Biens mal acquis : Bongo, Nguesso et Obiang sur la sellette


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William Bourdon, avocat des plaignants et président de Sherpa

La doyenne des juges d’instruction au pôle financier de Paris, Françoise Desset, a ordonné l’ouverture d’une enquête judiciaire sur les biens luxueux acquis par trois chefs d’Etat africains en France. Elle a estimé que la plainte déposée par Transparency International (TI), en décembre dernier, était recevable. Le parquet de Paris qui a annoncé, début avril, qu’il s’opposera à une telle décision, dispose de cinq jours pour faire appel. Pour l’Ong, il s’agit d’une importante victoire d’étape.

Agitation ce mercredi midi dans les locaux de Sherpa, dans le IXe arrondissement de Paris. Au lendemain de la décision « historique » de la justice française d’autoriser l’ouverture d’une enquête judiciaire sur les « Biens mal acquis (BMA) » de trois chefs d’Etat africains en France, des journalistes se bousculent pour interroger les responsables de l’association de juristes et de l’Ong Transparency-International France.

« C’est une victoire humaine et juridique », lance Maud Perdriel-Vaissière, juriste en charge du dossier chez Sherpa. Mardi, la doyenne des juges d’instruction, Françoise Desset a jugé recevable la plainte déposée, en décembre dernier , par Transparency Interntional France contre les présidents Omar Bongo Ondimba du Gabon, Denis Sassou Nguesso du Congo et Teodoro Obiang Nguéma de la Guinée équatoriale, pour «recel de détournement de fonds publics, blanchiment, abus de bien social, abus de confiance et complicités». Mais elle a rejeté celle du contribuable gabonais Grégory Gbwa Mintsa qui a déclaré que les présumés détournements de fonds du président gabonais lui ont été préjudiciables. « Quand on paye des impôts, c’est pour avoir accès a l’hôpital et à l’école, pas pour permettre a ses dirigeants d’acheter une Maserati », a indiqué William Bourdon, président de Sherpa et avocat des plaignants.

La décision de Françoise Desset devrait conduire à l’ouverture d’une enquête judiciaire avec la désignation d’un juge d’instruction. « L’identification et la poursuite de ceux qui, inlassablement et sournoisement, appauvrissent leurs pays est désormais possible », a affirmé M. Bourdon.

« Le bataille ne fait que commencer »

William Bourdon, avocat des plaignants et président de SherpaSelon le président de Sherpa et l’avocat des plaignants, c’est la première fois qu’une telle procédure est engagée contre des chefs d’Etats africains en exercice. Il s’en est félicité, mais il s’est refusé de tomber dans l’illusion. « Ce n’est qu’une victoire d’étape. La bataille ne fait que commencer », a indiqué M. Bourdon. Cette action qui, d’après lui, vise à restituer l’argent de ces biens aux populations de leurs pays, sera longue. Mais sur le plan diplomatique les conséquences de la décision de la juge française pourraient être immédiates. Les trois chefs d’Etat concernés sont à la tête des pays producteurs de pétrole, où le groupe français Total est bien implanté. Ces présidents sont également considérés comme des piliers de la Françafrique.

Le ministère public français qui, en avril, avait annoncé qu’il s’opposerait à l’ouverture d’une information judiciaire dispose, depuis mardi, de cinq jours pour faire appel. Les plaignants n’excluent pas cette éventualité. « Le parquet devra alors assumer d’apparaître comme ce qu’il est : le bras armé de la raison d’Etat », affirment-ils. Les faits reprochés n’ont pu se produire qu’avec la complaisance des autorités françaises, dit-on à Transparency International France. Et des preuves crédibles existent. En cas d’appel du parquet de Paris, le dossier serait une nouvelle fois confié aux juges de la chambre d’instruction qui devront le réétudier en vue de la validation ou non de l’ordonnance de la juge d’appel.

Le Congo se dit « serein »

La première réaction africaine à la décision de madame Desset est venue du Congo Brazzaville. Ce mercredi, le gouvernement de ce pays d’Afrique centrale s’est dit « serein », par la voix de son porte-parole, le ministre de la Communication, Alain Atipault. D’après lui, ce dossier ne contient « rien de concret ». Interrogé par Me Patrick Maisonneuve, l’avocat du président Omar Bongo a, quant à lui, indiqué que « la plainte déposée par Transparency International France est irrecevable, elle n’a pas qualité pour représenter les citoyens du Gabon. J’espère donc que le parquet fera appel ». Il s’est adressé à l’agence de presse Reuters.

Au total, la police française avait recensé, en 2007, lors d’une enquête préliminaire, 39 propriétés et 70 comptes bancaires appartenant à Omar Bongo et ses proches, 24 biens immobiliers et 112 comptes bancaires détenus par la famille Sassou-Nguesso, ainsi que les limousines achetées par la famille Obiang. En cas d’ouverture de l’enquête judiciaire, tous ces biens présumés mal acquis pourraient être confisqués et restitués aux populations des pays concernés.

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