’écouter. Ils pensent que tu chantes mal. Le beko c’est un chant qui raconte la vie quotidienne des gens, l’insécurité, la pauvreté. Dans cette région, il n’y a pas de bons médicaments, pas d’hôpitaux, pas d’écoles. Pour toucher un public plus important, on a utilisé la guitare acoustique en plus de l’un instrument traditionnel.

Afrik.com : Vous avez repris une chanson de Jimmy Hendrix intitulée “Hey Joe”. Pourquoi ?

Theo Rakotovoa : il n’y a pas longtemps que je connais Jimmy Hendrix. C’est un ami wasa (Blanc) qui m’a fait écouter ça. Je ne connaissais pas les Etats-Unis mais cette chanson m’a rappelé ma région. Ce timbre n’a fait penser au beko. Il y avait la même émotion. Hey Joe, ça veut dire Hey Mec. Et, maintenant à Madagascar, tout le monde s’appelle Hey Joe à cause de la chanson. Quand tu ne connais pas un mec tu l’appelles, “Hey Joe” !

Afrik.com : Quelles sont les personnes qui vous ont influencé dans votre musique ?
Theo Rakotovoa :
Dans notre région, les chanteurs ne se produisent pas. Je suis le premier à m’être rendu à Antananarivo, la capitale malgache. Là-bas, les gens nous disaient « mais ce sont des nouveaux, on ne les connait pas ». J’ai été influencé par la musique de mes oncles qui sont chanteurs de beko. Mais ce ne sont pas des chanteurs professionnels. Ils sont agriculteurs.

Afrik.com : Quand avez-vous pensé à être chanteur ?

Theo Rakotovoa : Quand j’étais petit, je ne pensais pas devenir chanteur. C’est venu au fur à mesure, j’ai rencontré des prêtres italiens qui m’ont appris la guitare. Comme je chantais bien, ils m’ont fourni des instruments. Et puis après, au lycée, j’ai commencé à vouloir faire des tournées à Madagascar. J’ai été à l’université où j’ai fait des études de gestion et là-bas, à Antananarivo, j’ai joué du beko.

Afrik.com : Vous avez reçu le Prix Découvertes RFI ?

Theo Rakotovoa : Pour moi, C’était invraisemblable de recevoir le prix RFI avec un chant du village. Le prix Découvertes RFI représente l’espoir pour tout le monde de faire connaître la musique de son pays.

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