Viols en Afrique : l’employé de l’ONU aimait trop les « bonbons »


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Le chiffre fait froid dans le dos. Vingt-trois, c’est le nombre de victimes présumées attribuées à Didier Bourguet. Cet ancien fonctionnaire, dont le procès aux assises de Paris a commencé mardi, est accusé d’avoir violé des mineures africaines, durant les six ans où il était en poste en République centrafricaine (1998-2000) puis en République démocratique du Congo (2000-2004). Pour justifier ses actes, Didier Bourguet a évoqué, mercredi, le « stress » de sa condition d’expatrié occidental dans des pays peu sûrs et « la précocité » des Africaines.

C’est une affaire pour le moins sordide. Un ancien employé de l’ONU comparaît depuis mardi, et ce pour trois jours, à Paris pour « viols sur mineurs de moins de quinze ans » en Afrique et « détention d’images de mineurs à caractère pornographique ». Didier Bourguet, un français âgé de 44 ans aurait, en l’espace de six ans, violé 23 fillettes lorsqu’il travaillait en République centrafricaine (1998-2000) puis en République démocratique du Congo (2000-20004). C’est la première fois qu’est jugée en France une affaire de cette ampleur, commise à l’étranger dans le cadre d’une mission de maintien de la paix (Monuc).

L’accusé n’est pas un casque bleu. Titulaire d’un CAP de mécanique, il entretenait les véhicules de la Monuc, la mission des Nations Unies en RDC. Un pays marqué par une succession de guerres civiles, où les viols massifs perpétrés par les militaires ont été de véritables « armes de guerres » selon les ONG de défense de droit de l’Homme. Outre les viols, la police congolaise a saisi au domicile de Didier Barguet un ordinateur contenant des centaines de photos et de vidéos de jeunes filles dans des poses érotiques et pornographiques. Au début du procès, il a nié avoir eu des relations sexuelles avec des mineurs et a tenté d’expliquer que « là-bas, elles étaient tellement précoces que c’était difficile de savoir », rapporte un journaliste du quotidien français [Libération->]. Mais devant l’évidence, il a fini par avouer, hormis pour la jeune S., la seule à avoir porté plainte contre lui et à s’être portée partie civile. Même s’il reconnait avoir eu des relations sexuelles avec 22 des 23 victimes présumées, âgées de 12 à 18 ans, il niait mercredi (deuxième jour du procès) avoir jamais exercé la moindre contrainte.

L’histoire de S.

Au moment des faits, S. avait douze ans quand une femme qui louait une parcelle sur le terrain de son père lui a proposé de faire un tour. Cette « intermédiaire » payée par Didier Bourguet l’aurait emmenée à son domicile. Selon la fillette, il lui aurait fait boire un thé au drôle de goût avant de lui demander de lui faire une fellation et de la pénétrer. Des accusations que l’ancien employé de l’ONU dément, criant au piège et au chantage. Un chantage orchestré par des policiers et le père de la jeune fille qui, selon le prévenu, lui auraient réclamé chacun 5000 dollars pour prix de leur silence. Suite au dépôt de plainte qui a déclenché l’hostilité des villageois, la famille de S. a dû quitter le Congo-Kinshasa. Après un séjour en Ouganda, la famille a obtenu un droit d’asile politique pour le Canada.

Un violeur, amateur de « bonbons »

Pour tenter de justifier les viols, Didier Bourguet a évoqué « le stress » de sa condition d’expatrié occidental dans des pays peu sûrs. « J’avais perdu certains repères notamment le repère de la conscience de faire une faute, à cause du stress », a-t-il expliqué mercredi à l’AFP. Lors de sa vaine tentative d’amadouement, il a déclaré avoir subi plusieurs agressions lors de ses missions à l’étranger. Des propos repris par l’avocat général Pierre Kramer qui lui a reproché de « justifier son attitude par le contexte ». L’accusé est, selon une psychologue qui témoignait mercredi, un être « complexé dans le contact avec la gente féminine ». « L’occasion s’est présentée d’avoir quelque chose que j’avais très peu avant et j’en ai profité », a-t-il ajouté à propos de ses relations sexuelles en Afrique. Puis en se lançant dans une métaphore au goût douteux il s’est qualifié « de gamin privé de bonbons toute son enfance, lâché un jour dans un magasin de bonbons ». Des déclarations démentes qui témoignent du manque de suivi des employés de l’ONU à l’étranger.

Les Nations unies prises pour cible

Pour Emmanuel Daoud, l’avocat français, à Kinshasa, de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) en charge du dossier de la famille de S., « Les Nations unies envoient des personnes en Afrique sans les encadrer ». « Ils ne comprennent pas l’ampleur de la situation, plusieurs abus sexuelles ont été recensés en RDC ». « On assiste à une absence de volonté politique, sociale, humaine pour résoudre ce problème » s’insurge l’avocat, interrogé par Afrik. Dans un communiqué de la FIDH paru mardi, date de l’ouverture du dossier, la présidente de la Fédération Souhayr Belhassen a déclaré que « ce procès symbolisait l’importance de briser l’impunité des responsables de violences sexuelles en RDC et de réprimer les agissements criminels de certains membres des forces de maintien de la paix ».

Le cas Didier Bourguet ne semble pas être isolé. Les Nations unies ont révélé le 13 août dernier qu’au moins 100 Casques bleus indiens pourraient être impliqués dans des abus sexuels sur des garçons et des filles de RDC.

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