Bassek ba Kobhio : « L’implication des femmes dans le monde du cinéma pourrait permettre la promotion de certaines valeurs »


Lecture 7 min.
Bassek ba Kobhio
Bassek ba Kobhio

La 12 édition des Ecrans Noirs, festival du film en Afrique Centrale, s’est tenue à Yaoundé, au Cameroun, du 31 mai au 7 juin 2008. Son promotteur, Bassek ba Kobhio, jette un regard sur cet événement culturel.

Notre correspondante à Yaoundé

Le Camerounais Bassek ba Kobhio, 51 ans, est réalisateur, producteur, écrivain et organisateur du festival Ecran noirs. Après des études de sociologie et de philosophie, il débute comme stagiaire et assistant sur une série de documentaires produits par le ministère de l’Information et de la Culture du Cameroun, puis travaille comme premier assistant sur Chocolat de Claire Denis, en 1987. En 1989, il passe derrière la caméra et réalise FESTAC, un court métrage documentaire. Depuis, il a réalisé plusieurs films dont Sango Malo, adapté de son roman éponyme en 1991 et [Le silence de le forêt->] sorti sur les écrans en 2003. Il est également le fondateur de la société de production Les Films Terre Africaine. Rencontre avec un homme de culture.

Afrik.com : Pouvez-vous nous faire une présentation sommaire de l’Association Ecrans Noirs?

Bassek ba Kobhio : C’est une association qui travaille pour la promotion du cinéma en Afrique Centrale. Promotion en terme de diffusion, d’aide à la production mais aussi à la formation. Elle s’ouvre au fur et à mesure que les années avancent. Au début, elle était constituée d’une toute petite équipe de gens qui travaillaient avec Les films Terre africaine. Maintenant, elle va s’ouvrir encore plus. Nous avons formé beaucoup de cinéastes, nous allons continuer. Nous comptons d’ailleurs ouvrir une école de cinéma. En bref, la formation, la production et la promotion, sont les grandes directions de l’Association Ecrans Noirs.

Afrik.com : Les Ecrans Noirs sont à leur 12ème édition. Quel est l’historique de la création de ce festival du film ?

Bassek ba Kobhio : En 1985, nous avons invité Sembène Ousmane à présenter ses œuvres ici au Cameroun. A la fin de sa tournée, il avait dit que l’Afrique Centrale était belle mais qu’il regrettait une chose c’est qu’elle était le ventre mou du cinéma africain. Parce qu’il n’y avait pas de grandes productions, mais qu’en plus, même la diffusion posait des problèmes. C’est à ce moment-là que nous avons décidé de relever le défi, au moins au niveau de la diffusion, et de créer Ecrans Noirs. Deux ans plus tard, nous avons fait d’abord une semaine du cinéma qui s’est transformée après en la première édition d’Ecrans Noirs. Donc le nom Ecrans Noirs est resté et nous avons continué les années suivantes. Et c’est comme ça que, depuis douze ans, nous organisons les Ecrans Noirs.

Afrik.com : Vous êtes donc à la douzième édition avec comme thème « Femmes, cinéma et audiovisuel », qu’est-ce qui a inspiré le choix de ce thème ?

Bassek ba Kobhio : Avant, nous n’avions pas de thèmes par année. Nous avons décidé d’avoir un thème chaque année maintenant, et nous avons choisi le thème « Femmes, cinéma et audiovisuel » parce que nous pensons que l’implication des femmes dans le monde du cinéma pourrait amener une promotion de certaines valeurs que sont la paix, les droits de l’homme, et d’autres qui sont des sujets touchant les femmes car elles constituent une catégorie plus encline à la paix, à la liberté contrairement aux hommes. Alors nous nous sommes dits pourquoi on ne ferait pas un point sur la présence des femmes dans le cinéma ou sur ce qu’il faudrait faire pour que ces femmes soient plus impliquées. C’est ce qui nous à amener à choisir le thème de cette année.

Afrik.com : Quelles sont les difficultés rencontrées pour l’organisation d’un festival comme celui-ci ?

Bassek ba Kobhio : Nous avons surtout des difficultés financières. Parce que l’organisation d’une manifestation comme celle-ci demande beaucoup d’argent. Que ce soit au niveau de la production des films ou du festival en lui-même, les grosses difficultés qu’on a sont des difficultés financières. Nous avons beaucoup de facilités au niveau administratif, au niveau des autorisations, au niveau du soutien des états en Afrique. Cependant, le seul véritable problème est souvent de trouver tout l’argent nécessaire pour organiser la manifestation et pour produire les films.

Afrik.com : On se rend compte que le cinéma camerounais a du mal à éclore comparativement au cinéma ouest africain, notamment le cinéma nigérian. Que faut-il pour provoquer son émergence ?

Bassek ba Kobhio : Quand vous parlez du Nigeria, ce n’est pas la même chose. C’est de l’audiovisuel nigérian, c’est de la vidéo. Mais c’est très vu, donc c’est important. Les films nigérians ne sont pas chers. Un film nigérian a un budget de trois à quatre millions de francs Cfa. Ça ne fait même pas l’écriture du scénario pour un film camerounais. Cependant, je crois que les Camerounais ont commencé aussi à prendre cette voie-là, afin de développer une production plus régulière. C’est ça qui fait, je crois, qu’on va penser dans les prochaines années qu’il y a beaucoup de films camerounais. Mais est-ce que ce sont des films qui vont vraiment rester, ou résister au temps ? Je n’en suis pas sûr. Donc le problème n’est pas que celui de la quantité de la production, mais aussi et surtout celui de la qualité de cette production. Et sur ce plan-là, je crois que les films camerounais ne peuvent pas avoir honte d’être moins forts que les films nigérians ! Je crois que ce sont des films assez forts mais, malheureusement, il n’y en a pas assez pour le moment, et c’est la grosse différence.

Afrik.com : Quel peut être l’élément déclencheur pour l’amélioration non seulement de la qualité mais aussi de la quantité de la production cinématographique camerounaise ?

Bassek ba Kobhio : Que les gens travaillent ! Qu’ils travaillent davantage leurs scénarios, que les comédiens travaillent et qu’il y ait de l’argent ! Parce que le tout n’est pas d’avoir de bonnes idées, il faut avoir de l’argent pour que ces bonnes idées soient mises sur l’écran. Donc, il y a le travail et il y a l’argent encore une fois, ce sont les deux conditions incontournables.

Afrik.com : Que faites-vous au niveau des Ecrans Noirs pour l’amélioration de ce cinéma ?

Bassek ba Kobhio : Aux Ecrans Noirs, on ne peut rien faire de précis! On diffuse les films qui sont faits ! On ne peut pas inventer les films, on ne diffuse que ce qui existe, ce qui est fait. C’est pourquoi j’ai dit qu’en amont, il faut peut-être qu’il y ait une création, une production plus abondante pour que nous ayons plus de choix et que nous présentions les meilleurs produits. Notre travail consiste à faire un choix dans la masse ou dans le petit nombre qui est disponible.

Afrik.com : Quelles ont été les innovations aux Ecrans Noirs cette année ?

Bassek ba Kobhio : En dehors de l’instauration du thème, il y a la compétition qui est une grande innovation. Ce n’est pas du tout une affaire facile, c’est très lourd à gérer. Nous l’avons fait et c’est la grande innovation de cette année. Nous avons eu deux jurys. Un jury officiel dont le président, Albert Egbe est un scénariste, dramaturge et comédien de nationalité nigériane ; et un jury du court métrage et du premier film avec comme présidente Fanta Régina Nacro, réalisatrice burkinabé.

Lire aussi :

Le cinéma camerounais en quête de repères

Le Festival Ecrans noirs bat son plein à Yaoundé

Plongée chez les Pygmées

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News