E comme Européen


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L’apprentissage : E comme Européen. Un livre sur Internet, sous forme d’abécédaire, pour dire en 100 mots comment la France adopte ses enfants de migrants. Véritable « Lettres persanes » du XXIe siècle, l’initiative de la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a séduit Afrik.com qui a décidé de vous offrir deux mots par semaine. A savourer, en attendant la parution du livre en février 2007.

De A comme Accent à Z comme Zut, en passant par H comme Hammam ou N comme nostalgie, 100 mots pour un livre : L’apprentissage ou « comment la France adopte ses enfants de migrants ». Une oeuvre que la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a choisi de publier d’abord sur Internet. Un abécédaire savoureux qu’Afrik a décidé de distiller en ligne, pour un grand rendez-vous hebdomadaire. Une autre manière d’appréhender la littérature…

E

EUROPEENS

A la gare du Nord, à l’arrivée de l’Eurostar, j’observe les passagers qui débarquent. Je crois reconnaître parfois le teint clair d’une Anglaise, l’allure décidée d’un homme d’affaires français, mais, s’il n’est plus possible aujourd’hui de distinguer sans se tromper une nationalité, je ne peux me tromper: ces hommes et ces femmes qui sont là sont tous, majoritairement, Européens, occidentaux du moins.

Européens: comme les Français disent « les Arabes », sans distinguer l’Algérien de l’Egyptien ou du Jordanien, y incluant même parfois les persans Iraniens, dans mon enfance au Liban on parlait des « Européens », catégorie qui englobait les Français les Anglais les Italiens tous les Occidentaux même les Américains, amalgame en miroir.

Dans ces années 60, nous sortions tout juste des époques coloniales – et « les Européens » représentaient une sorte de modèle: physique, vestimentaire, culturel, et de comportement. Nous les voyions à la plage, nous les voyions dans les rues, nous les voyions se comporter quand ils étaient dans nos maisons, et pour nous c’étaient eux les modèles à suivre, le progrès, la civilisation, ce à quoi nous tendions, où devions aspirer.

S’habiller à la mode européenne, manger européen plutôt que nos plats orientaux, troquer nos pains ronds plats ensoleillés pour les baguettes et les pains blancs d’Occident, écouter la musique européenne, classique ou variétés, lire des auteurs européens et non nos écrivains arabes, acheter des magazines européens, ce que l’on dénonce aujourd’hui comme la mondialisation l’érasement des cultures était déjà en marche depuis longtemps déjà, ce n’était pas la culture américaine qui s’exportait dans nos pays arabes mais la culture européenne et personne à l’époque n’y trouvait à redire.

Européens: j’observe la foule en cette gare du Nord. Arabes, africains, Asiatiques, entre-deux de toutes sortes, l’Europe à son tour se métisse terriblement, s’ouvre à d’autres influences, à d’autres modèles, à d’autres cultures. La mode n’est plus aujourd’hui à l’Europe ou à l’Amérique comme dans les années 50 et 60. La mode, jusqu’en Occident, est au Sud aujourd’hui, nouveaux équilibres économiques démographiques et politiques, nouvelles puissances émergentes. Ce sont les cultures « du monde » – mot occidental pour dire « du Sud » sans le nommer – qui sont à la mode aujourd’hui, musiques du monde cuisines du monde mode ethnique déco artisanat écrivains d’Afrique ou du Brésil, sushis hammam thé vert sofas peaux bronzées salsa samba week-ends à Marrakech, en Occident les cocotiers sont devenus symbole du paradis et non plus les rosiers.

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