La Somalie à la veille d’une nouvelle guerre


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Le Premier ministre éthiopien a ignoré mercredi l’ultimatum fixé à ses troupes, la veille, par les Tribunaux islamiques, pour quitter la Somalie. Le gouvernement de transition somalien soutenu par l’Ethiopie, d’un côté, et les Tribunaux islamiques, de l’autre, prennent position pour s’affronter. La force de paix africaine annoncée le 6 décembre par l’ONU attendra.

La guerre entre l’Union des Tribunaux islamiques (UIC, Somalie) et le gouvernement transitoire de Somalie, soutenu par l’Ethiopie, paraît inévitable. « Si les Ethiopiens ne se retirent pas de Somalie sous sept jours, nous lancerons une attaque majeure », a prévenu mardi le Cheikh Yusuf Indahaadde. Le responsable de la sécurité nationale au sein de l’UIC en a appelé à la communauté internationale afin qu’elle fasse pression sur Addis Abeba. Mercredi, en guise de réponse, le Premier ministre éthiopien Meles Zenawi a balayé l’ultimatum d’un revers de main. « Nous ne voyons rien de nouveau qui requière une réponse », a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse. « Nous essayons de résoudre cette question pacifiquement. Si elle n’est pas résolue pacifiquement, ce sera très malheureux ».

Meles Zenawi a répété que l’Ethiopie n’a pas déployé de « troupes » en Somalie mais seulement des centaines de soldats pour conseiller et former les forces du gouvernement de transition somalien (TFG). Une version contredite par un rapport confidentiel de l’ONU dévoilé en octobre dernier. Selon le document, près de 8 000 soldats éthiopiens sont déployés en Somalie ou sur la frontière, contre 3 000 Erythréens qui soutiennent l’UIC.

« Je crois que la guerre est inévitable »

Depuis deux ans, c’est un euphémisme de dire que le TFG, créé sous l’égide de l’ONU pour mettre fin à quinze ans d’anarchie, n’a pas réussi à s’imposer aux chefs de guerre somaliens. C’est au contraire l’UIC qui s’est déployé depuis juin dans la majeure partie du pays, notamment à Mogadiscio et dans le sud, ne laissant qu’une poche d’air au TFG autour de Baidoa, son siège. Les islamistes ont rétabli un semblant d’ordre dans la capitale. Mais leur lecture orthodoxe du coran déplaît parfois, sur place, et inquiète les Etats-Unis, qui les accusent de liens avec Al Qaida. Le 4 septembre dernier, à Khartoum, les deux camps ont bien signé un accord qui prévoyait notamment la reconstitution d’une armée somalienne… sans suite.

Ali Mohamed Gedi, le Premier ministre du TFG, se veut moins optimiste – ou cynique – que son homologue éthiopien. « Je crois que la guerre est inévitable, car des éléments au sein des soi-disant Tribunaux islamiques sont contre la paix et la stabilité », a-t-il déclaré mardi à Associated Press. Il venait d’annoncer que les troupes de l’UIC encerclaient la ville de Baidoa.

Les deux camps se sont déjà violemment affrontés vendredi et samedi dernier, à Maddoy, à une quarantaine de kilomètres du siège du gouvernement de transition. Depuis, l’UIC a décidé de se déployer le long de la frontière pour empêcher tout renfort et toute sortie aux troupes éthiopiennes déjà en Somalie. Ses forces armées se dirigent notamment vers Tiyeglow, une ville stratégique située sur l’un des principaux axes entre Baidoa et l’Ethiopie. Le TFG a annoncé mardi y avoir envoyé 700 hommes pour éviter sa prise. Des témoins ont déclaré mercredi à Reuters avoir vu les forces belligérantes distantes d’à peine deux kilomètres.

Une force de paix en Somalie

Outre les combats récents, l’UIC a été échaudée par la décision du Conseil de sécurité de l’ONU, le 6 décembre dernier, d’autoriser l’envoi d’une mission africaine de « protection et de formation » en Somalie. 8 000 hommes seraient fournis par l’Autorité intergouvernementale de développement (Igad), composée du Kenya, de l’Ouganda, du Soudan, de Djibouti, de l’Ethiopie, de l’Erythrée et du TFG. Son rôle est de « suivre les progrès réalisés » par le gouvernement de transition et les Tribunaux islamiques « dans l’application des accords » signés le 4 septembre, à Khartoum. Elle doit également « maintenir la sécurité à Baidoa » et « protéger les membres (…) et infrastructures » du TFG.

Le texte, inspiré par les Etats-Unis, souligne que le gouvernement de transition constitue « la seule voie pour parvenir à la paix et à la stabilité ». Lors de la même session, le Conseil de sécurité a introduit une dérogation à l’embargo sur les armes qu’il impose à la Somalie depuis 1992, afin de permettre l’armement et l’entraînement des futures forces de sécurité.

Dès jeudi, l’UIC a annoncé qu’elle n’accepterait « jamais le déploiement de troupes étrangères. Cela va énormément augmenter le nombre de victimes et le nombre de tombes dans ce pays », a assuré cheikh Abdurahim Muddey, le porte-parole des tribunaux. L’Ouganda, qui s’était porté candidat à l’envoi de troupes en Somalie, a déjà fait savoir que la situation est désormais trop risquée.

Illustration : University of Texas libraries

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