Lesotho : un numéro vert pour les enfants


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Depuis que le gouvernement du Lesotho a lancé le premier service d’assistance téléphonique national pour les enfants, il y a deux mois, près de 500 orphelins et enfants vulnérables ont décroché leur téléphone pour demander de l’aide et une oreille attentive.

Au Lesotho, les orphelins et les enfants vulnérables sont chaque jour plus nombreux, conséquence d’une des épidémies de VIH/SIDA les plus meurtrières au monde ; aujourd’hui, cette nouvelle initiative leur donne une lueur d’espoir ou leur permet, tout au moins, de trouver quelqu’un à qui parler.

« Les enfants sont encouragés à parler de leurs problèmes sans porter de jugement et sans avoir peur d’aggraver la situation. S’il est vrai que les enfants n’appellent pas tous pour les mêmes raisons, ils ont tous un facteur en commun : ils demandent qu’on les écoute », a expliqué Nafisa Binte-Shafique, spécialiste du Développement des jeunes et des adolescents au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

Le gouvernement du Lesotho, avec l’aide de l’UNICEF, du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, de diverses organisations non-gouvernementales (ONG) et des services de télécommunication du Lesotho, a ouvert la ligne le 30 avril 2008.

« L’assistance téléphonique pour les enfants fonctionne bien, la population réagit bien. À l’heure actuelle, l’essentiel des appels est passé par les parents et les voisins, pour signaler des cas concernant des enfants, ainsi que par les enfants, qui appellent eux-mêmes », a déclaré Kananelo Moholi, responsable du service d’assistance téléphonique pour enfants à Save the Children – Lesotho, l’ONG qui héberge et dirige le service.

Mme Moholi a expliqué à IRIN que 467 appels avaient déjà été traités. Dans 160 cas, l’appelant avait raccroché immédiatement, et dans 279 cas, les enfants avaient souhaité obtenir des informations et des conseils généraux.

Vingt-huit « vrais cas » de viol, de harcèlement sexuel, de négligence et de maltraitances émotionnelles et physiques ont été signalés, et « 14 personnes ont été reçues sans rendez-vous pour des consultations en face à face [concernant] des violences physiques, des enlèvements et des suicides », a-t-elle ajouté. À la suite de cela, le ministère des Affaires sociales (MAS) a également placé trois enfants au Village pour enfants de Maseru, un refuge situé dans les locaux de Save the Children – Lesotho.

Grâce au service d’assistance téléphonique, le MAS a été averti des besoins particuliers d’une fillette handicapée en matière d’éducation, et du cas d’un enfant qui venait de perdre ses deux parents. Deux enfants, trouvés de l’autre côté de la frontière, en Afrique du Sud, ont été ramenés au Lesotho et pris en charge, et leurs parents, qui les avaient maltraités, ont été placés en détention, selon Mme Moholi.

« Nous relevons les défis petit à petit, et nous espérons déployer notre programme et faire en sorte que la communauté participe davantage aux efforts que nous faisons pour protéger et aider autant d’enfants en difficulté que possible », a indiqué Mme Moholi.

Composez le 800 22 345

Ce numéro gratuit (le 800 22 345) ouvre un canal de communication entre les enfants et les prestataires de service, et permet d’offrir des conseils, un soutien et des services de protection 24 heures sur 24, a expliqué Mme Binte-Shafique à IRIN.

Une variété de services sont offerts aux enfants qui appellent, selon la nature de chaque cas. L’enfant peut être conseillé ou recevoir des informations pertinentes pendant l’appel, ou être orienté vers l’organisme approprié, tel que le MAS, ou des prestataires de services médicaux, psychosociaux ou juridiques.

La force de ce service d’assistance téléphonique repose sur sa capacité à orienter efficacement les appelants, où qu’ils se trouvent dans le pays, vers le prestataire de services le plus proche, selon Mme Binte-Shafique.

Le service « accorde la place centrale aux enfants et à leur sécurité, en apportant de l’aide aux enfants qui ont besoin de soins et de protection, et en les mettant en contact avec des services et des ressources à long terme. Il permet aux enfants et aux jeunes d’exprimer leurs préoccupations et de parler des problèmes qui les affectent ».

Des besoins démesurés

En 2007, une étude, publiée par le ministère de la Santé, avec l’aide de l’UNICEF, a permis de confirmer ce qu’une majorité de personnes savaient déjà : le Lesotho avait particulièrement besoin d’un service de ce type, et ce, depuis longtemps. Plus de 90 pour cent des enfants interrogés pensaient en effet qu’il était important qu’on écoute ce qu’ils avaient à dire.

« Il arrive souvent que des enfants soient violés et maltraités, surtout les orphelins, alors il est important d’écouter notre point de vue pour nous protéger contre ces problèmes », avait déclaré une adolescente de 16 ans aux sondeurs.

« Le lancement du service d’assistance téléphonique pour les enfants au Lesotho est un événement marquant, non seulement pour ce qui est de protéger les enfants contre toute forme de violence et d’assurer qu’ils aient accès aux services de protection, mais aussi en termes de prévention du VIH »
Le décès d’un parent, la faim, les maltraitances physiques, la négligence et le manque d’empathie des parents à la suite d’un viol comptent parmi les principales raisons invoquées par les enfants pour expliquer leur « tristesse » épisodique. Selon les conclusions de l’enquête, 79 pour cent des enfants avaient déclaré qu’ils appelleraient un service d’assistance téléphonique s’il en existait un. Fait important, l’étude a également permis de découvrir que, même dans les régions rurales, plus de 80 pour cent des enfants ont accès à un téléphone.

Les enfants ont aussi indiqué qu’ils ne souhaitaient pas parler à des pasteurs, à la police ni aux chefs de leurs villages, car un grand nombre des délits commis à l’encontre des enfants sont généralement connus des membres de la communauté qui sont censés les protéger, pourtant rien n’est fait dans ce sens.

Le cas des orphelins

Les orphelins sont particulièrement exposés au risque d’être victimes de maltraitances, d’exploitation ou de discrimination. Selon les statistiques officielles, le nombre d’orphelins a doublé pour passer de 92 000, en 2003, à plus de 180 000 en 2005, dont quelque 100 000 auraient perdu leurs parents des suites du VIH/SIDA. Bien souvent, les orphelins se trouvent aussi eux-mêmes aux prises avec la maladie qui a emporté leurs parents.

Il n’existe pas de statistique plus récente, mais à en croire une majorité des informations [qui nous ont été communiquées], plus d’enfants que jamais se trouvent aujourd’hui sans la protection d’un adulte, une situation qui pèse considérablement sur les 1,8 million d’habitants que compte le Lesotho. Les statistiques de la Commission nationale de lutte contre le sida du Lesotho montrent que le taux d’infection au VIH a augmenté de deux pour cent en 1991, à 23,3 pour cent en 2005.

« Le lancement du service d’assistance téléphonique pour les enfants au Lesotho est un événement marquant, non seulement pour ce qui est de protéger les enfants contre toute forme de violence et d’assurer qu’ils aient accès aux services de protection, mais aussi en termes de prévention du VIH », selon Mme Binte-Shafique. L’UNICEF prévoit de diffuser des messages de prévention et d’information sur le VIH par le biais du service d’assistance téléphonique pour enfants, afin d’aider les enfants et les adolescents « à faire des choix vitaux ».

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