Tchad : Idriss Déby somme Chevron et Petronas de quitter son pays


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Le Président Idriss Déby Itno a invité samedi les sociétés pétrolières Chevron et Petronas à quitter son pays, pour non respect de leurs engagements, tout en demandant à son gouvernement de renégocier les termes de leur convention. Des associations tchadiennes avaient mis en garde le gouvernement contre l’accord désavantageux signé avec les compagnies étrangères, en 2003, mais en vain. Aujourd’hui, derrière le prétexte du défaut de paiement, N’Djamena pourrait chercher à faire de la place à la Chine, son nouveau partenaire.

« Dès demain (dimanche), les représentants de Chevron et Petronas doivent quitter le Tchad et fermer leur bureau pour non respect de leur engagement conformément aux clauses relatives au paiement des impôts sur les sociétés », a ordonné samedi le président Idriss Déby Itno. « Le Tchad, avec Exxon, géreront le pétrole tchadien en attendant de trouver une solution avec les deux autres partenaires », a-t-il ajouté devant son gouvernement, le bureau de l’Assemblée nationale et les responsables de partis politiques. Ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat dénonce le non respect de la « convention de 1998 » – ainsi que la convention elle-même – signée en 2003 entre l’Etat et le consortium Chevron-Exxon-Petronas pour l’exploitation de l’oléoduc Doba-Kribi.

En octobre 2004, alors qu’elle négociait l’application de la convention de 1998, la présidence a fustigé les « intentions clairement affichées du consortium à saigner à blanc l’économie du Tchad ». Mardi, le chef de l’Etat a justement demandé à son gouvernement « de négocier la convention avec le consortium pour lui permettre d’entrer dans la production [et] mieux en profiter ». Cela tombe bien, la société des hydrocarbures du Tchad (SHT) est née en juillet dernier avec pour mission « la prise en main du secteur pétrolier et l’augmentation de la part de la rente qui revient à l’Etat tchadien en s’associant à l’exploitant ».

Déby avait été mis en garde

« Le président Déby a raison de dire que les accords sont désavantageux. Mais c’est trop tard, explique Nenodji Mbaïteur, chargée de programme à l’Observatoire de la gestion des revenus pétroliers (OGRP, Tchad). Au moment des négociations (2003), la société civile (Commissions permanentes pétrole Tchad, Groupe de recherches alternatives, Monitoring projet Tchad-Cameroun) a dit au président que le gouvernement n’était pas prêt, qu’il n’avait pas l’expertise, pas l’expérience nécessaire pour négocier. Mais à cette époque, son seul but était que le pétrole soit rapidement exploité afin de dégager de l’argent. Nous lui avons même proposé un moratoire de deux ans afin de se préparer techniquement, humainement et financièrement, mais il a refusé. »

Deux ans, c’est finalement un peu plus du temps qu’il a fallu au Président nouvellement réélu pour revenir sur la convention de 1998. Sa dernière colère, en octobre 2004, était restée lettre morte. Entre temps, il a créé une nouvelle polémique en révisant la Loi 001 de 1999, qui devait assurer la transparence de la gestion des pétrodollars et permettre d’en faire profiter les populations locales. Un accord avec la Banque mondiale, qui avait bloqué ses avoirs au début de l’année, a finalement été trouvé en juillet dernier. Sur la justesse des accusations formulées samedi par le chef de l’Etat, Mme Nenodji Mbaïteur avoue que l’Observatoire n’a « pas encore mené d’investigation pour pouvoir donner une réponse exacte ». Chevron a d’ailleurs indiqué être en règle avec ses engagements et ne pas avoir reçu de notification écrite l’invitant à quitter le pays. « Mais défaut de paiement ou non, ce qui est certain est que sa décision a des dessous politiques, » ajoute-t-elle.

Outre la création récente de la SHT, la chargée de programme fait allusion au récent rapprochement entre le Tchad et la Chine, second consommateur de pétrole au monde, chasseur de pétrole en Afrique et notamment au Soudan voisin. N’Djamena était l’une des six dernières capitales africaine à reconnaître Taiwan, mais le 6 août dernier, elle a lâché l’île pour la République populaire. Les analyses tendent donc à confirmer qu’il n’y a pas de défaut de paiement et qu’il s’agit de « faire place à la Chine », estime « personnellement » Nenodji Mbaïteur.

Selon Idriss Déby, le Tchad, qui produit de 160 à 170 000 barils par jours sur le champ pétrolifère de Doba, n’a touché depuis 2003 « qu’une broutille de 588 millions de dollars ». Dans le même temps, le consortium aurait généré un chiffre d’affaires de cinq milliards de dollars pour deux milliards d’investissement.

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