Développement de l’Afrique: les pays riches ne mettent pas la main à la poche


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Bob Geldof

Les pays riches n’ont réalisé que 14% de leurs promesses envers l’Afrique. C’est ce qu’ont dénoncé sept personnalités, dont Bono, Bob Geldof, Yannick Noah et Angélique Kidjo, mercredi, à Paris lors de la présentation du rapport DATA 2008 (Debt Aids Trade Africa) réalisé par l’ONG ONE. Malgré les défaillances des pays du G8 et l’impact de la crise alimentaire, les progrès des pays africains en matière d’éducation et de santé sont indéniables.

Conférence DATA à Paris« Concrétiser les promesses des pays du G8 envers l’Afrique », tel est le message lancé mercredi, à Paris, par Bono, chanteur mythique du groupe U2 et fondateur de l’organisation humanitaire ONE, venu présenter le rapport DATA 2008 (Debt Aids Trade Africa) sur les engagements des pays riches envers le continent noir. Avec lui, Bob Geldof, musicien militant, Michel Kazatchkine, directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida ou encore Yannick Noah, chanteur franco-camerounais, à succès, ensemble pour dénoncer le non-respect des engagements du G8 – qui regroupe l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Japon et la Russie – envers l’Afrique. Un rapport qui rejoint celui publié lundi par l’Africa Progress Panel, présidé par Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies.

Dans le cadre des Objectifs du Millénaire fixés en 2000 par les Nations Unies, la part de la richesse nationale consacrée à l’Aide publique au Développement (APD) pour chaque pays doit atteindre 0,7%. Or, à l’approche du sommet du G8 au Japon en juillet, le constat est accablant : si les pays membres continuent à ne pas respecter leurs engagements comme ceux pris en 2005 lors du sommet de Gleneagles (Ecosse), les objectifs de réduction de la pauvreté ne pourront être atteints. Sur les 22 milliards de dollars supplémentaires promis pour l’Afrique d’ici 2010, seuls 14% de la somme ont été versés soit trois milliards de dollars. Pire encore, l’ONU estime qu’à ce rythme, les objectifs pour le continent noir ne pourront être atteints qu’en 2147 !

La Chine et l’Inde, le futur de l’Afrique ?

Michel Kazatchkine La part globale de l’APD des pays les plus industrialisées de la planète ne cesse de décroître. Sur le banc des accusés, la France qui ne consacre que 0,39% de sa richesse à l’APD en 2007. Un désintérêt qui contraste avec les efforts du Japon qui a promis, fin mai, de doubler son aide à l’Afrique. La France, qui fait actuellement face à des difficultés sociales, pioche dans les fonds destinés au développement des pays africains pour ses propres besoins. Elle a d’ailleurs réduit son aide à l’Afrique subsaharienne de 66 millions de dollars en 2007.

Des engagements non tenus qui n’instaurent pas un climat de confiance entre pays riches et pays africains qui se tournent de plus en plus vers la Chine et l’Inde, les poids lourds de l’investissement en Afrique. Serait-ce une alternative ? M. Kazatchkine se réjouit de « l’élan des pays asiatiques ». Cependant, la Chine choisit elle-même les pays africains à qui elle veut octroyer son aide. « Le défi des dix prochaines années est d’amener les pays d’Asie à forte croissance économique à devenir de gros pays donateurs tout en les insérant dans le cercle des relations multilatérales », explique le directeur du Fonds mondial.

Arunma OtehMais comme tous ses partenaires, Arunma Oteh, vice-président de la Banque africaine de Développement, explique que les aides des pays émergents ne remplacent pas ceux des pays riches. « C’est une honte que les pays chanceux ne donnent qu’une petite fraction de leur richesse à un continent qui n’est situé qu’à 12 km de nos côtes », s’insurge M. Geldof, arguant que les progrès faits par l’Afrique ces dernières années prouvent que ces aides ont une incidence positive sur leur développement.

L’aide publique au Développement, instrument de progrès essentiel pour l’Afrique…

Bob Geldof« Quand la communauté internationale s’investit, les résultats sont là », a insisté M. Kazatchkine, répondant à ceux qui disent que l’argent partant pour Afrique ne sert à rien. Et des chiffres viennent étayer ces propos. Aujourd’hui, 2,1 millions d’Africains séropositifs sont sous antirétroviraux contre 50 000 en 2002 et 29 millions d’enfants ont été scolarisés pour la première fois entre 2000 et 2006 grâce aux mesures d’allègement de la dette et à l’augmentation de l’aide des pays riches entre 1999 et 2005. Même si la mortalité infantile reste élevée globalement, son taux a fortement chuté dans certaines régions; des maladies telles que le paludisme et la tuberculose perdent chaque jour du terrain grâce aux campagnes de vaccinations et aux opérations menées par les organisations internationales.

Angélique Kidjo« Je suis là pour parler des points positifs de l’Afrique que les médias évoquent si peu », lance Angélique Kidjo, chanteuse francophone du Bénin, lors de son intervention. « Montrer les malheurs de l’Afrique ne fait que conforter le sentiment de supériorité des pays riches sur eux. Mais l’Europe ne peut avancer sans l’Afrique, comme celle-ci a besoin de l’Europe pour avancer », ajoute t-elle.

…qui ne règle pas pour autant tous les problèmes du continent

L’aide au développement n’est pas suffisante pour réduire la pauvreté en Afrique. « Il faut aussi un changement dans les politiques menées », explique le rapport d’ONG ONE. La crise alimentaire vient mettre à mal les progrès d’ensemble sur le continent. Aujourd’hui, l’Afrique ne pèse que 3% sur le commerce mondial. Mais une vingtaine de pays ont un taux de croissance d’au moins 5% ces dernières années. Des chiffres encourageants qui montrent que l’Afrique peut s’en sortir. Mais l’aide extérieure lui est encore nécessaire. Yannick Noah, comme beaucoup, fonde aujourd’hui ses espoirs sur la France, qui prend la présidence de l’Union européenne en juillet. Dans quelques semaines, le parlement français décidera des montants et des priorités de l’aide publique du pays pour la période 2009-2011. Les chiffres révélés et les mesures adoptées informeront de l’influence des ONG.

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