Zimbabwe : Récoltes perdues et espoirs envolés, une fois de plus


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Garai Hokonya, 53 ans, propriétaire d’une petite exploitation dans le district de Chivhu, à environ 120 kilomètres d’Harare, la capitale zimbabwéenne, s’est résigné à une vérité bien amère : les 12 hectares de maïs qu’il avait plantés à la main sont dévastés par une sécheresse non saisonnière et prolongée.

« J’ai laissé tomber la culture et j’emmène le bétail et les chèvres paître dans les champs », a dit M. Hokonya à IRIN. « C’est terrible, parce que ma famille n’a pas du tout labouré une partie de la terre, à cause d’une pénurie [d’animaux de labour] », a-t-il dit.

L’élevage a payé un lourd tribut à la décennie d’insécurité alimentaire – qui a atteint un sommet au premier trimestre 2009, lorsque près de sept millions de personnes, soit bien plus de la moitié de la population, avaient besoin d’aide alimentaire d’urgence. Les animaux utilisés pour le travail agricole ont été sacrifiés pour servir de nourriture pendant les périodes de famine, décimant ce bétail dont les petits agriculteurs ont besoin pour labourer leurs champs.

En réponse à la pénurie d’animaux, « et sur les conseils des agents de vulgarisation agricole, qui [leur] ont dit que planter à la main [leur] permettrait d’augmenter le rendement », les petits exploitants ont creusé des trous peu profonds et planté des semences à la main, utilisant cette technique comme substitut au labourage. Cette méthode était considérée comme idéale, car les champs qui ont été mis en jachère retiennent les nutriments, et ne nécessitent donc pas une grande quantité d’engrais.

M. Hokonya était très optimiste. « Lorsque nous avons commencé à planter, la météo était favorable car la pluie tombait sans discontinuer [en octobre 2009], et il n’y avait aucune raison de penser que la situation pouvait aussi mal tourner que cela a été le cas ». Mais à la fin du mois de décembre, M. Hokonya et les agriculteurs des alentours scrutaient le ciel bleu avec inquiétude, espérant y apercevoir un nuage, et leur espoir s’amenuisait.

Le département des services météorologiques du Zimbabwe a annoncé que des pluies satisfaisantes arriveraient probablement au cours des prochaines semaines, mais M. Hokonya est sceptique quant à l’intérêt de replanter car « la plupart du temps, ces prévisions sont fausses, et maintenant, il trop tard pour envisager de planter de nouvelles cultures ».

Cependant, avant même que les conditions météorologiques ne deviennent défavorables, les organisations humanitaires prévoyaient qu’environ 2,2 millions de Zimbabwéens auraient besoin d’aide alimentaire entre janvier et mars 2011.

La dernière évaluation des risques météorologiques en Afrique, réalisée par USAID (l’agence américaine pour le développement international) et FEWS NET (le Réseau des systèmes d’alerte précoce contre la famine) a indiqué que le Zimbabwe, comme plusieurs autres pays d’Afrique australe, connaissait des précipitations peu abondantes.

« Depuis décembre, des précipitations inférieures à la moyenne et des températures supérieures à la moyenne continuent à contribuer à renforcer les déficits hydriques saisonniers dans le centre du Mozambique, dans le sud du Malawi, dans le sud de Madagascar et dans le sud du Zimbabwe », a dit FEWS NET dans son évaluation.

Renson Gasela, spécialiste en agriculture et ancien secrétaire à l’agriculture du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), a dit à IRIN : « La situation des cultures dans le pays est très mauvaise, et la sécurité alimentaire est très menacée ».

Les provinces de Manicaland, Masvingo, Matabeleland Sud et Midlands sont aussi actuellement très affectées par des schémas météorologiques défavorables.

« Nous avions espéré que les importations alimentaires seraient minimales cette année, mais la météo a très durement frappé le pays, et les rendements seront pires que ceux de la dernière saison agricole principale », a dit M. Gasela.

La récolte sera probablement faible

« Nous dirions que nous avons perdu environ la moitié de ce que nous aurions pu récolter, même s’il faut encore attendre un petit peu pour avoir une vision plus complète des dégâts ».

La Mission d’évaluation de la situation agricole et alimentaire de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, ainsi que le Programme alimentaire mondial des Nations Unies, ont prévu une récolte céréalière d’1,3 million de tonnes pour 2009, contre 690 000 tonnes en 2008.

Il était trop tard pour replanter dans la plupart des régions du pays, « et même dans les zones où cela est possible, il n’y a aucune garantie que les pluies vont durer longtemps », a dit M. Gasela.

Denford Chimbwanda, président de l’Association des producteurs de céréales (GCPA), a dit à IRIN : « Nous courons au désastre si les pluies n’arrivent pas d’ici une semaine. C’est un grand malheur, car la plupart des agriculteurs avaient fait de leur mieux pour préparer leurs exploitations et leurs terrains ».

D’après lui, la majorité des cultivateurs ont reçu des engrais trop tard, à un stade où ils ne pouvaient plus les utiliser à cause de la faible humidité du sol. « En raison de l’insuffisance des pluies jusqu’à ce jour, les agriculteurs ne peuvent pas traiter leurs cultures, alors que c’est essentiel ».

Hausse des prix alimentaires

Innocent Makwiramiti, un économiste basé à Harare, a dit que le spectre d’une nouvelle mauvaise récolte était déjà décelable dans les prix du maïs. « Les négociants ont déjà commencé à spéculer, et répondent à la menace de sécheresse en augmentant le prix du maïs [l’aliment de base] ».

Il a dit à IRIN : « Un sac de 50 kilogrammes… qui coûtait auparavant environ neuf dollars, se vend maintenant à 15 dollars ; cela pourrait également faire monter le prix de la semoule de maïs dans les magasins, sans distinction entre la semoule importée et celle produite localement ».

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