Yatma Diop, ancien international sénégalais : « L’amateurisme nous a coûté la CAN 1968 à Asmara »


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Yatma Diop , ancien international sénégalais
Yatma Diop , ancien international sénégalais

Si le Sénégal était considéré comme l’équipe la plus forte de la 6ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations à Asmara, en Éthiopie, en 1968, c’est pourtant le Congo-Kinshasa (RDC), qui remporte le trophée. Ce, après avoir battu le double tenant du titre, le Ghana, lors de la finale à Addis-Abeba, sur le score de 1-0. Les Congolais ont battu les Lions sur une erreur d’appréciation du gardien de but sénégalais. Pour Yatma Diop, ancien international, par ailleurs superstar sénégalaise à l’époque, l’amateurisme a couté cette CAN 1968 à son pays.

Entretien

Vous êtes l’un des premiers expatriés sénégalais de l’histoire, pouvez-vous revenir sur cette partie de votre vie professionnelle ?

Je dois préciser que j’ai toujours refusé d’être considéré comme un professionnel, parce que mon intention n’était pas d’aller en France pour faire du football, mais j’étais plutôt allé pour les études. Donc, j’ai refusé tout type de contrat qui m’a été proposé. Les grands clubs à cette époque, l’Olympique de Marseille, Lille, Lyon, tous m’avaient vu à la CAN à Asmara. Je n’étais pas parti pour jouer au football, mais j’ai utilisé le football pour faire ce que je voulais. Le mot professionnel, je l’ai mis de côté, car si tu es pro, il n y plus d’études et le football n’est pas sûr. C’est ce qui est arrivé d’ailleurs, parce que j’ai été blessé. Mais, ma présence à la CAN de 68 avait montré qu’il y avait un Sénégalais qui s’appelait Yatma Diop et qui était le seul droitier évoluant à gauche dans le monde.

Donc, je n’ai jamais cherché à déborder les arrières latéraux. Je passais par leur pied d’appui, pour attaquer l’axe central. C’était nouveau dans le football et c’est après discussion avec Lamine Diack, que cette option a été prise, car nous le faisons déjà au Foyer France-Sénégal avec Louis Gomis. Ça fait que j’ai fait une CAN presque exceptionnelle, parce que je n’étais pas un joueur de champ au départ, mais un gardien de but. Jusqu’au lycée Vanvo j’étais gardien de but. Je connaissais à peu près ce qui se passait dans la surface de réparation, la réaction des gardiens. Ça m’a permis de marquer des buts qui surprenaient tout le monde.

Vous avez participé à la CAN 1968 à Asmara. Qu’est-ce qui a manqué à cette équipe du Sénégal pour être sacrée ?

À Asmara, nous étions les meilleurs, parce que nous avions comme adversaire le Ghana. Le Ghana était champion d’Afrique en titre, ils avaient battu le Real Madrid en match amical (5-3), avant de venir à cette CAN. Après, ils ont tenu une conférence de presse et Lamine Diack nous informe que les Ghanéens disent que nous ne sommes rien devant eux. On a dit « ah oui » et le jour du match on les a promenés. Je dis bien promener. Le plus jeune d’entre nous s’appelait Doudou Ndiongue, qui était le fils d’un commissaire de police et élève au lycée Delafosse. C’est ce garçon qui a marqué le premier but. En marquant ce but, on a ridiculisé les Ghanéens, car aucun joueur n’a touché au ballon. C’est parti de notre gardien de but, puis l’arrière droit Yérim Diagne, le milieu de terrain Louis Gomis… Ils ont fait des échanges avec l’ailier droit Pape Ndiaye, Baye Moussé Paye de Gorée et Louis Gomis. Aucun joueur ghanéen n’a touché le ballon.

Et les joueurs ghanéens vous laissaient faire ?

Justement, les défenseurs ghanéens en avaient marre de Doudou Ndiongue et lui ont donné un coup de coude en pleine poitrine. Il n’a pas fini la partie et on menait 1-0. Malheureusement, on prend un but qu’une équipe normale ne doit pas prendre. En deuxième mi-temps, les Ghanéens égalisent. À quelques minutes de la fin du match, je marque un deuxième but, c’est le fameux but que je marque presque à tout le monde. Nous étions les premiers du groupe en ce moment. Malheureusement, on prend un but dans les toutes dernières minutes 2-2. Le match suivant, Doudou Ndiongue n’a pas joué et c’est Yatma Diouk qui a pris sa place. Ensemble, nous avons marqué deux buts et nous avons gagné 3-1 devant le Congo-Brazzaville.

Yatma DiopLe match d’après était contre le Congo, mais ils avaient triché en faisant venir cinq joueurs de Belgique, alors que le règlement n’autorisait que deux joueurs. Le Sénégal n’avait qu’un seul joueur qui venait de France et c’était moi. Malgré tout, on était à 1-1 partout. C’est là qu’on a été amateur, car on perd ce match à deux minutes du terme. Notre gardien prend le ballon sur un corner et il le laisse à terre. Le Congolais le pousse dans le but vide. Voilà le but qui nous a couté la CAN. On ne savait pas pourquoi, il avait fait ça. Il dit qu’il avait dû entendre un coup de sifflet. Mais, ce coup de sifflet venait d’où, on ne sait pas. On venait de perdre une Coupe d’Afrique qui était la nôtre, car on était plus fort que toutes les équipes dans cette compétition.

Qui est le meilleur footballeur sénégalais de tous les temps, selon vous ?

Pour moi, le meilleur footballeur sénégalais de tous les temps, c’est Mbaye Fall et c’est mon avis. Mais, on m’a toujours dit Matar Niang. La différence entre les deux, Matar Niang mesurait 1m90 et était très technique. Il ne jouait pas de la tête, disons que je ne l’avais jamais vu mettre sa tête. C’est toujours le contrôle de la poitrine, il amène le ballon au sol et le couvre. Mbaye Fall, c’est le contraire. Matar Niang est fondamental axial, il ne se déportait pas à droite ou à gauche. Il était très technique, intelligent, correct et était admiré par tout le monde. D’ailleurs, Salif Keïta, quand on lui a dit qu’il était le meilleur joueur africain, il avait affirmé que c’était plutôt Matar Niang. Mais, lui Salif Keïta, ne connait pas Mbaye Fall. La différence avec Mbaye Fall, il est petit de taille et pourtant il prenait presque tous les ballons de la tête. Il jouait dans la même posture que Matar Niang, mais Mbaye Fall, quand il se démarquait sur le flanc droit, il était le plus fort partout.

A suivre

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